Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A maple leaf on graph paper

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2025 COMC 21

Date de la décision : 2025-01-31

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Five Seasons Comfort Limited

Requérante : Products Unlimited, Inc.

Demande : 1922128 pour FILTER Dessin

Contexte

[1] Products Unlimited, Inc. (la Requérante), est un leader dans la fabrication de produits de filtration innovants employés dans de nombreux types d’entreprises, notamment industrielles, commerciales et résidentielles. Le 26 septembre 2018, elle a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce FILTER Dessin (la Marque), qui, dans sa version modifiée, est représentée visuellement et décrite comme suit :

[traduction]

Position

La marque de commerce est constituée en tout ou en partie d’un positionnement de signe.

Représentation visuelle

A white rectangular object with black lines

Description automatically generated

DESCRIPTION

La marque de commerce est constituée de la position d’ouvertures généralement en forme de losange légèrement décalées par rapport à celles des colonnes voisines, le trait tireté entourant ces formes ne fait pas partie de la marque de commerce et sert uniquement à illustrer l’emplacement de la marque de commerce.

[2] Les produits visés par la demande en liaison avec la Marque, dans sa version modifiée, sont des filtres à air pour des applications et des installations industrielles et commerciales, nommément filtres pour cabines de peinture (les Produits).

[3] Five Seasons Comfort Limited (l’Opposante) est un fabricant de systèmes de purification d’air électroniques, à média et HEPA à haut rendement pour des applications résidentielles, commerciales et industrielles. Elle s’est opposée à la demande pour un certain nombre de motifs, notamment que la Marque est destinée à assurer une fonction utilitaire.

[4] Pour les raisons qui suivent, la demande est rejetée.

Le dossier

[5] La Marque a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 17 août 2022.

[6] Le 2 février 2023, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), dans sa version modifiée, faisant valoir de nombreux motifs d’opposition à la Marque (exposés dans l’Annexe A ci-jointe).

[7] La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration niant tous les motifs d’opposition.

[8] Comme preuve en chef, l’Opposante a produit l’affidavit de Julia Walters, souscrit le 28 juillet 2023, auquel était jointe une copie certifiée conforme de l’historique du dossier de cette demande no 1,922,128. Mme Walters une adjointe employée par l’agent de l’Opposante. En plus de fournir des renseignements sur l’historique du dossier de la demande de la Requérante, Mme Walters a effectué une recherche dans la base de données de l’OPIC et a identifié toutes les demandes et tous les enregistrements des marques de commerce au nom de l’Opposante. Les Pièces B1 à B9 jointes à son premier affidavit sont des imprimés de chacun des enregistrements des marques de commerce de l’Opposante. Elle a également effectué des recherches sur la société de l’Opposante et a fourni comme Pièces C à I des imprimés de la page d’accueil de son site Web ainsi qu’un imprimé du catalogue de l’Opposante et d’autres renseignements sur la société de l’Opposante. Les Pièces N à W de son affidavit sont des imprimés de pages Web de plusieurs fabricants tiers de divers types de filtres.

[9] À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Michael Beier. M. Beier est le vice-président de la Requérante et il occupe ce poste depuis 2008. M. Beier fournit généralement des renseignements sur l’activité de la Requérante et sur la Marque visée par la demande. Par exemple, il note que les filtres de la Requérante sont commercialisés et vendus sous la marque de commerce « Paint Pockets ».

[10] Comme contre-preuve, l’Opposante a produit un deuxième affidavit de Julia Walters, celui-ci souscrit le 19 janvier 2024. Dans le deuxième affidavit Walters, celle-ci déclare qu’elle a effectué une recherche Google pour « Paint Pockets ». Cette recherche a révélé l’existence d’une entreprise appelée Paint Pockets Company, située à la même adresse que celle de la Requérante. Elle a ensuite été dirigée vers le site Web de Paint Pockets Company à l’adresse www.paintpockets.com, elle a joint des imprimés du site Web à son affidavit. La Requérante n’a pas contesté la contre-preuve de l’Opposante.

[11] Aucun des déposants n’a été contre-interrogé quant à son affidavit.

[12] Les deux parties ont produit des observations écrites, mais aucune d’entre elles n’a demandé la tenue d’une audience.

Résumé de la preuve

[13] J’ai étudié tous les éléments de preuve, mais je n’estime pas nécessaire de les résumer en détail, je me concentrerai plutôt sur les parties que je considère comme les plus pertinentes pour les questions en jeu.

Activités de la Requérante en ce qui concerne la Marque

[14] Je commencerai par résumer l’historique de cette demande, qui a été jointe à la preuve de l’Opposante.

[15] À la date de production de la Demande, la Requérante a décrit la Marque de la manière suivante :

[traduction]

La marque est constituée d’une configuration d’un filtre qui comprend des colonnes de position d’ouvertures généralement en forme de losange légèrement décalées par rapport à celles des colonnes voisines.

[16] Le 8 novembre 2021, l’examinateur a soulevé une objection en vertu de l’article 12(2) de la Loi, indiquant que le test consistait à déterminer si les caractéristiques de la Marque étaient principalement conçues pour remplir une fonction et si l’enregistrement accorderait à un commerçant un monopole sur sa caractéristique fonctionnelle.

[17] L’examinateur a déclaré que les caractéristiques d’une marque de commerce résultaient principalement d’une fonction utilitaire si ces caractéristiques étaient essentielles à l’emploi ou à la finalité des produits indiqués dans la demande. L’examinateur a d’abord conclu que la Marque était considérée comme remplissant une fonction des Produits et donc non enregistrable au regard de l’article 12(2) de la Loi. Il a ensuite expliqué que son objection devait être considérée comme un obstacle absolu à l’enregistrement, étant donné que la loi ne permet pas à un requérant de produire des preuves montrant que la marque de commerce a acquis un caractère distinctif à la date de production de la demande. Toutefois, il a ajouté que l’objection visée à l’article 12(2) peut être levée soit en convainquant le registraire que les caractéristiques de la marque de commerce ne résultent pas principalement par une fonction utilitaire, soit en excluant ces caractéristiques de la marque de commerce (au moyen d’une déclaration à cet effet et en décrivant la ou les caractéristiques en pointillés dans toute représentation visuelle).

[18] La Requérante a produit d’autres demandes modifiées le 1er juin 2022 et le 29 juin 2022. La dernière demande modifiée, comme annoncé aux fins d’opposition, est reproduite ci-dessous :

[traduction]

La marque de commerce est constituée de la position d’ouvertures généralement en forme de losange légèrement décalées par rapport à celles des colonnes voisines, le trait tireté entourant ces formes ne fait pas partie de la marque de commerce et sert uniquement à illustrer l’emplacement de la marque de commerce.

[19] Comme indiqué ci-dessus, la Requérante a produit l’affidavit de M. Beier en tant que preuve en chef. M. Beier explique que la Marque est employée au Canada depuis au moins janvier 1998. Il fournit la preuve des ventes de filtres au Canada entre 2019 et 2023, variant entre 885 928 $ US et 1 570 113 $ US par an.

[20] M. Beier souligne les caractéristiques suivantes de la Marque aux paragraphes 5 et 6 de son affidavit :

[traduction]

5. Il est important de souligner que les colonnes décalées d’ouvertures en forme de losange sont intégrées dans le média filtrant lui-même, et qu’il ne s’agit pas de couvercles ou de cadres séparés recouvrant un filtre, comme c’est le cas pour les filtres d’autres sociétés.

6 Les ouvertures en forme de losange ne sont pas fonctionnelles par rapport à d’autres formes telles que les triangles, les cercles, les rectangles, etc. La forme en losange n’offre aucun avantage fonctionnel par rapport à une autre forme. Les ouvertures en forme de losange sont destinées à distinguer les filtres de Products Unlimited des autres filtres. La forme en losange est employée depuis plus de 20 ans et est reconnue dans l’ensemble de l’industrie en raison de cette forme.

[21] La preuve de l’Opposante comprend également les déclarations suivantes concernant les produits de la Requérante, provenant du site Web de Paint Pockets :

[traduction]

Paint Pockets est le filtre anti-pulvérisation unique le plus performant, sans conteste […] Sa conception unique retient jusqu’à cinq fois plus d’overspray que les autres filtres, ce qui vous permet de réduire vos changements de filtres de 80 %. Les poches tridimensionnelles intégrées dans la surface frontale des Paint Pockets font plus que doubler leur surface, ce qui permet au filtre de capturer et de retenir de très grandes quantités d’overspray. Les dispositifs d’arrêt Paint Pockets ont une résistance supérieure à la traction en milieu humide. Les parafoudres chargés d’overspray humide deviennent lourds, mais ils ne se fissurent pas et ne s’affaissent pas [deuxième affidavit Walters, Pièce C.1, soulignement ajouté].

Ses poches uniques permettent aux Paint Pockets d’accumuler des quantités significatives d’overspray avant qu’elles ne commencent à réduire sensiblement le flux d’air de la cabine. Cette caractéristique vous permet de « régler » l’ensemble de votre processus de finition pour une efficacité de transfert maximal et, plus important encore, de fonctionner dans la zone d’efficacité optimale. Une efficacité de transfert accrue signifie plus de pièces revêtues par quantité pulvérisée et des intervalles plus longs entre les changements de filtres. Un pourcentage plus élevé de la finition recouvre les pièces au lieu des dispositifs d’arrêt [deuxième affidavit Walters, Pièce C.1, soulignement ajouté].

[22] L’Opposante admet que Mme Walters n’était pas en mesure de confirmer la véracité du contenu des sites Web d’autres fabricants joints à ses affidavits, y compris les imprimés du site Web de la Requérante, car ils constituent des ouï-dire. Je suis toutefois disposée à accorder tout le poids nécessaire aux imprimés du site Web de la Requérante, même s’il s’agit d’un ouï-dire. À cet égard, je considère que ces imprimés étaient nécessaires pour que l’Opposante puisse contester l’enregistrabilité de la Marque de la Requérante. Je considère également que ces imprimés sont fiables puisque la Requérante semble avoir participé à leur élaboration et qu’elle a également eu l’occasion de réfuter la preuve [voir Reliant Web Hostings Inc c Tensing Holding BV, 2012 Carswellnat 836 (COMC) au para 35].

Les filtres des autres sociétés et ceux de l’Opposante

[23] Principalement à l’appui du motif d’opposition du caractère distinctif tel que plaidé, l’Opposante a fourni une preuve concernant ses filtres ainsi que ceux d’autres filtres sur le marché canadien.

[24] Mme Walters joint comme Pièces B.1 à B.9 de son premier affidavit une copie imprimée de chacun des enregistrements suivants de l’Opposante :

[25] Les Pièces C à I jointes au premier affidavit de Mme Walters sont plusieurs imprimés concernant l’activité de l’Opposante, provenant du site Web de l’Opposante www.fiveseasonaircleaners.com et d’autres sites Web. Les Pièces N à W jointes à l’affidavit de Mme Walter sont des « copies d’écran » pour divers filtres à air et d’appareils de chauffage provenant des sites Web suivants : www.amazon.ca, www.uline.ca, www.kochfilter.com, www.homedepot.ca, www.canadiantire.ca. L’opposante soutient que les ventes de filtres à air des fabricants tiers sur Amazon indiquent que deux d’entre eux étaient disponibles pour la première fois au Canada le 1er avril 2015 et le 25 septembre 2013 (voir le premier affidavit Walters, Pièces N et O). De plus, le 27 juillet 2023, Mme Walters a acheté deux filtres à air Filtrete dans un magasin de Canadian Tire situé à Toronto.

[26] Comme indiqué précédemment, l’Opposante a admis que Mme Walters n’était pas en mesure de confirmer la véracité du contenu des sites Web d’autres fabricants joints à son affidavit, car ils constituent des ouï-dire. En effet, la simple existence des pages Web n’établit pas la mesure dans laquelle les filtres qui figuraient sur les pages Web ou la période pendant laquelle ils ont été employés, leur existence n’établit pas non plus que les consommateurs pertinents ont accédé aux pages Web [ITV Technologies Inc c WIC Television Ltd, 2003 CF 1056 aux para 21 et 22; conf par 2005 CAF 96]. Par conséquent, les sites Web d’autres fabricants joints à son affidavit n’ont que peu de valeur probante, si ce n’est celle d’établir que ces sites Web ont bel et bien existé.

Fardeau

[27] Il ne fait aucun doute que l’Opposante a le fardeau de preuve initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition.

[28] Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial, la Requérante doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition plaidés ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, 1990 CanLII 11089 (CF), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst) à la p 298; Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Aperçu

[29] Ce cas est unique en raison de la nature de la Marque elle-même, puisque la Marque est de nature non traditionnelle, en ce sens qu’elle est « la position d’un signe » [article 2 de la Loi et article 31e) du Règlement]. Les marques de commerce non traditionnelles ne sont reconnues par la Loi que depuis sa modification le 17 juin 2019. Il n’est donc pas étonnant qu’une opposition à une marque constituée de [traduction] « la position d’un signe » n’ait pas encore été considérée dans des décisions antérieures de la Commission ou de la Cour fédérale.

[30] En outre, puisque la Marque a été annoncée après le 17 juin 2019, la Loi dans sa version modifiée s’applique. Ceci est d’autant plus pertinent que les dispositions de la Loi avant le 17 juin 2019 relatives à d’autres marques de commerce non traditionnelles antérieures (telles que les signes distinctifs en vertu du précédent article 13 de la Loi) ne s’appliqueront pas dans ce cas. Le concept de [traduction] « signe distinctif » a été supprimé de la Loi par les modifications du 17 juin 2019.

[31] L’article 13(1)b) de la Loi concernait les signes distinctifs et était considéré comme une codification légale de la « doctrine de fonctionnalité » bien reconnue qui interdit l’enregistrement de toute marque de commerce qui est entièrement ou principalement fonctionnelle ou utilitaire : Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc, 2005 CSC 65 au para 60. Étant donné que la nouvelle définition d’une marque de commerce à l’article 2 de la Loi inclut les marques qui étaient précédemment appelées « signes distinctifs », la jurisprudence du registraire et de la Cour fédérale concernant les signes distinctifs pourrait éclairer le développement de la jurisprudence concernant ce type de marque de commerce non traditionnelle [voir, par exemple, Protecting Non-Traditional Trademarks in Canada, Practical Law Canada Practice Notice, de Daniel G.C. Glover, Partner et Marissa Caldwell, Associate, McCarthy Tetrault LLP, le 24 janvier 2024].

[32] Enfin, je constate que le concept de fonctionnalité ne se limite pas aux signes distinctifs, mais s’applique également aux marques figuratives à double dimension [Remington Rand Corp c Philips Electronics N.V. (1995), 64 CPR (3d) 467 (CAF) à la p 476 et Anenda Systems Inc c EasyTrim Reveals Inc, 2020 COMC 96].

Analyse des motifs d’opposition

[33] Je commencerai par constater que les motifs invoqués selon lesquels la Marque n’est pas enregistrable au regard de l’article 18.1 de la Loi ne sont pas des motifs d’opposition valables. À cet égard, l’article 18.1 de la Loi s’applique aux situations dans lesquelles la Cour fédérale peut radier l’enregistrement d’une marque de commerce pour cause d’invalidité. La COMC n’a pas le pouvoir de faire une telle constatation en vertu de l’article 18.1. En outre, la présente affaire concerne une demande d’enregistrement d’une marque de commerce, et non un enregistrement d’une marque de commerce. Ces deux motifs ont donc été rejetés.

[34] En ce qui concerne les autres motifs d’opposition, il ressort des éléments de preuve et des observations des parties qu’il existe des questions principales en l’espèce, chacune d’entre elles constituant une base pour de multiples motifs d’opposition soulevés par l’Opposante. Par exemple, la déclaration d’opposition allègue dans diverses parties que les ouvertures en forme de losange de la Marque sont fonctionnelles.

[35] Par conséquent, même si l’Opposante ne s’est focalisée que sur les motifs fondés sur les articles 30(2)a), 12(1)b), 2 et 38(2)a.1) de la Loi dans ses observations écrites, étant donné que la preuve concernant la Marque et la question de savoir si ses caractéristiques ont une fonction utilitaire est pertinente pour un certain nombre de motifs d’opposition, je considère qu’il est utile à ce stade d’examiner tout d’abord si les caractéristiques de la Marque résultent principalement d’une fonction utilitaire.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(2)

[36] Le motif d’opposition de l’Opposante fondé sur l’article 12(2) est invoqué de la manière suivante :

[traduction]

En application de l’article 38(2)b), la marque de commerce de la Requérante n’est pas enregistrable au regard de l’article 12(2) en ce que les [traduction] « ouvertures généralement en forme de losange dans lesquelles une colonne d’ouvertures généralement en forme de losange est légèrement décalée par rapport à celles des colonnes voisines », représentées et affichées dans la marque de commerce de la Requérante (suivant la description de la Demande de la Requérante) résultent principalement d’une fonction utilitaire. Ces [traduction] « ouvertures généralement en forme de losange », telles qu’elles sont représentées et décrites dans la Marque de commerce de la Requérante, sont une caractéristique structurelle des produits de la Requérante (par exemple, les filtres à air) qui sont conçus pour optimiser le support structurel et la rigidité tout en favorisant le flux de l’air.

[37] L’article 12(2) de la Loi refuse l’enregistrement d’une marque de commerce si, à l’égard des produits ou services énumérés dans la demande, les caractéristiques de la marque résultent principalement d’une fonction utilitaire.

[38] Le principe juridique de la doctrine de la fonctionnalité dans le cadre de la loi sur les marques de commerce interdit l’enregistrement des caractéristiques fonctionnelles d’un produit. La doctrine de fonctionnalité, comme l’a noté la Cour suprême du Canada dans Kirkbi AG c Ritvik, supra, garantit que la protection des caractéristiques utilitaires des produits est assurée par un brevet à durée limitée, et non par la protection potentiellement illimitée dans le temps (par renouvellement) de l’enregistrement d’une marque de commerce.

[39] Le critère, tel qu’énoncé ci-dessus, est de savoir si les caractéristiques de la marque de commerce sont principalement destinées à remplir une fonction et si l’enregistrement accorderait à un commerçant un monopole sur leurs caractéristiques fonctionnelles. Les caractéristiques d’une marque de commerce résultent principalement d’une fonction utilitaire si ces caractéristiques sont essentielles à l’emploi ou à la fonction des produits ou services indiqués dans la demande.

[40] La doctrine de fonctionnalité est également importante lorsqu’il s’agit d’évaluer si des marques de commerce non traditionnelles sont enregistrables. Comme indiqué dans l’article Protecting Non-Traditional Trademarks in Canada, Practical Law Canada Practice Notice, supra :

[traduction]

En outre, en vertu de l’article 12(2) de la Loi, une marque de commerce n’est pas enregistrable si, à l’égard de ses produits ou services, ses caractéristiques résultent principalement d’une fonction utilitaire. La Cour suprême du Canada a décrit le principe de la fonctionnalité comme « un principe logique du droit des marques de commerce. Il reflète l’objet d’une marque de commerce, soit la protection du caractère distinctif du produit, mais non d’un monopole sur celui‑ci » (voir Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc. /Gestions Ritvik Inc., 2005 CarswellNat 3631 [CSC] au para 42). La doctrine de la fonctionnalité sera un facteur particulièrement important lorsqu’il s’agira d’évaluer si des marques de commerce non traditionnelles sont enregistrables.

L’Opposante s’est-elle acquittée de son fardeau de preuve initial?

[41] Pour déterminer si la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(2) de la Loi, les deux questions principales à considérer en l’espèce sont les suivantes :

1. La Marque est-elle physiquement essentielle aux Produits de la Requérante (c’est-à-dire les filtres pour cabines de peinture) [voir IVG Rubber Canada Ltd c Goodall Rubber Co (1980), 48 CPR (2d) 268 (CF 1re inst)].

2. La Marque contient-elle des éléments fonctionnels? En d’autres termes, le motif des ouvertures généralement en forme de losange, dans lequel une colonne d’ouvertures généralement en forme de losange est légèrement décalée par rapport à celles des colonnes voisines, est-il fonctionnel ou s’agit-il simplement d’une caractéristique ornementale de la Marque [voir Samann c Canada’s Royal Gold Pinetree Mfg Co Ltd (1986), 9 CPR (3d) 223 (CAF)]?

[42] La position de l’Opposante, telle que je la conçois, est que les imprimés du site Web de la Requérante permettent d’expliquer l’objectif des ouvertures généralement en forme de losange qui apparaissent comme faisant partie de la Marque de la Requérante. À cet égard, de nombreux documents sur le site Web de la Requérante font référence à la [traduction] « conception unique » des filtres de la Requérante qui sont capables de [traduction] « retenir jusqu’à cinq fois plus d’overspray que d’autres filtres ». En outre, la Pièce C.1 indique que [traduction] « les poches tridimensionnelles intégrées dans la surface frontale de Paint Pockets font plus que doubler leur surface, ce qui permet au filtre de capturer et de retenir de très grandes quantités d’overspray ».

[43] La position de la Requérante, en revanche, est qu’il n’y a pas de faits plaidés ni de preuves au dossier pour appuyer l’allégation selon laquelle [traduction] « des ouvertures généralement en forme de losange dans lesquelles une colonne d’ouvertures généralement en forme de losange est légèrement décalée par rapport à celles des colonnes voisines » est une caractéristique structurelle des filtres de la Requérante. La Requérante soutient qu’elle entend protéger le positionnement d’un signe. Elle ne vise pas la protection d’un quelconque aspect structurel ou fonctionnel des Produits.

[44] À mon avis, les déclarations du site Web de Paint Pockets concernant les avantages fonctionnels des ouvertures dans le produit de la Requérante sont suffisantes pour au moins soulever la question de savoir si la Marque telle qu’elle est revendiquée est principalement fonctionnelle. En particulier, ces déclarations font expressément référence à la « résistance supérieure à la traction par voie humide » et suggèrent au moins que les ouvertures incorporées dans le produit de la Requérante assurent cette résistance. Ces déclarations font également mention de l’augmentation de la surface et de la capacité d’overspray du produit de la Requérante, et suggèrent à nouveau que les ouvertures incorporées dans ce produit procurent ces avantages fonctionnels. Au minimum, ces déclarations suggèrent que la raison pour laquelle les ouvertures sont positionnées sur le produit de la Requérante est de fournir les avantages fonctionnels qui y sont décrits. En d’autres termes, les ouvertures semblent au moins essentielles à l’usage ou à la finalité des filtres de la Requérante.

[45] Dans Parke Davis & Co Ltd c Empire Lab (1963), 41 CPR 121 (C de l’É), il a été établi que pour décider si une marque de commerce a un usage fonctionnel ou une caractéristique, une demande de brevet pour la marque de commerce fournit au moins une preuve que la marque de commerce a un usage fonctionnel. En l’espèce, il n’existe aucune preuve de l’existence d’un brevet. Toutefois, après examen des pages imprimées du site Web de la Requérante, la Pièce B.3 du deuxième affidavit Walters fait référence à la conception brevetée de Paint Pockets qui est efficace, car elle permet un chargement en profondeur supérieur du filtre. À mon avis, bien qu’elle n’a pas la même force que la preuve d’un brevet, je considère que cette preuve est pertinente pour déterminer si la Marque est principalement fonctionnelle.

[46] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait pour mettre en cause la nature essentiellement fonctionnelle de la Marque. Par conséquent, il incombe maintenant à la requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est enregistrable.

La Requérante s’est‑elle acquittée de son fardeau?

[47] Dans ses observations écrites, la Requérante fait valoir que ses ouvertures généralement en forme de losange sont une caractéristique de conception unique et non fonctionnelle des produits.

[48] Pour présenter ces observations, la Requérante s’est principalement appuyée sur les points pertinents suivants de l’affidavit de M. Beier :

· Sa confirmation que, dans la description de la Marque, les produits représentés avec le trait tireté entourant ces formes ne font pas partie de la Marque et servent uniquement à illustrer l’emplacement de la Marque.

· Sa déclaration selon laquelle les ouvertures en forme de losange n’ont aucune fonction par rapport à toute autre forme et que la forme de losange n’offre aucun avantage fonctionnel par rapport à toute autre forme.

[49] Cependant, même si la forme de losange de l’ouverture peut ne pas avoir de fonctionnalité, la Marque n’est pas dirigée uniquement vers la forme des ouvertures. La Marque vise plutôt le positionnement d’une série d’ouvertures sur la face du produit filtrant de la Requérante. Compte tenu des déclarations du site Web Paint Pockets mentionnées ci-dessus, qui suggèrent que les ouvertures dans les produits filtrants de la Requérante offrent de multiples avantages fonctionnels, il n’est pas clair si le positionnement de ces ouvertures sur la face du produit filtrant de la Requérante, tel qu’illustré dans le dessin fourni dans la demande, fournit la fonctionnalité décrite sur le site Web. Pour cette raison au moins, la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve qui consiste à démontrer que la Marque n’est pas non enregistrable en vertu de l’article 12(2) de la Loi.

[50] En outre, je considère qu’il est utile d’examiner l’historique de l’instruction de cette demande, tel qu’il figure dans la copie certifiée du dossier de la demande joint au premier affidavit de Mme Walters. Je reproduis ci-dessous la description initiale de la Marque par souci de commodité :

[traduction]

La marque est constituée d’une configuration d’un filtre qui comprend des colonnes de position d’ouvertures généralement en forme de losange légèrement décalées par rapport à celles des colonnes voisines.

[51] La description de la Marque a été modifiée par la suite pour répondre aux objections de l’Examinateur. À cet égard, la Requérante a répondu en modifiant la description de la Marque, en indiquant que la Marque consiste en un positionnement des ouvertures en forme de losange sur le produit filtrant, et en déclarant que les produits représentés avec le trait tireté entourant ces formes ne font pas partie de la Marque. La Requérante a également fourni une déclaration selon laquelle la Marque n’était pas fonctionnelle.

[52] Bien que la marque a été approuvée pour être annoncée, je souhaite souligner que le fardeau de preuve ainsi que la preuve soumise à un examinateur diffèrent de ceux d’une procédure d’opposition [Cortefiel, SA c Doris Inc, 2013 CF 1107 aux para 37 et 38]. En l’espèce, par exemple, l’examinateur ne disposait pas des éléments de preuve figurant sur le site Web de la Requérante qui, comme indiqué ci-dessus, font référence aux caractéristiques fonctionnelles du positionnement des ouvertures en forme de losange qui composent les filtres de la Requérante.

[53] En outre, la Requérante n’a fait, pour l’essentiel, que fournir le fardeau de preuve le plus fort dans cette procédure d’opposition, en apportant la preuve que son déposant ne fait que répéter la déclaration produite à l’examinateur, c’est-à-dire que la Marque n’est pas fonctionnelle. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, bien que cette preuve concerne la forme des ouvertures, la Marque semble être un peu plus étendue que cela. En particulier, la Marque inclut le positionnement des ouvertures sur le produit filtrant de la requérante, ce qui, au vu des déclarations du site Web de Paint Pockets, peut fournir un avantage fonctionnel.

[54] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que Requérante se soit acquittée de son fardeau ultime fondé sur ce motif. Pour le moins, il n’est pas clair si la Marque est principalement fonctionnelle. Comme le juge MacGuigan l’a déclaré à la page 475 de la décision dans Remington Rand Corp c Philips Electronics NV, supra :

[traduction]

Si la fonctionnalité est liée soit à la marque elle-même (Imperial Tobacco et Parke, Davis), soit aux produits (Elgin Handles), elle est essentiellement ou principalement contraire à l’enregistrement. Toutefois, s’il s’agit d’un élément secondaire ou périphérique, comme un numéro de téléphone sans lien essentiel avec les produits, il ne constitue pas un obstacle à l’enregistrement.

[55] Le motif d’opposition fondé sur l’article 12(2) a donc été accepté.

Motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)d)

[56] Concernant le motif d’opposition fondé sur le l’absence de caractère distinctif, l’opposante a fait valoir ce qui suit :

[traduction]

En vertu de l’article 38(2)d), la Marque de commerce de la Requérante n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi. En particulier, la Marque de la Requérante ne distingue pas, et n’est pas adaptée pour distinguer les produits de la Requérante de ceux des autres, et en particulier, des filtres à air d’appareils de chauffage, de climatiseurs, de purificateurs d’air ambiant, d’humidificateurs d’air et de déshumidificateurs, et d’autres utilisations et installations industrielles et commerciales, à savoir les filtres pour cabines de peinture, qui ont été vendus par l’Opposante et qui apparaissent avec des « ouvertures généralement en forme de losange dans une colonne d’ouvertures généralement en forme de losange est légèrement décalée par rapport à celles des colonnes voisines », y compris ceux figurant à l’Annexe « A », et qui ont été vendus au Canada au moins avant la date de dépôt le 26 septembre 2018 et la prétendue date de priorité le 5 septembre 2018 de la Demande de la Requérante, et qui ont été vendus sans interruption jusqu’à ce jour.

En vertu de l’article 38(2)d), la Marque de commerce de la Requérante n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi. En particulier, la Marque de la Requérante ne distingue pas, et n’est pas adaptée pour distinguer les produits de la Requérante de ceux des autres, et en particulier, des filtres à air pour chaudières, climatiseurs, purificateurs d’air ambiant, humidificateurs d’air et déshumidificateurs, et d’autres utilisations et installations industrielles et commerciales, à savoir les filtres pour cabines de peinture, qui ont été vendus par des fabricants tiers et qui apparaissent avec des « ouvertures généralement en forme de losange dans une colonne d’ouvertures généralement en forme de losange est légèrement décalée par rapport à celles des colonnes voisines », y compris ceux figurant aux Annexes « B » à « I », et qui ont été vendus au Canada au moins avant la date de dépôt le 26 septembre 2018 et la prétendue date de priorité en septembre 2018 de la Demande de la Requérante, et qui ont été vendus sans interruption jusqu’à ce jour.

[57] La date pertinente pour l’examen du motif fondé sur l’absence de caractère distinctif était la date du dépôt de l’opposition, c’est-à-dire le 2 février 2023 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[58] En vertu de l’article 2 de la Loi prévoit, le terme « distinctif », en ce qui a trait à une marque de commerce, désigne une marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi ». Pour constater le caractère distinctif d’une marque de commerce, les trois conditions énumérées dans la décision Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1985), 7 CPR (3d) 254 (CF 1re inst) à la page 270; confirmée par (1987), 17 CPR (3d) 289 (CAF) doivent être remplies :

[traduction]

(1) qu’une marque et un produit (ou une marchandise) soient liés; (2) que le « propriétaire » emploie cette liaison entre la marque et son produit et qu’il fabrique et vende son produit; et (3) que cette liaison permette au propriétaire de la marque de distinguer son produit de celui d’autres personnes.

L’Opposante s’est-elle acquittée de son fardeau de preuve initial?

[59] La position de l’Opposante est que la Marque n’est pas adaptée pour distinguer les produits de la Requérante de ceux des autres qui ont été vendus à la fois par l’Opposante et par des fabricants tiers, comme indiqué dans les Annexes B à I et N à W du premier affidavit de Mme Walters.

[60] La position de la Requérante est que l’Opposante a fourni un grand nombre d’éléments de preuve qui montrent divers filtres, tous constitués de couvercles structurels, de cadres de support ou d’un autre motif de grille en diagonale ou en losange qui est séparé du filtre lui-même, aucun d’entre eux n’étant similaire aux Produits de la Requérante. La Requérante ajoute qu’un grand nombre des filtres décrits par l’Opposante sont des filtres à air plissés de base avec un motif ondulé destiné à augmenter la surface du filtre. Les filtres comprennent des cadres en papier et des grilles qui incluent des structures de soutien diagonales (à la fois en papier et en treillis métallique), qui augmentent la solidité des filtres en question.

[61] Par exemple, le filtre suivant de la Pièce U du premier affidavit Walters est généralement représentatif de tous les filtres fabriqués par d’autres fabricants et décrits dans la preuve de l’Opposante :

 

A close-up of a filter

Description automatically generated

 

[62] Le filtre de la Requérante, quant à lui, a été décrit comme suit dans la preuve de M. Beier :

A close-up of a white blanket

Description automatically generated

[63] La Requérante fait valoir que l’Opposante n’a pas réussi à démontrer un rapport, un lien ou une similitude entre ses filtres, ceux des fabricants tiers et ceux de la Requérante. La Requérante fait également valoir qu’elle a modifié sa demande pour limiter la description des produits à des « filtres à air pour des utilisations et installations industrielles et commerciales, nommément des filtres pour cabines de peinture », dans une tentative de distinguer davantage les produits de la Requérante de ceux de l’Opposante ou des fabricants tiers.

[64] Je conviens avec la Requérante que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial fondé sur ce motif, et ce pour les raisons suivantes.

[65] Premièrement, bien que l’opposante a invoqué de nombreux autres filtres dans sa déclaration d’opposition et dans sa preuve, l’argument selon lequel ces filtres sont similaires à la Marque est faible. À cet égard, aucun des neuf enregistrements de marques de commerce de l’Opposante ne concerne des formes ou des dessins de losange de quelque manière que ce soit. En outre, aucun des documents imprimés sur le site Web de l’Opposante ou sur celui d’un autre fabricant ne présente de produits similaires à la Marque. Si certaines des photographies montrent des filtres avec des formes diagonales ou en losange, celles-ci se trouvent à l’intérieur de couvercles structurels ou de cadres de support pour ces filtres. Aucune des photographies ne montre des ouvertures intégrées en forme de losange qui comprend des colonnes de position d’ouvertures généralement en forme de losange légèrement décalées par rapport à celles des colonnes voisines.

[66] Comme le précise la Requérante, l’article en ligne intitulé « How to Pick the Best 16x25x4 Air Filter for the Furnace » (Comment choisir le meilleur filtre à air 16x25x4 pour les appareils de chauffage) joint comme Pièce Y au premier affidavit de Mme Walters suggère que les filtres à air ont des cadres distincts du matériau filtrant pour leur solidité. À cet égard, l’article indique ce qui suit à la section 1 Résistance du cadre :

[traduction]

Les filtres d’appareils de chauffage 16x25x4 sont dotés d’un cadre plus ou moins solide et d’une grille à l’avant. La grille frontale présente généralement un motif en forme de losange ou un type de maille métallique.

[67] En outre, les photographies des filtres d’autres fabricants montrent également des filtres avec des revêtements structurels, des cadres de support ou d’autres motifs en diagonale ou en losange qui sont séparés du filtre lui-même. La Pièce Z, par exemple, montre des photographies de filtres dotés d’un cadre en papier et d’une grille métallique en forme de losange, probablement utilisée pour renforcer la solidité du filtre (comme indiqué dans l’article joint à la Pièce Y). Bien que ces structures de soutien diagonales peuvent être considérées comme étant en forme de losange, elles sont différentes des ouvertures en forme de losange de la Requérante. À cet égard, contrairement aux filtres présentés par Mme Walters, les colonnes décalées des ouvertures en forme de losange sont intégrées dans le média filtrant de la Requérante et ne sont pas des couvercles structurels ou des cadres de soutien distincts, comme c’est le cas pour les filtres des autres fabricants.

[68] Enfin, comme aucun chiffre de vente de ces filtres n’a été fourni (hormis la preuve d’un achat de deux filtres à air Filtrete dans un magasin Canadian Tire après la date pertinente pour ce motif), il n’est pas possible de déterminer l’effet, le cas échéant, que les ventes de filtres fabriqués par d’autres fabricants ont eu sur le caractère distinctif de la Marque à la date de production de la déclaration d’opposition.

[69] Au vu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que l’Opposante a produit des preuves suffisantes pour démontrer que des marques de commerce pour filtres avec des ouvertures en forme de losange, similaire à celles de la Requérante, ont été utilisées ou connues par l’Opposante ou d’autres personnes, dans la mesure et de la manière où elles sont devenues suffisamment connues pour éliminer le caractère distinctif de la Marque. Ce motif est donc rejeté.

[70] Je note, en incidente, qu’une marque qui est simplement fonctionnelle et utilitaire n’est pas en mesure de distinguer les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire des produits ou services d’autres propriétaires. En l’espèce, et comme indiqué ci-dessus, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial en démontrant que la Marque était destinée à remplir une fonction utilitaire en vertu du motif d’opposition de l’article 12(2).

[71] L’Opposante n’a toutefois pas plaidé ni fait valoir cet argument fondé sur ce motif [voir, par exemple, para 27 à 29 de Massif Inc c Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc (2011), 95 CPR (4th) 249 (CF)]. En outre, il ne ressort pas des observations écrites de la Requérante que celle-ci a compris que ce motif incluait une allégation selon laquelle la Marque n’avait un caractère distinctif que parce qu’elle était destinée à remplir une fonction utilitaire. Ainsi, il ne semblerait pas que la Requérante ait été consciente de l’affaire qu’elle doit présenter pour ce motif.

[72] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a indiqué, dans Novopharm Ltd c Astrazeneca AB (2002), 21 CPR (4th) 289, que les actes de procédure doivent être examinés conjointement avec les preuves lors de l’appréciation de la preuve que la Requérante doit présenter. Un examen de l’ensemble de la déclaration d’opposition de l’Opposante, ainsi que de la preuve de l’Opposante, pourrait suggérer que l’Opposante se fondait également sur cet argument pour son motif de caractère distinctif.

[73] Si je devais considérer cet argument fondé sur ce motif, j’aurais été convaincue que l’Opposante avait satisfait à son fardeau initial de mettre en question le fait que la Marque, fonctionnelle et utilitaire, était capable de distinguer les produits ou les services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire des produits ou des services d’autres propriétaires. Le fardeau de preuve aurait alors incombé à la Requérante, qui aurait dû démontrer que sa Marque distinguait ou était en mesure de distinguer ses Produits de ceux d’autres personnes.

La Requérante se serait‑elle acquittée de son fardeau?

[74] Si l’Opposante s’était acquittée de son fardeau de preuve initial, la Requérante aurait dû démontrer que les consommateurs avaient reconnu la Marque comme une marque, de commerce, et pas seulement comme un filtre avec un élément fonctionnel [Novopharm Ltd c Astra AB, 2000 CanLII 28645 (COMC), 6 CPR (4th) 16 (CF 1re inst)], de sorte qu’elle était devenue distinctive de la Requérante au Canada à partir de la date de production de la déclaration d’opposition.

[75] Après avoir considéré la preuve et les arguments au dossier, je ne suis pas convaincue que la Requérante l’aurait démontré, pour les raisons suivantes.

[76] Tout d’abord, bien que la Requérante a réalisé des ventes considérables liées à des produits portant la Marque, cela en soi n’entraîne pas nécessairement en un caractère distinctif. Comme indiqué dans Novapharm Limited c Astra AB, supra, des chiffres de vente impressionnants ne permettent pas à eux seuls à la Requérante d’une marque de commerce à prouver le caractère distinctif de celle-ci.

[77] En outre, il n’existe aucune preuve directe de la part des consommateurs qui pourrait aider à déterminer comment les consommateurs perçoivent la Marque. En effet, comme indiqué précédemment, il n’y a aucune preuve que la Marque a été identifiée comme une marque de commerce par des acheteurs potentiels. La requérante n’a donc pas établi qu’un nombre significatif de consommateurs aurait associé la Marque à une source unique plutôt qu’à un filtre fonctionnel et utilitaire.

[78] Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif aurait également été retenu sur cette base, si le fardeau initial de l’Opposante avait été respecté.

Autres motifs d’opposition

[79] Ayant déjà refusé la demande pour au moins un motif d’opposition, je ne discuterai pas des motifs d’opposition restants.


 

Décision

[80] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Meriem Ramdani

Manon Duchesne


Comparutions et agents inscrits au dossier

Aucune audience tenue

AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

Pour l’Opposant : Riches, McKenzie & Herbert LLP

Pour la Requérante : Bennett Jones LLP


 

Annexe A

Motifs d’opposition de l’Opposante

a) Article 38(2)b) de la Loi sur les marques – que la Marque DESSIN de la Requérante n’est pas enregistrable au regard de l’article 12(2), dans la mesure où les ouvertures généralement en forme de losange ont une fonction utilitaire telle qu’elles sont destinées à maximiser le support structurel et la rigidité tout en maximisant également le flux de l’air.

b) Article 38(2)b) de la Loi – que la Marque DESSIN de la Requérante n’est pas enregistrable au regard de l’article 18.1 en ce qu’elle est susceptible de limiter le développement de l’industrie liée aux Produits de la Requérante; produits qui ont été vendus par l’Opposante avant les dates pertinentes, conformément à l’Annexe B.

c) Article 38(2)b) de la Loi – que la Marque DESSIN de la Requérante n’est pas enregistrable au regard de l’article 18.1 en ce qu’elle est susceptible de limiter le développement de l’industrie liée aux Produits de la Requérante; produits qui ont été vendus par des fabricants tiers avant les dates pertinentes, conformément à l’Annexe B.

d) La Marque DESSIN de la Requérante ne revêt pas de caractère distinctif au sens de l’article 38(2)(d) de la Loi dans la mesure où la Marque DESSIN de la Requérante ne permet pas, et n’est pas adaptée, pour distinguer les produits de la Requérante des autres produits, y compris les produits de l’Opposante, tels qu’ils sont énumérés dans l’Annexe A.

e) La Marque DESSIN de la Requérante ne revêt pas de caractère distinctif au sens de l’article 38(2)(d) de la Loi dans la mesure où la Marque DESSIN de la Requérante ne permet pas, et n’est pas adaptée, pour distinguer les produits de la Requérante des autres produits, y compris les produits vendus par des fabricants tiers, tels qu’ils sont énumérés dans les Annexes B à I.

f) La Marque DESSIN de la Requérante n’est pas enregistrable et a été déposée de mauvaise foi au regard des dispositions de l’article 38(2)a.1) de la Loi dans la mesure où la demande empêche l’Opposante d’incorporer des aspects fonctionnels de la Marque DESSIN de la Requérante dans les produits de l’Opposante, tels qu’énumérés dans l’Annexe A.

g) La Marque DESSIN de la Requérante n’est pas enregistrable et a été déposée de mauvaise foi au regard des dispositions de l’article 38(2)a.1) de la Loi dans la mesure où la demande empêche des fabricants tiers d’incorporer des aspects fonctionnels de la Marque DESSIN de la Requérante dans les produits des fabricants tiers, tels qu’énumérés dans l’Annexe A.

h) En vertu de l’article 38(2)b) de la Loi, la marque DESSIN du requérant n’est pas enregistrable au regard de l’article 18. 1 et déposée de mauvaise foi dans la mesure où la Requérante cherche indûment à obtenir un monopole de protection de marque de commerce sur une caractéristique utilitaire clé déjà largement exploitée dans la conception des filtres à air, à la fois en général et dans ceux qui relèvent des catégories des Produits de la Requérante pour permettre la résistance et/ou le flux d’air souhaités, et indûment dirigée vers un habillage commercial qui fournit une fonctionnalité, et en particulier, une rigidité et une structure aux Produits de la Requérante et à la conception de produits de la même structure (comme indiqué dans l’Annexe A).

i) En vertu de l’article 38(2)b) de la Loi, la Marque DESSIN du requérant n’est pas enregistrable au regard de l’article 18. 1 et déposée de mauvaise foi dans la mesure où la Requérante cherche indûment à obtenir un monopole de protection de marque de commerce sur une caractéristique utilitaire clé largement exploitée dans la conception des filtres à air, à la fois en général et dans ceux qui relèvent des catégories des Produits de la Requérante pour permettre la résistance et/ou le flux d’air souhaités, et indûment dirigée vers un habillage commercial qui fournit une fonctionnalité, et en particulier, une rigidité et une structure aux Produits de la Requérante et à la conception de produits de la même structure (comme indiqué dans les Annexes B à I).

j) La Marque DESSIN de la Requérante n’est pas enregistrable au regard des dispositions de l’article 12(1)b) de la Loi dans la mesure où la Marque DESSIN de la Requérante est clairement descriptive du caractère ou de la qualité des produits de la Requérante dans la mesure où il s’agit simplement d’une représentation graphique de l’apparence générale des produits de la Requérante, qui comprend des caractéristiques structurelles et de conception qui sont destinées à assurer la rigidité et le support et/ou le flux d’air souhaité pour les Produits de la Requérante.

k) La Marque DESSIN de la Requérante n’est pas enregistrable au regard de l’article 30(2)c) de la Loi dans la mesure où la Marque DESSIN de la Requérante ne contient pas de représentation ou de description, ou les deux, qui permettent de définir clairement la marque de commerce et qui ne reflètent pas la représentation visuelle de la Marque DESSIN de la Requérante telle qu’elle est illustrée.

l) La Marque DESSIN de la Requérante n’est pas enregistrable au regard de l’article 30(2)c) de la Loi dans la mesure où la demande de la Requérante ne contient pas de représentation ou de description, ou les deux, et est contraire à la Règle 8 dans la mesure où elle n’inclut pas d’illustration de la Marque DESSIN de la Requérante qui est claire, lisible et qui peut être reproduite, ni ne reflète avec précision les caractéristiques décrites, ni n’illustre la taille, la position et/ou la forme des ouvertures généralement en forme de losange revendiquées d’une manière à pouvoir être reproduite.

m) La Marque DESSIN de la Requérante n’est pas enregistrable au regard de l’article 30(2)c) de la Loi dans la mesure où la Marque DESSIN de la Requérante ne contient pas de représentation ou de description, ou les deux, et est contraire à la Règle 30c) dans la mesure où elle n’inclut pas de représentation bidimensionnelle, graphique ou photographique, de la Marque DESSIN.

n) La Marque DESSIN de la Requérante n’est pas enregistrable au regard de l’article 30(2)c) de la Loi dans la mesure où la Marque DESSIN de la Requérante n’est pas claire, lisible ou pouvant être reproduite, et est contraire à la Règle 30g) dans la mesure où le dessin joint à la demande de la Requérante ne représente pas des formes ou des symboles qui sont « des ouvertures généralement en forme de losange dans lesquelles une colonne d’ouvertures généralement en forme de losange est légèrement décalée par rapport à celles des colonnes voisines », tel que décrit dans la description de la Marque DESSIN de la Requérante.

o) En vertu de l’article 38(2)e) de la Loi, la Marque DESSIN du requérant n’était pas enregistrable aux dates pertinentes, car la Requérante n’employait pas ni ne projetait d’employer la Marque DESSIN de la Requérante au Canada en liaison avec les Produits de la Requérante.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.