Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2025 COMC 24

Date de la décision : 2025-02-10

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DÉCISION INTERLOCUTOIRE

Opposante : 10859036 Canada Inc.

Requérante : Defiant Supply Inc.

Demande : 2,137,715 pour DEFIANT REGIME

Contexte

[1] La société à dénomination numérique 10859036 Canada Inc. (l’Opposante) s’est opposée à l’enregistrement de la marque de commerce DEFIANT REGIME (la marque), qui fait l’objet de la demande no 2,137,715 au nom de Defiant Supply Inc. (la Requérante).

[2] Dans sa correspondance au registraire datée du 24 octobre 2024, la Requérante a demandé une décision interlocutoire quant à la suffisance des actes de procédure. La demande de radiation des motifs a été appuyée par une déclaration générale selon laquelle les motifs n’étaient pas pertinents et manquaient de spécificité. De plus, la Requérante fait valoir qu’un [traduction] « motif substantiel d’opposition » n’a pas été fourni. Les autres observations de la Requérante consistent généralement en des commentaires selon lesquels les actes de procédure sont insuffisants parce qu’ils ne comprennent pas divers éléments de preuve ou arguments. Par exemple, en ce qui concerne le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif, la Requérante allègue que le plaidoyer est vague et non étayé en disant :

[traduction]

Il ne suffit pas de se contenter d’alléguer l’absence d’un caractère distinctif sans présenter d’arguments ou de preuves spécifiques. La Requérante a investi beaucoup dans l’établissement de l’identité de la marque et de la reconnaissance du marché, et toute revendication non fondée sur le caractère distinctif de la marque devrait être radiée de l’opposition.

[3] La réponse de l’Opposante à l’invitation du registraire à présenter des observations en réponse à la demande de décision interlocutoire de la Requérante était qu’elle croyait que les motifs étaient suffisamment plaidés. Elle a également déclaré à juste titre qu’elle n’était pas tenue de fournir de la preuve ou des arguments à ce stade de la procédure.

La portée des décisions interlocutoires

[4] La suffisance d’une déclaration d’opposition est régie par l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). L’article 38(2) de la Loi donne une liste exhaustive des motifs sur lesquels une opposition peut être fondée.

[5] L’article 38(3)a) de la Loi exige que les motifs d’opposition soient rédigés avec des détails suffisants pour permettre au requérant d’y répondre [Schneider Electric Industries SAS c Spectrum Brands, Inc, 2021 CF 518 au para 26]. Il est reconnu qu’une condition élémentaire d’équité voudrait qu’une partie soit informée du fardeau dont elle doit s’acquitter [Carling Breweries Ltd c Molson Companies Ltd [1984] 2 CF 920, conf par [1988] FCJ No 10].

[6] L’article 38(4) de la Loi régit la déclaration d’opposition dans son ensemble. Si le registraire estime qu’au moins un motif d’opposition soulève une question sérieuse pour décision, une déclaration d’opposition est transmise au requérant. En l’espèce, le registraire a examiné la déclaration d’opposition et a considéré qu’au moins un motif d’opposition soulevait une question sérieuse pour décision. Par conséquent, les observations de la Requérante selon lesquelles il n’y a pas de fondement substantiel à l’opposition ne seront pas davantage examinées.

[7] L’article 38(6) confère au registraire la capacité de faire radier tout ou partie de la déclaration d’opposition. En supposant que tous les faits allégués dans la déclaration d’opposition sont vrais, un motif d’opposition peut être radié s’il n’y a pas de chance raisonnable de succès dans le contexte de la loi applicable [Compagnie d’Assurance-Vie Manufacturers c British American Tobacco (Brands) Limited, 2017 CF 436 aux para 57 à 64 (Manufacturers)]. Cela étant dit, dans Manufacturers, la Cour fédérale a noté au paragraphe 60 qu’il faut faire preuve de prudence avant de radier un acte de procédure et qu’il est préférable de permettre, dans la mesure du possible, l’instruction de toute demande inédite, mais soutenable.

Analyse

[8] Un motif dûment plaidé allègue les faits pertinents et non la preuve que l’opposant entend produire pour établir ces faits [Pepsico Inc c Le registraire des marques de commerce (1976), 22 CPR (2d) 62 (FCTD)]. Par conséquent, je rejetterai les demandes de la Requérante qui visent à ce que l’Opposante fournisse la preuve à ce stade de la procédure. De même, en ce qui concerne l’argument, je rappelle à la Requérante que les deux parties auront, en temps opportun, la possibilité de présenter des observations orales et écrites. Néanmoins, je considérerai la suffisance des actes de procédure, car la Requérante allègue aussi, d’une manière générale, une absence de spécificité.

Motif fondé sur la non-enregistrabilité

[9] L’Opposante plaide que la marque n’est pas enregistrable en vertu des articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec les enregistrements de l’Opposante.

[10] Un opposant doit simplement indiquer les enregistrements existants sur lesquels il a l’intention de se fonder pour qu’un motif fondé sur l’enregistrabilité soit valablement plaidé. Comme l’Opposante énumère les numéros d’enregistrement LMC 1,192,338 pour DEFIANT, LMC 1,192,337 pour TORONTO DEFIANT et LMC 1,192,340 pour TORONTO DEFIANT & Logo, je suis convaincue que ce motif a été plaidé de façon suffisamment détaillée pour permettre la réponse de la Requérante. La demande de radiation de ce motif est donc rejetée.

Motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement

[11] L’Opposante plaide que la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement en vertu des articles 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi puisque, à la date pertinente, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante antérieurement utilisées au Canada et n’était pas abandonnée à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque. Les marques de commerce invoquées sont celles identifiées au paragraphe ci-dessus. L’Opposante a allégué l’emploi de ces marques de commerce et indique les produits et services qui y sont liés. Elle a déclaré que les marques de commerce n’étaient pas abandonnées à la date de l’annonce de la Marque. Je suis de nouveau convaincue que ce motif a été plaidé de façon suffisamment détaillée pour permettre la réponse de la Requérante. La demande de radiation de ce motif est rejetée.

Motif fondé sur l’absence de caractère distinctif

[12] L’Opposante plaide, en vertu de l’article 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi, que la marque n’est pas distinctive, car sa similitude avec les marques de commerce de l’Opposante est susceptible de créer de la confusion et ne distingue pas réellement, pas plus qu’elle n’est adaptée à distinguer les produits et services de la Requérante des produits et services de l’Opposante. Étant donné que les actes de procédure de l’Opposante se limitent à ses propres marques de commerce définies et aux produits et services qui y sont liés, j’estime que le motif est dûment plaidé et suffisamment précis pour permettre à la Requérante de répondre. La demande de radiation de ce motif est une fois de plus rejetée.

Défaut d’emploi ou d’emploi projeté

[13] L’Opposante plaide, en vertu de l’article 38(2)e) de la Loi, que, à la date de dépôt de la demande, la Requérante n’employait pas et n’avait pas employé la Marque au Canada comme marque de commerce en liaison avec chacun des produits et services visés par la demande. Je note que l’Opposante a essentiellement reproduit le libellé de la Loi sans fournir d’autres détails. Dans le passé, le registraire a conclu que la reproduction du libellé de la Loi, sans faits supplémentaires, ne sera pas suffisante pour ce motif [DMD Products, LLC c Donna Lehtonen, 2024 COMC 126 aux para 9 et 10]. Minimalement, en ce qui concerne la composante du motif alléguant que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la marque, l’Opposante doit fournir des faits pertinents sur la raison pour laquelle la Requérante n’a pas projeté ou ne pouvait pas projeter d’employer la marque au Canada en liaison avec les produits et services spécifiés dans la demande [Industria de Diseño Textil, S.A. c Sara Ghassai, 2024 COMC 150 au para 26 (Industria de Diseño). Par conséquent, j’estime que les observations de la Requérante selon lesquelles les actes de procédure sont vagues et manquent de spécificité sont fondées à l’égard de ce motif. En l’absence de faits pertinents supplémentaires, j’estime que ce motif d’opposition ne contient pas suffisamment de faits pertinents pour permettre à la Requérante de répondre. Pour cette raison, l’article 6d) de la déclaration d’opposition est radié.

Absence de droit à l’usage licite

[14] L’article 38(2)f) porte sur le droit légal d’un requérant à l’emploi de la marque de commerce visée par la demande. La disposition analogue en vertu de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 (l’Ancienne Loi) est l’article 30i). La jurisprudence concernant l’article 30i) suggère qu’il ne s’agit pas d’une [traduction] « clause fourre-tout » et que les actes de procédure alléguant, par exemple, la non-enregistrabilité dans le cadre de ce motif sont considérés comme double motif et sont dûment radiés ou rejetés sur cette base [voir Ali Baba’s Middle Eastern Cuisine Ltd c Nilgun Dardere, 2012 COMC 223 au para 15 et Fruit of the Loom, Inc c LRC Products Limited, 2021 COMC 39]. Le même raisonnement s’applique au droit légal prévu à l’article 38(2)f) de la Loi [Industria de Diseño au para 38].

[15] L’Opposante plaide en vertu de l’article 38(2)f) que l’emploi de la marque contreviendrait aux articles 7b), 19, 20 et 22 de la Loi.

Infraction aux articles 19 et 20

[16] Il n’a pas été établi en vertu de l’Ancienne loi ou de la Loi actuelle si les motifs d’opposition alléguant un emploi qui contrevient aux articles 19 et 20 sont valides. Même en supposant que ces motifs sont effectivement valables, ils font double emploi dans la mesure où le succès de ces motifs repose sur la conclusion qu’il y a confusion requise en ce qui concerne les motifs fondés sur l’enregistrabilité et le droit à l’enregistrement. La déclaration d’opposition ne contient pas de faits qui pourraient expliquer pourquoi l’Opposante doit invoquer les articles 19 et 20 plutôt que les motifs fondés sur l’enregistrabilité et le droit à l’enregistrement.

[17] Je note en outre que l’article 19 envisage des revendications de contravention impliquant des marques de commerce identiques [Tradition Fine Foods Ltd c Oshawa Group Ltd, 2005 CAF 342 aux para 8 et 9]. La Marque n’est pas identique aux marques de commerce invoquées par l’Opposante et, pour cette raison, le motif de l’article 19 n’est pas valide.

[18] La partie du motif invoquant les articles 19 et 20 de la Loi sera donc radiée en supprimant la référence à « 19 et 20 » à l’article 6e) de la déclaration d’opposition.

Article 7b) Passing off

[19] En vertu de l’Ancienne Loi, un motif d’opposition fondé sur l’article 30i), combiné à l’article 7b), a été jugé valide [voir par exemple Dairy Processors Association of Canada c Producteurs Laitiers du Canada/Dairy Farmers of Canada, 2014 CF 1054; Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657].

[20] Les actes de procédure acceptables en vertu de ce motif devraient comprendre des faits pertinents qui, s’ils sont prouvés, établiraient les trois éléments décrits par la Cour fédérale dans Diageo Canada Inc c Heaven Hill Distilleries Inc, 2017 CF 571. Les trois éléments sont : l’existence d’un achalandage, la tromperie du public due à la fausse représentation et des dommages réels ou potentiels.

[21] L’Opposante a allégué l’emploi au Canada depuis des [traduction] « décennies », ainsi que l’existence d’un achalandage et la réputation liées à ses marques de commerce. L’Opposante allègue également la confusion qui, si elle est établie, fournirait l’élément de fausse représentation requis pour le test [Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2016 CAF 69 au para 1]. À la lumière de la présence de faits à l’appui de ces deux premières exigences et des renseignements contenus dans la déclaration d’opposition dans son ensemble, j’infère que l’Opposante allègue également des dommages réels ou potentiels qui, s’ils étaient prouvés, satisferaient à la troisième exigence. Comme je ne suis pas convaincue que le motif d’opposition est nécessairement invalide; je m’abstiendrai de radier ce motif dès le début de la procédure.

Article 22 Dépréciation de l’achalandage

[22] L’article 22(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

[23] L’article 22, combiné à l’article 30i) de l’Ancienne Loi, constitue un motif d’opposition valide [McDonald’s Corporation et McDonald’s Restaurants of Canada Limited c Hi-Star Franchise Systems Inc, 2020 COMC 111 au para 28]. Encore une fois, je ne vois aucune raison d’appliquer un traitement différent à l’égard de l’article 38(2)f) actuel.

[24] L’article 22 de la Loi exige quatre éléments [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23]. L’emploi de la marque de commerce déposée est une exigence, de même que la marque de commerce est suffisamment connue pour que l’achalandage significatif qui y est attaché soit appréciable. De plus, il doit exister un lien, une connexion ou une association dans l’esprit du consommateur hypothétique entre l’achalandage d’un opposant et l’emploi du requérant. Enfin, une probabilité de dépréciation est nécessaire.

[25] L’Opposante plaide qu’à la lumière de l’achalandage et de la réputation liés à ses marques de commerce au Canada, du chevauchement des produits et services des parties respectives et du lien probable créé dans l’esprit des consommateurs entre les marques de commerce des parties, l’emploi de la Marque est illégal et contrevient à l’article 22 de la Loi.

[26] L’emploi antérieur et l’achalandage allégués par l’Opposante suffisent pour répondre aux deux premières exigences. Même si l’Opposante n’a pas expressément allégué une probabilité de dépréciation, je suis prête à inférer cela compte tenu des allégations de chevauchement des produits et services et de confusion. À cet égard, je note que la procédure en est à un stade précoce et que pour que ce motif soit accueilli, l’Opposante devra en fin de compte établir, par la preuve, les quatre éléments requis qui sont liés à une demande de dépréciation de l’achalandage en vertu de l’article 22 de la Loi.

Conclusion

[27] Les demandes de la Requérante visant la radiation des motifs fondés sur la non-enregistrabilité, l’absence de droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif sont refusées. Pour ces motifs, l’Opposante a fourni à la Requérante suffisamment de faits pertinents pour lui permettre de répondre. Cependant, la demande de radiation du motif soulevé en vertu de l’article 38(2)e) selon lequel la Requérante n’a pas employé ou n’a pas prévu d’employer la Marque, comme il est énoncé à l’article 6d) de la déclaration d’opposition, sera radiée. Enfin, la demande de radiation du motif d’opposition en vertu de l’article 38(2)f) est rejetée en partie. La demande de radiation de la partie du motif qui se rapporte aux articles 7b) et 22 de la Loi est refusée, tandis que la partie qui se rapporte aux articles 19 et 20 sera radiée. Plus particulièrement, la référence aux articles « 19 et 20 » à article 6e) de la déclaration d’opposition sera radiée.

[28] Enfin, la Requérante a un mois à compter de la date de la présente décision interlocutoire pour soumettre et signifier sa contre-déclaration.

 

Coleen Morrison

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

[Traduction certifiée conforme]

Manon Duchesne

Félix Tagne Djom


Agents inscrits au dossier

Pour l’Opposante : Borden Ladner Gervais LLP

Pour la Requérante : MBM Intellectual Property Agency

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