Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Contenu de la décision

Une feuille d'érable sur du papier quadrillé

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2025 COMC 37

Date de la décision : 2025-02-27

DANS L’AFFAIRE D’OPPOSITIONS

Opposante : Edible Coast Enterprises Inc.

Requérante : Les Chocolats Favoris Inc.

Demandes : 2,088,356 pour Kooky Cones, et

2,162,020 pour Kooky Cake

Introduction

[1] Edible Coast Enterprises Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement des marques de commerce Kooky Cones et Kooky Cake (parfois collectivement désignées comme la Marque) faisant l’objet des demandes nos 2,088,356 et 2,162,020, respectivement, produites par Les Chocolats Favoris Inc. (la Requérante) en liaison avec de la crème glacée et des desserts. Les oppositions sont fondées sur des allégations de confusion entre la Marque et la marque de commerce GONE KOOKY de l’Opposante couvrant des biscuits.

[2] Pour les raisons qui suivent, les oppositions sont rejetées.

Survol des dossiers

[3] La demande no 2,088,356 pour la marque Kooky Cones a été produite le 2 mars 2021 et a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 11 janvier 2023.

[4] La demande no 2,162,020 pour la marque Kooky Cake a été produite le 25 janvier 2022 et a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 25 janvier 2023.

[5] L’état déclaratif des produits pour chacune des demandes d’enregistrement, incluant les classes de Nice (Cl), est reproduit à l’Annexe A ci-dessous.

[6] Des déclarations d’opposition ont été produites le 2 mars 2023 en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985 ch T-13 (la Loi). Sauf indication contraire, toutes les références à la Loi dans cette décision visent la Loi dans sa version modifiée le 17 juin 2019.

[7] Chacune des déclarations d’opposition fait état des motifs suivants :

· eu égard aux dispositions des articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable car elle crée de la confusion avec la marque GONE KOOKY de l’Opposante, enregistrée sous le no LMC974,127;

· eu égard aux dispositions des articles 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque car celle-ci créait de la confusion avec la marque GONE KOOKY, antérieurement employée par l’Opposante au Canada en liaison avec des biscuits; et

· eu égard aux dispositions des articles 38(2)d) et 2 de la Loi, la Marque n’est pas distinctive car elle ne distingue pas, ni n’est adaptée à distinguer les produits de la Requérante de ceux de l’Opposante couverts par l’enregistrement no LMC974,127.

[8] Des contre-déclarations ont été produites par la Requérante le 4 mai 2023.

[9] Les parties ont toutes deux produit de la preuve sommairement résumée ci-dessous, que j’examinerai plus en détail, le cas échéant, dans l’analyse des motifs d’opposition.

[10] Seule la Requérante a produit des observations écrites. Les parties étaient toutes deux représentées à l’audience tenue conjointement pour les deux dossiers.

Aperçu de la preuve

[11] Au soutien de ses oppositions, l’Opposante a produit les affidavits de Pete Pretorius et de Jeannine Summers. Au soutien de ses demandes, la Requérante a produit les déclarations solennelles d’Émilie Jacques-Brisson et de Béatrice Dubois. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

[12] La preuve des parties est très similaire dans les deux dossiers. Celle de l’Opposante est quasi-identique (l’affidavit Summers comportant deux pièces additionnelles dans le dossier pour la demande no 2,088,356), alors que celle de la Requérante diffère seulement au niveau du contenu de la déclaration Jacques-Brisson spécifiquement relatif à la Marque.

Preuve de l’Opposante

L’affidavit Pretorius

[13] M. Pretorius est l’administrateur de l’Opposante [para 1]. Il fournit quelques informations sur les activités de l’Opposante [para 2 à 4, pièces A et B], de même que des détails sur l’emploi de sa marque de commerce GONE KOOKY [para 6 à 13, pièces D à I].

L’affidavit Summers

[14] Mme Summers est parajuriste au sein du cabinet représentant l’Opposante [para 1]. Elle introduit en preuve le résultat de ses recherches effectuées dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes de l’OPIC pour des marques actives enregistrées dont les libellés de produits incluent : des cookies, cakes, tartes et cupcakes; et des cookies et de la crème glacée; ou des cookies et des cornets de crème glacée, selon le dossier [para 3 à 5, pièces A et B; et para 6 et 7, pièces C et D].

[15] Son affidavit vise à soutenir la prétention de l’Opposante qu’il est commun pour des entreprises d’offrir ces produits sous une même marque.

Preuve de la Requérante

La déclaration Jacques-Brisson

[16] Mme Jacques-Brisson est conseillère juridique au sein de la Requérante [para 1]. Elle fournit notamment de l’information sur les origines et les activités de la Requérante [para 4 à 11, pièces A-1 à A-3], de même que sur la création, l’emploi et la promotion de la Marque [para 11 à 26, pièces A-4 à A-6].

La déclaration Dubois

[17] Mme Dubois est parajuriste au sein du cabinet représentant la Requérante [para 1]. Elle introduit en preuve le résultat de ses recherches effectuées en ligne afin de relever la signification du mot « kooky » dans différents dictionnaires [para 3 à 5, pièces BD-1 à BD-7].

Fardeau de la preuve

[18] C’est à l’Opposante qu’il incombe au départ d’établir le bien-fondé de chacune de ses oppositions. Ses motifs d’opposition doivent être dûment plaidés et l’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits sur lesquels elle appuie chacun de ceux-ci. Une fois ce fardeau initial rencontré, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse des motifs d’opposition

Absence de caractère enregistrable de la Marque en vertu de l’article 12(1)d)

[19] Je constate que l’enregistrement no LMC974,127 allégué par l’Opposante est toujours en vigueur sur le registre des marques de commerce en date de ma décision. L’Opposante s’est donc déchargée du fardeau de preuve initial qui lui incombait dans chacun des dossiers. Par conséquent, il revient maintenant à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et la marque enregistrée GONE KOOKY de l’Opposante.

Test en matière de confusion

[20] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque leur emploi dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou dans la même classe de la classification de Nice.

[21] L’article 6(2) de la Loi ne porte donc pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais plutôt sur la probabilité que des produits ou services provenant d’une source soient perçus comme provenant d’une autre.

[22] En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle elles ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs en fonction des circonstances [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al, 2006 CSC 23; Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27].

Caractère distinctif inhérent des marques et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[23] Les marques de commerce en cause possèdent un caractère distinctif inhérent semblable comme elles sont toutes composées de mots du dictionnaire et sont pour le moins suggestives des produits auxquels elles sont associées.

[24] En effet, le mot « cake » réfère à du gâteau tant en français qu’en anglais (notamment selon les définitions de ce terme figurant dans les dictionnaires en ligne Larousse et Collins), alors que le mot anglais « cones » (par ailleurs très similaire à son équivalent français) peut vraisemblablement dans le contexte alimentaire être perçu comme une référence à un cornet.

[25] Pour sa part, bien que « kooky » soit un mot anglais du dictionnaire signifiant décalé, étrange, excentrique, insensé ou intéressant [déclaration Dubois, pièces BD-1 à BD-7], lorsque prononcé, il est presque identique au mot « cookie » qui désigne un petit gâteau ou un biscuit [voir les définitions de ce terme figurant dans les dictionnaires en ligne Larousse et Collins; voir aussi Borden Ladner Gervais c CIBC Mellon Global Securities Services Co (2004), 34 CPR (4th) 571 (COMC) et Tradall SA c Devil’s Martini Inc, 2011 COMC 65 pour le pouvoir du registraire de prendre connaissance d’office de définitions du dictionnaire et de consulter d’autres dictionnaires que ceux auxquels les parties se réfèrent].

[26] Il est aussi intéressant de noter en ce sens que l’Opposante elle-même utilise parfois le mot « kooky » de façon descriptive pour référer à ses biscuits (sur son site Web par exemple dans des jeux de mots tels « coconut oat kooky » et « cinnamon and spice kooky » que l’on peut d’ailleurs retrouver tout près de descriptions génériques de ses craquelins telles « olive oil & cracked pepper cracker » et « roasted shallot & herb cracker ») [affidavit Pretorius, pièces B et E].

[27] En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues, il convient de revoir la preuve des parties. Du côté de l’Opposante, l’affidavit Pretorius est essentiellement à l’effet que :

· L’Opposante produit, vend et distribue des craquelins, biscuits, gelées et antipasti gourmets [para 2 à 4, pièces A et B].

· Depuis au moins juin 2017, l’Opposante emploie la marque de commerce GONE KOOKY au Canada en liaison avec des biscuits [para 6] qui sont notamment offerts en vente dans certaines épiceries et magasins spécialisés incluant des boucheries, fromageries, cafés, détaillants de vin et vignobles en Alberta, Colombie Britannique, Ontario, au Manitoba et au Yukon [para 9, pièce F].

· Les ventes approximatives de biscuits de marque GONE KOOKY de l’Opposante entre 2018 et 2023 totalisent, au mieux, un peu plus de cent mille dollars [para 13].

[28] Au soutien de ses affirmations et sa prétention que la marque GONE KOOKY est bien connue en liaison avec des biscuits, M. Pretorius fournit notamment des extraits du site Web de l’Opposante (incluant des archivés, la plus vieille archive remontant en 2019) [para 3, 4, 7 et 9, pièces A, B, E et F], des extraits de sites Web de tiers offrant en vente les biscuits de l’Opposante [para 10, pièce G], des images d’emballages de biscuits [para 6, pièce D], un résumé des livraisons de biscuits de marque GONE KOOKY au Canada entre 2018 et 2023 [para 11, pièce H], ainsi que des copies de factures couvrant cette même période [para 12, pièce I].

[29] En ce qui concerne la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue, la déclaration Jacques-Brisson est essentiellement à l’effet que :

· La Requérante exploite directement, ou via un réseau de franchisés, plus de 59 glaceries et chocolateries localisées dans 3 provinces canadiennes; certains de ses produits sont aussi vendus auprès de détaillants nationaux tels IGA, Costco, Walmart, Maxi, Provigo et Metro de même qu’en ligne via son site Web transactionnel [para 7].

· La Requérante a développé à compter de 2017 une série de produits alimentaires sucrés dits « éclatés » se déclinant sous diverses formes dans le but de distinguer de ses produits dits « classiques ». Dans le cadre de ce projet, la Requérante a débuté la commercialisation à compter de juin 2017 de produits glacés en liaison avec la marque Kooky Cones sous forme de cornets de crème glacée trempés dans un enrobage et parsemés de morceaux de gâteaux, bonbons ou autres éléments décoratifs, et à compter de septembre 2017 de desserts en liaison avec la marque Kooky Cake sous forme de gâteaux réfrigérés parsemés de morceaux de gâteaux, bonbons ou autres éléments décoratifs [para 12, 13, 15 et 19, pièce A-6].

· Ces produits sont vendus dans les glaceries de la Requérante, celles de ses franchisés et via des services de livraison tiers tels Uber Eats et Door Dash. Les gâteaux de marque Kooky Cake sont également vendus dans les établissements tiers de grande surface tels IGA et Metro [para 21].

· Les ventes de produits portant la Marque sont en croissance continue depuis 2017. Lors de la dernière année financière de la Requérante, la vente des produits de crème glacée associés à la marque Kooky Cones a généré un chiffre d’affaires de 5.4 millions et la vente des produits de pâtisserie associés à la marque Kooky Cake a généré un chiffre d’affaires de 3.8 millions [para 23].

· Les produits vendus sous la Marque font également l’objet d’une campagne de promotion sur une base continue depuis 2017 notamment par le biais des réseaux sociaux [para 25].

[30] Au soutien de ses affirmations, Mme Jacques-Brisson fournit notamment : des captures d’écran tirées du site Web de la Requérante et du matériel promotionnel [para 9, pièce A-1]; des documents publicitaires expliquant le concept des produits « éclatés » montrant entre autres des gâteaux, tartes et/ou crèmes glacées [para 14, pièce A-4]; des captures d’écran tirées des menus utilisés par la Requérante affichant des cornets de crème glacée et la marque Kooky Cones (projetés sur des écrans dans les glaceries et chocolateries) [para 24, pièce A-5]; des photographies représentatives des emballages utilisés pour les gâteaux vendus en liaison avec la marque Kooky Cake [para 24, pièce A-5], et de l’intérieur des glaceries et chocolateries de la Requérante incluant du positionnement des menus numériques dans l’environnement d’une glacerie typique [para 10 et 24, pièces A-2 et A-5]; divers extraits de publications parues sur Instagram et Facebook mentionnant la Marque et/ou les cornets et gâteaux respectivement y associés, ainsi que le nombre d’abonnés aux comptes de la Requérante sur Instagram, Facebook et YouTube [para 25 et 26, pièce A-6].

[31] À l’audience, l’Opposante a soulevé des déficiences dans la preuve de Mme Jacques-Brisson, incluant notamment des pièces pour la plupart non datées, l’absence d’éléments tangibles illustrant les ventes alléguées (tels des factures), ainsi que l’absence de chiffres de vente ventilés par année. La Requérante a pour sa part critiqué l’allégation d’emploi antérieur de l’Opposante soutenant, avec raison, qu’elle n’est pas étayée par la preuve au dossier.

[32] À mon avis, la preuve des deux parties résumée ci-dessus est carencée. Par exemple, les parties ne font pas état de dépenses publicitaires ou promotionnelles ou de statistiques relatives à leurs sites Web, et ne fournissent pas de ventilation de leurs ventes respectives selon les différentes provinces dans lesquelles elles offrent leurs produits. De plus, en ce qui concerne plus spécifiquement la Requérante, Mme Jacques-Brisson ne fournit pas d’information sur la fréquence ou l’étendue de la promotion effectuée par le biais des réseaux sociaux, ni sur la circulation, exposition et/ou consultation du matériel promotionnel et documents publicitaires soumis. Sa preuve (principalement axée sur les cornets de crème glacée et les gâteaux) n’établit pas non plus un emploi en liaison avec tous les produits listés à la demande d’enregistrement pour la Marque. En ce qui concerne plus spécifiquement l’Opposante, sa preuve ne contient aucun détail sur la façon dont la marque de commerce GONE KOOKY est promue, non plus qu’aucun élément documentaire supportant l’affirmation de M. Pretorius que l’emploi par l’Opposante de sa marque remonte à 2017. Sur ce dernier point, je ne peux retenir l’argument de l’Opposante présenté à l’audience à l’effet qu’un emploi de minimis devrait lui être reconnu depuis la date de production de sa déclaration d’emploi consignée au registre des marques de commerce (soit le 21 juin 2017), puisqu’une telle inférence aurait nécessité la production d’un certificat d’authenticité de l’enregistrement no LMC974,127 [voir Tokai of Canada c Kingsford Products Company, LLC, 2018 CF 951, au para 37]. De toute façon, l’impact d’une telle inférence sur mon analyse aurait été, pour dire le moins, limité.

[33] Bref, au final, j’accepte que la marque de commerce de l’Opposante est employée depuis 2018 en liaison avec des biscuits. Pour ce qui est de la Marque, nonobstant les représentations faites lors de l’audience, je suis également prête à accepter — considérant chacune des déclarations Jacques-Brisson dans son ensemble — que la marque de commerce Kooky Cones de la Requérante est employée depuis juin 2017 en liaison avec des cornets de crème glacée et que sa marque de commerce Kooky Cake est employée depuis septembre 2017 en liaison avec des gâteaux. Cela dit, en raison des lacunes soulevées ci-dessus dans la preuve des parties, je suis tout au plus prête à conclure que les marques en cause sont devenues minimalement connues au Canada.

[34] J’estime donc que le facteur énoncé à l’article 6(5)a) de la Loi, qui englobe à la fois le caractère distinctif inhérent et acquis des marques de commerce, ne favorise de façon manifeste aucune des parties.

Période en usage

[35] À la lumière de la discussion ci-dessus, le facteur énoncé à l’article 6(5)b) de la Loi tend à favoriser la Requérante puisque sa preuve fait état de l’emploi de la Marque depuis 2017 par opposition à 2018 dans le cas de l’Opposante.

Genre de produits et nature du commerce

[36] Dans le dossier pour la demande no 2,162,020, dans la mesure où les libellés des marques en cause couvrent tous deux de la pâtisserie — gâteaux et petits gâteaux (cupcakes) vs. biscuits —, il existe un chevauchement entre les produits des parties. Dans la mesure où les parties vendent toutes deux dans des épiceries, il existe également un chevauchement entre leurs voies de commercialisation.

[37] Dans le dossier pour la demande no 2,088,356, les produits en cause sont plus différents et la preuve est à l’effet que la Requérante vend ses cornets uniquement dans ses glaceries et celles de ses franchisés de même que via des services de livraison. Cela dit, les produits des parties demeurent reliés (je note par exemple que la Requérante décore certains de ses cornets de crème glacée avec des biscuits en plus d’offrir des biscuits à la crème glacée [déclaration Jacques-Brisson pièces A-4 et A-5]) et la demande d’enregistrement de la Requérante et l’enregistrement de l’Opposante ne contiennent aucune restriction.

[38] Par conséquent, j’estime que dans l’ensemble les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) de la Loi favorisent l’Opposante.

Degré de ressemblance

[39] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce est souvent le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [voir Masterpiece, précitée, au para 49].

[40] Par ailleurs, tel que mentionné plus haut, il est bien établi en jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, même s’il faut examiner les marques comme un tout (et non les disséquer), il est tout de même possible d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public [voir Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au para 34]. Même s’il est vrai que dans certains cas le premier mot sera le plus important au niveau de la distinction, l’approche à privilégier en examinant le degré de ressemblance consiste à se demander d’abord si l’un des aspects des marques de commerce est particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, précitée, au para 64].

[41] L’Opposante soutient que les marques en cause sont très semblables, l’élément principal et le plus frappant de chacune étant le mot « kooky » en raison de l’excentricité ou l’extravagance qu’il évoque et de son unicité par rapport aux produits.

[42] À mon avis, l’aspect le plus frappant de la marque de l’Opposante est GONE KOOKY, soit la marque de commerce dans son ensemble y compris les idées qu’elle suggère. Dans le cas de la Marque, je considère que c’est également la marque de commerce dans son ensemble qui constitue l’aspect le plus frappant, soit la combinaison des mots KOOKY et CONES/CAKE, combinaison qui ressort d’autant plus de par l’allitération qu’elle crée, soit la répétition successive du son « k ».

[43] Je reviens sur le fait que, phonétiquement, le mot « kooky » peut être perçu comme référant à des biscuits. Il n’est d’ailleurs pas exclu que, visuellement, les consommateurs le perçoivent aussi de la sorte (c.-à-d. comme une allusion ou un clin d’œil au mot « cookie » en ce qui concerne le consommateur unilingue francophone et comme un jeu de mots inspiré du mot « cookie » en ce qui concerne le consommateur unilingue anglophone ou bilingue). Cette dernière hypothèse pourrait du moins dans une certaine mesure trouver appui dans le fait que la Requérante utilise des biscuits pour décorer certains de ses cornets, de même que dans le fait que l’Opposante utilise « kooky » de façon descriptive dans sa preuve pour référer à ses biscuits (tel que décrit au paragraphe 26 ci-dessus). En ce sens, le mot « kooky » n’aurait donc rien d’unique en liaison avec les produits des parties. De plus, bien qu’il contribue à contextualiser les idées véhiculées par les marques en cause, ces idées demeurent néanmoins distinctes. Par exemple, bien que la Marque puisse suggérer des cornets ou gâteaux étranges/excentriques, elle pourrait aussi être perçue comme référant à des cornets ou des gâteaux aux biscuits. La marque GONE KOOKY de l’Opposante pour sa part suggère une personne devenue étrange/ excentrique ou le fait de devenir étrange/excentrique, mais pourrait tout aussi bien être perçue comme référant à une personne qui a opté pour ou s’est dirigée vers un biscuit (par choix ou malgré elle) ou au fait que cela se soit produit.

[44] Bref, je conviens qu’il existe de la ressemblance entre les marques en cause dans la mesure où le mot « kooky » se retrouve dans chacune. Malgré cela, et nonobstant les prétentions de l’Opposante lors de l’audience, il me semble qu’il existe tout autant de différences entre elles en raison des différences entre les mots « cones » [anglais pour « cônes »], « cake » et « gone » [anglais pour « allé », « passé » ou « devenu »] qu’elles incorporent respectivement, des différences dans leur structure, et de l’allitération uniquement présente dans la Marque. Autrement dit, je ne suis pas convaincue qu’aucune des marques de la Requérante soit très semblable à la marque de commerce de l’Opposante.

Conclusion sur la probabilité de confusion

[45] Tel qu’indiqué dans l’affaire Dion Neckwear, précitée, à la page 163, il n’est pas nécessaire que le registraire soit convaincu hors de tout doute qu’il n’y a aucun risque de confusion. En effet, « [Traduction] [s]i la norme de preuve ‘hors de tout doute’ devait s’appliquer, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu’en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare. » [Voir également John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, précitée].

[46] Comme suite à mon appréciation de l’ensemble des facteurs énoncés à l’article 6(5) de la Loi, j’estime que la Requérante s’est déchargée de son fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce GONE KOOKY (no LMC974,127) de l’Opposante.

[47] À cet égard, le fait qu’aucune des marques en cause n’est particulièrement forte combiné aux différences existant entre elles aux niveaux phonétique, visuel et des idées suggérées m’apparaissent suffisants pour faire contrepoids aux facteurs qui favorisent l’Opposante en l’espèce.

[48] Je rejette donc dans chaque dossier le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi.

Motifs restants sommairement rejetés

[49] Relativement au motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement, l’Opposante ne s’est que partiellement déchargée de son fardeau (à savoir en ce qui concerne les produits couverts par les demandes d’enregistrement de la Requérante autres que des cornets de crème glacée et des gâteaux). Quoi qu’il en soit, même si pour des fins de discussion j’acceptais que l’Opposante s’était entièrement déchargée de son fardeau initial de preuve, je conclurais néanmoins dans chaque dossier que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime d’établir qu’il n’existait pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce GONE KOOKY de l’Opposante (tant aux dates de premier emploi en ce qui concerne les cornets de crème glacée et les gâteaux de la Requérante, qu’aux dates de production de ses demandes d’enregistrement en ce qui concerne le reste des produits qui y sont couverts). Autrement dit, je suis d’avis que les dates pertinentes différentes ici n’affecteraient pas de manière significative et déterminante mon analyse ci-dessus du motif fondé sur l’absence de caractère enregistrable de la Marque. Je rejette donc dans chaque dossier le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) de la Loi.

[50] Relativement au motif fondé sur l’absence de caractère distinctif, l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve. Tel que cela ressort de ma discussion ci-dessus de l’affidavit Pretorius, bien que j’ai conclu à l’existence d’un emploi de la marque de commerce GONE KOOKY, la preuve de l’Opposante contient des carences qui m’empêchent de conclure que cette marque était devenue connue à la date de production de la déclaration d’opposition au point requis par la jurisprudence pour affecter le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, aux para 25 à 34 pour une discussion sur le fardeau de preuve de l’Opposante]. Je rejette donc également dans chaque dossier le motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi.

Décision

[51] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition à chacune des demandes d’enregistrement nos 2,088,356 et 2,162,020 en application de l’article 38(12) de la Loi.

Iana Alexova

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canadaw


 

Annexe A

État déclaratif des produits pour la demande no 2,088,356

Cl 30 (1) Ice cream cones; ices and ice creams.

État déclaratif des produits pour la demande no 2,162,020

Cl 30 (1) Desserts, namely cakes, pies, cupcakes and yule log cakes in individual portions or for sharing.

 


Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2024-10-08

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Mihaela Hutanu

Pour la Requérante : Caroline Henrie

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Oyen Wiggs Green & Mutala LLP

Pour la Requérante : Norton Rose Fulbright Canada LLP / S.E.N.C.R.L.,S.R.L.

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