Contenu de la décision
Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2025 COMC 114
Date de la décision : 2025-05-26
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Introduction
[1] Le 2 juillet 2012, Astra Energy Services Corp. (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement pour la marque de commerce Astra Group Corp. & Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous.
[2] La couleur est revendiquée comme une caractéristique de la Marque.
[3] L’état déclaratif des services visés par la demande en liaison avec la Marque est reproduit ci-dessous, ainsi que les classes de Nice connexes :
[traduction]
37 (1) Services consultatifs en construction de bâtiments; services de construction de bâtiments; entretien et réparation de bâtiments; construction et réparation de bâtiments; construction de bâtiments; réparation électrique et installation de climatiseurs; réparation électrique et installation de chauffages; réparation électrique et installation d’éclairage; installation et réparation d’alarmes incendie; services de ponçage et de polissage de sols; sablage; services de sablage de sols; installation et réparation de chaudières; rénovation de maisons; construction et réparation de maisons; peinture de maisons; installation et réparation de vitres en verre plat; installation de climatiseurs; installation d’isolation pour bâtiments; installation de portes et fenêtres; installation de systèmes électriques; installation d’alarmes incendie; installation d’appareils ménagers; installation de stores vénitiens; installation de fenêtres; installation de cloisons sèches; pose de moquette; entretien et réparation de bâtiments; maçonnerie; services de décapage des peintures; peinture intérieure et extérieure; développement immobilier; remise à neuf de sols; reconditionnement de bâtiments; rénovation et restauration de bâtiments; remise en état de bâtiments; réparation de bâtiments; travaux de réparation de bâtiments; services de réparation de toitures; services de couverture; ponçage; services de scellement et de calfeutrage; pose de carreaux; pose de papier peint; services d’installation de fenêtres.
[4] Astra Capital Incorporated (l’Opposante) s’est opposé à la Marque pour plusieurs motifs, la plupart portant sur la question de la confusion avec au moins une de ses marques de commerce ou noms commerciaux. Pour les raisons qui suivent, la demande est rejetée.
Le dossier
[5] La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce aux fins d’opposition, le 5 octobre 2022.
[6] Le 4 avril 2023, l’Opposante s’est opposée à la demande en produisant une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi).
[7] La déclaration d’opposition soulève les motifs d’opposition suivants, tel qu’ils ont été modifiés par une décision interlocutoire datée du 17 mai 2023 :
i) La demande n’est pas conforme aux articles 38 (2) a) et 30 (2) a) de la Loi en ce que la demande ne contient aucun état dressé dans des termes ordinaires du commerce de chacun des services spécifiques en liaison avec lesquels l’emploi de la Marque est projeté;
ii) La Marque n’est pas enregistrable en vertu des articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, puisqu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées ASTRA PROPERTY GROUP (LMC1167255) &Dessin (LMC1167256) de l’Opposante;
iii) La Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des articles 38 (2) c) et 16 (1) a) et/ou 16 (1)c) de la Loi, puisqu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce ou noms commerciaux antérieurement employés par l’Opposante énoncés aux Annexes A et B ci-jointes.
[8] La Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration le 5 juin 2023, niant chacun des motifs d’opposition.
[9] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits d’Ahmad (Ed) Rafih, accompagné des Pièces 1 à 24, de Dick van Wyck, accompagné des Pièces 1à 22 et de Paulina Seo, accompagné des Pièces 1 à 9. Chacun des déposants de l’Opposante a été contre-interrogé et la transcription de leurs contre-interrogatoires, ainsi que toutes les réponses aux engagements, ont été versées au dossier. M. Rafih a également été réinterrogé au sujet de ses réponses aux engagements et cette transcription a été également versée au dossier.
[10] À l’appui de sa demande, la Requérante a produit un affidavit de Maxim Oshelvskyy. M. Oshelvskyy a été contre-interrogé au sujet de son affidavit et la transcription de son contre-interrogatoire a également été versée au dossier.
[11] L’Opposante n’a produit aucune contre-preuve.
Fardeau de preuve
[12] C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, il incombe à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun de ses motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial, la Requérante doit convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition plaidés ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3 d) 293 (CF 1 re inst), à la p. 298; Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA (2002) 20 CPR (4 th) 155 (CAF)].
Questions préliminaires
Questions de preuve relatives à l’Affidavit Oshelvskyy
[13] M. Oshelvskyy se présente comme le président-directeur général de la Requérante. Dans son affidavit, il discute entre autres des activités de la Requérante, de l’historique de la demande d’enregistrement de la Marque de la Requérante, des recherches effectuées dans le registre des marques de commerce pour des marques de commerce en liaison avec diverses classes contenant l’élément ASTRA, des historiques des demandes et de l’instruction de l’Opposante, d’une révision du site Web de l’Opposante, et d’une recherche effectuée dans le registre des sociétés pour des entreprises contenant le mot ASTRA dans leurs noms.
[14] L’Opposante demande une décision préliminaire qui supprime et retire comme prétendue preuve de l’Affidavit Olshevskyy, les paragraphes 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34 et 42, ainsi que les Pièces « B », « C », « D », « E », « F », « F-1 », « G », « G-1 », « H », « I », « J », « K », « L », « M » et « R ». Les paragraphes et les pièces contestés par l’Opposante concernent principalement les recherches effectuées sur le mot ASTRA dans le registre des marques de commerce et les commentaires à leur sujet [Affidavit Oshelvskyy, paragraphes 12 à 17], des renseignements sur les demandes de l’Opposante et les historiques de l’instruction [Affidavit Oshelvskyy, paragraphes 18 à 34] et l’opinion de la Requérante sur le caractère distinctif de la marque de commerce de l’Opposante et la confusion entre les marques de commerce des parties [Affidavit Oshelvsky, paragraphe 42].
[15] L’Opposante conteste ces paragraphes au motif que le déposant, M. Oshelvskyy, n’a pas été en mesure de fournir des réponses circonstanciées lors du contre-interrogatoire concernant leur contenu. En particulier, il n’a pas été en mesure de préciser les dates des recherches mentionnées ni les instructions ou encore les paramètres selon lesquels ces recherches ont été menées.
[16] Il a ensuite été révélé lors du contre-interrogatoire que les paragraphes contestés n’ont pas été rédigés par M. Oshelvskyy lui-même, mais ont plutôt été préparés par son avocat.
[17] L’Opposante fait également objection à d’autres parties de l’Affidavit de M. Oshelvskyy, soutenant qu’il n’a pas l’expertise requise pour offrir des opinions significatives ou probantes sur des questions juridiques clés.
[18] Je suis d’accord avec l’Opposante que plusieurs paragraphes de l’Affidavit de M. Oshelvskyy constituent des ouï-dire puisque le déposant admet que c’est son avocat qui a effectué ces recherches. Je me demande toutefois comment l’Opposante a pu s’opposer à la preuve sur cette base, étant donné que l’Opposante a également présenté des preuves dont chaque témoin a confirmé qu’elles ont été adaptées par l’avocat. En tout état de cause, l’Opposante ne fournit aucune raison de croire que le contenu des pages Web ne représente pas exactement les entrées dans le registre des marques de commerce à ce moment-là. De plus, les dossiers de la demande soumis sont des dossiers de l’historique des demandes de l’Opposante. Par conséquent, je n’ai aucune raison de douter de la fiabilité des recherches menées par M. Oshelvskyy.
[19] Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il est raisonnable d’accorder un certain poids à la plupart des preuves de M. Oshelvskyy, malgré le fait que certaines pièces et certains renseignements contenus dans son affidavit lui ont été transférés. Je note que cela est cohérent avec l’approche adoptée dans les décisions antérieures du registraire et des tribunaux, y compris Cascades Canada Inc c. Wausau Paper Towel & Tissue, LLC, 2010 COMC 176, 2012 et Advance Magazine Publishers Inc c. Miles Industries Ltd, 2012 COMC 260. Cependant, dans la mesure que les déclarations faites par M. Oshelvskyy sont des conclusions de droit sur les questions à trancher par le registraire, aucun poids ne sera accordé à ces déclarations.
Le groupe de sociétés de l’Opposante
[20] M. Rafih se présente comme le directeur financier de l’Opposante et de chacune de ses filiales en propriété exclusive. Dans son affidavit, il explique l’organisation du groupe de sociétés de l’Opposante. Comme je trouve le groupe de sociétés de l’Opposante plutôt complexe, je considère qu’il est important à ce stade de reproduire les déclarations de M. Rafih aux paragraphes 1 à 7 de son affidavit :
[traduction]
1. Je suis le directeur financier, et Kenneth Eugene Szekely (Szekely) est le directeur, président et chef de la direction de chacune des sociétés suivantes :
(a) ASTRA CAPITAL INCORPORATED (Astra Parentco), la Propriétaire bénéficiaire et la propriétaire en common law des marques de commerce invoquées par l’Opposante dans la déclaration d’opposition;
(b) Les filiales en propriété exclusive d’Astra Parentco, ASTRA CAPITAL PROPERTIES INCORPORATED (Astra Properties) et ASTRA REALTY MANAGEMENT INCORPORATED (Astra Realty);
(c) Astra Parentco, Astra Properties et Astra Realty, filiales de projet en propriété exclusive ou contrôlées (collectivement, Astra Project Subsidiaries) :
(i) Astra Property Group GP Incorporated
(ii) Astra Property Group 162 GP Incorporated
(iii) Astra Property Group Port Credit Incorporated
(iv) Astra Property Group 315 Incorporated
(v) Astra Property Group 145 LP
(vi) Astra Property Group 149 LP
(vii) Astra Property Group 162 LP
(viii) Astra Property Group 165-169 LP
(ix) Astra Property Group 166 LP
(x) Astra Property Group 260 LP
2. Aux fins de mon affidavit, et dans le commerce en général, Astra Parentco, Astra Properties, Astra Realty et Astra Project Subsidiaries sont collectivement appelés le groupe Astra.
3. Astra Parentco a été constituée en société le 19 juillet 1983 et a ensuite fusionné le 31 juillet 2012 avec 2 156 029 Ontario Inc., et a poursuivi par la suite ses activités comme auparavant sous le nom d’Astra Parentco.
4. Depuis sa constitution en 1983, il y a environ 40 ans, Astra Parentco exerce ses activités sous le nom d’ASTRA CAPITAL INCORPORATED et d’ASTRA CAPITAL.
5. Le 12 juin 2013, Astra Parentco a provoqué la constitution de sa filiale en propriété exclusive, Astra Properties.
6 Le 15 janvier 2019, Astra Parentco a provoqué la constitution d’Astra Realty.
7. Depuis leurs dates respectives de constitution, les entités formant le Groupe Astra ont exercé des activités et continuent d’exercer des activités sous leurs dénominations sociales respectives et en tant que Groupe Astra, ainsi que sous les marques de commerce et noms commerciaux identifiés et sur lesquels s’appuie la Déclaration d’opposition.
[21] En ce qui concerne le contrôle exercé par l’Opposante sur ces diverses entités, M. Rakih a déclaré ce qui suit au paragraphe 12 de son affidavit :
[traduction]
12 Chaque entité formant le groupe Astra emploie la famille de marques de commerce et de noms commerciaux ASTRA avec le consentement et sous l’autorité de l’Opposante; cette dernière contrôlant la nature et la qualité de l’utilisateur et de cet emploi en liaison avec la famille de marques de commerce et de noms commerciaux ASTRA. Ce contrôle prend la forme de Szekely, en tant que directeur, président et chef de la direction de l’Opposante, déterminant de former chaque membre du groupe Astra et approuvant l’emploi et la présentation par chaque membre de la famille de marques de commerce et de noms commerciaux ASTRA dans le commerce ainsi que dans les documents publicitaires et de commercialisation
.
[22] Je soulignerai ici que l’emploi d’une marque de commerce par un licencié est réputé être un emploi par la propriétaire si les exigences de l’article 50 de la Loi sont respectées. La déclaration de M. Rakih selon laquelle l’Opposante approuve l’emploi et la présentation des marques de commerce et des noms commerciaux de l’Opposante par chaque membre, et que M. Szekely est le Directeur, Président et PDG de l’Opposante, me permet d’inférer que tout service offert en liaison avec les marques de commerce ou noms commerciaux de l’Opposante ne sera approuvé que si les caractéristiques et la qualité de ces services respectaient les normes de l’Opposante.
La préclusion du dossier de la demande
[23] Dans les pages 16 à 19 de ses observations écrites, la Requérante a fait référence aux dossiers de la demande des marques de commerce déposées ASTRA PROPERTY GROUP et ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin de l’Opposante, pour les observations présentées par l’Opposante lorsqu’elle défendait ses demandes d’enregistrement de ces marques de commerce. La Requérante fait valoir que l’Opposante a restreint ses demandes relatives aux marques de commerce en supprimant tous ses services de la classe 37 en réponse à une action administrative qui citait la Marque de la Requérante comme un obstacle à l’enregistrement. Ayant obtenu l’enregistrement en vertu des modifications, la Requérante fait valoir que l’Opposante n’est plus libre de s’appuyer sur ces marques de commerce aux fins de son opposition. En se fondant sur la décision dans S.C. Johnson & Son, Ltd c. Marketing Int'l Ltd, 1979 CanLII 171 (CSC), la Requérante est d’avis que l’Opposante était précluse d’alléguer la confusion en l’espèce, en raison des déclarations faites lors de l’obtention de ses enregistrements.
[24] En revanche, l’Opposante fait valoir que la raison pour laquelle elle a supprimé certains services de ses demandes était de répondre aux objections de l’Examinateur. L’Opposante maintient que [traduction] « répondre » signifie répondre sans admettre la validité de toute citation soulevée par l’examinateur de la marque de commerce. En outre, l’Opposante ajoute que les citations de l’examinateur des marques dans les actions administratives contre les demandes de l’Opposante n’étaient pas une constatation de droit selon laquelle les marques de commerce de l’Opposante visées par la demande créaient de la confusion avec la Marque de la Requérante.
[25] Je commence par souligner que la préclusion est généralement considérée comme un recours équitable, tandis que le registraire, étant créé par une loi, n’a aucune compétence en « equity »[Molson Canada 2005 c Anheuser-Busch, Incorporated, 2010 CF 283]. Dans ce contexte, l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce décrit les pouvoirs du registraire dans les procédures d’opposition, et ceux-ci n’incluent aucune référence aux principes d’équité. Cette limitation a été confirmée par la jurisprudence qui a maintes fois déclaré que les doctrines en equity, telles que la préclusion, n’ont pas leur place dans les procédures d’opposition dont dispose le registraire. Par exemple, dans Molson Breweries c. Labatt Brewing Co, 1996 CanLII 21804 (CF), 68 CPR (3 d) 202 (CF 1ʳᵉ inst), la Cour a abordé une situation dans laquelle une partie s’est appuyée sur une position antérieure incompatible adoptée par l’autre comme une circonstance de l’espèce pertinente à l’analyse de la confusion. La Cour a conclu ce qui suit :
[traduction]
« À mon avis, cette circonstance n’est pas pertinente pour déterminer si les deux marques de commerce en question créent de la confusion. Peu importe les positions antérieures prises par Labatt, je dois parvenir à une conclusion quant à la confusion qui est conforme au droit et à la jurisprudence pertinente. »
[26] Compte tenu de ce qui précède, je ne trouve pas que l’Opposante est précluse d’alléguer la confusion en l’espèce, en raison des déclarations faites lors de l’examen en vue de l’obtention de ses enregistrements.
MOTIFS D’OPPOSITION
Article 16(1)a) – Absence de droit à l’enregistrement
[27] L’Opposante plaide que la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque, puisqu’à la date de production de la Requérante ou à la date de du premier emploi (le cas échéant), la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante indiquées dans l’Annexe A ci-jointe, lesquelles avaient été antérieurement employées au Canada par l’Opposante.
[28] Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en vertu de l’article 16 (1) a), l’Opposante doit démontrer qu’elle avait employé au moins l’une de ses marques de commerce énoncées dans l’Annexe A ci-jointe avant la date de production de la demande, à savoir le 2 juillet 2021, et qu’elle n’avait pas abandonné cette marque de commerce à la date de l’annonce de la demande de la Requérante (c.-à-d., le 5 octobre 2022).
[29] Puisqu’il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque au Canada, la date pertinente pour évaluer le droit à l’enregistrement en l’espèce est la date de production de la Requérante, à savoir le 2 juillet 2021.
[30] L’article 16 de la Loi n’exige pas qu’un opposant démontre un quelconque niveau d’emploi ou de réputation. La Cour fédérale a confirmé dans JC Penney Co. Inc. c. Gaberdine Clothing Co. Inc., 2001 CFPI 1333, que l’article 16 de la Loi n’impose pas d’exigences au sujet de la durée ou de l’importance de l’emploi par un opposant; tant que la marque de commerce invoquée fonctionne comme une marque de commerce, un seul cas d’emploi au sens de l’article 4 de la Loi peut suffire à un opposant pour s’acquitter de son fardeau.
[31] Les éléments de preuve dont je dispose concernant l’emploi par l’Opposante de ses marques de commerce et noms commerciaux au Canada consistent principalement en l’affidavit, le contre-interrogatoire et les réponses aux engagements de M. Rafih, avec quelques preuves à l’appui fournies par Mme Seo et M. VanWyck. J’ai structuré mon analyse afin d’aborder l’impact des éléments de preuve de l’Opposante, ainsi que des lacunes décelées dans ces éléments de preuve par Requérante.
Les services de gestion immobilière et de location d’Astra Group
[32] Comme mentionné précédemment, l’Opposante a été constituée en personne morale en 1983; une copie du document est jointe comme Pièce 2 à l’affidavit de Seo. Les filiales en propriété exclusive de l’Opposante, Astra Properties et Astra Realty, ont été constituées en personne morale en 2013 et 2019 respectivement [l’Affidavit de Seo, Pièces 5 et 7].
[33] Dans son affidavit au paragraphe 13, M. Rafih atteste ce qui suit concernant les activités de l’Opposante au Canada depuis 1983 :
[traduction]
« Au cours des 40 dernières années depuis 1983, le Groupe Astra (défini comme (l’Opposante), Astra Properties, Astra Realty et Astra Project Subsidiaries) a été un leader dans le développement durable de propriétés à usage mixte, de vente au détail, de bureaux, de résidences/condominiums et de propriétés industrielles; offrant à nos clients des opportunités de marché uniques qui ne sont pas disponibles dans le cadre d’un rôle de développeur traditionnel ».
[34] Les services du Groupe Astra sont partiellement décrits par M. Rafih dans son affidavit au paragraphe 18 comme suit :
[traduction]
L’ensemble des services de gestion immobilière et de location du Groupe Astra permet de gérer efficacement les actifs immobiliers de tiers et d’offrir aux clients d’Astra Group une meilleure proposition de valeur grâce au contrôle des dépenses, à la rétention des locataires et au retour sur investissement, améliorant ainsi les résultats opérationnels nets de nos clients.
Emploi par l’Opposante de ses marques de commerce et noms commerciaux
[35] M. Rafih maintient qu’au cours de la période de cinq ans précédant la date de son affidavit, le groupe Astra avait généré des revenus de plus de 1 500 000,00 $ par an et avait dépensé plus de 50 000,00 $ par an pour des activités de commercialisation et de promotion de la famille de marques de commerce et noms commerciaux ASTRA.
[36] M. Rafih fournit également des exemples d’emploi de certaines de ses marques de commerce (y compris sa marque de commerce ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin) et noms commerciaux présentés, entre autres, sur son site Web www.astracapitalinc.com, les factures représentatives, les affiches des propriétés, les courriels, les cartes de visite et le papier à en-tête (tous arborant l’adresse 2213 North Sheridan Way). Les cartes de visite et les courriels étaient représentatifs des formes de cartes de visite et de courriels employés par le Groupe Astra en relation avec les activtés et le commerce [traduction] « pendant des périodes pertinentes pour l’opposition » [Affidavit Rafih, Pièces 9, 10, 11 et 12].
[37] La Requérante souligne que la preuve d’emploi de l’Opposante, en particulier à tout moment avant la date de production de la demande de la Requérante, est absente. À cet égard, la Requérante fait valoir qu’il n’y a aucune ventilation des services qui ont été fournis ou en liaison avec quelle marque de commerce ou nom commercial. La seule facture pour les [traduction] « services de location » produite par Astra Properties située au 2213 North Sheridan Way, Mississauga, ON, était datée du 1er septembre 2023 (ce qui est postérieur à la date pertinente) et les cartes de visite et le papier à en-tête déposés n’étaient pas datés. De plus, il a été révélé lors du contre-interrogatoire que la photo du panneau ASTRA CAPITAL & Dessin qui apparaissait sur le bâtiment situé au 2213 North Sheridan Way à Mississauga, Ontario, a été prise du site Web de l’Opposante vers août 2021, ce qui est également postérieur à la date de production de la demande.
[38] L’un des engagements produits par M. Rafih lors de son contre-interrogatoire était d’indiquer quand les premières factures faisant référence à l’emploi des marques de commerce ASTRA PROPERTY GROUP ou ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin, reflétées dans les enregistrements de l’Opposante joints en tant que Pièces 21 et 22 à l’Affidavit de M. Rafih, ont été émises, et de fournir quelques échantillons caviardés le cas échéant. La réponse fournie par M. Rafih au point 2 (b) de sa réponse aux engagements était la suivante :
[traduction]
Ces marques de commerce ont été employées par [Astra Realty] depuis sa constitution le 15 janvier 2019. Avant cette date, elles ont été employées et continuent d’être employées par l’Opposante depuis au moins aussitôt que 2012. L’Opposante ne conserve les factures et les documents connexes que pendant six ans conformément aux directives standard publiées par l’Agence du revenu du Canada. Les pièces 1, 2 et 3 ci-jointes sont des exemples de factures arborant ces marques émises au cours de cette période de six ans.
[39] Dans les factures jointes en tant que Pièces 1 à 3 à la réponse de M. Rafih aux engagements, les renseignements relatifs aux clients, les montants facturés et les services rendus ont été caviardés par souci de confidentialité, mais le numéro de facture et la marque de commerce ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin sont clairement visibles. Les factures ont été émises par Astra Realty Management, située au 2213 North Sheridan Way à Mississauga, Ontario. Les dates sur les factures sont le 1er janvier 2021, le 2 janvier 2021 et le 4 janvier 2021.
[40] La Requérante a proposé à l’Opposante une entente de confidentialité si elle pouvait fournir des copies non caviardées de ces factures. L’Opposante ne l’a pas fait. Étant donné que les caviardages ont généralement été acceptés par le registraire afin de protéger les renseignements confidentiels [voir McCarthy Tetrault LLP c. Star Television Productions Limited, 2020 COMC 49], je ne tirerai pas une inférence négative du refus de M. Rafih de fournir une copie non caviardée de ces factures comme demandé par la Requérante.
L’Opposante s’est-elle acquittée de son fardeau de preuve?
[41] Lors de l’audience, l’agent de la Requérante a fait valoir que les preuves fournies par l’Opposante étaient lacunaires pour qu’elle puisse s’acquitter de son fardeau dans le cadre de ce motif. Même si je suis d’accord que la preuve d’emploi de l’une des marques de commerce ou des noms commerciaux de l’Opposante avant la date pertinente pour ce motif n’est pas volumineuse, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau dans le cadre de ce motif pour les raisons suivantes.
[42] Comme mentionné ci-dessus, un seul cas d’emploi au sens de l’article 4 peut suffire à un opposant pour s’acquitter de son fardeau à l’égard de ce motif. De plus, même lorsque la preuve est postérieure à la date pertinente pour ce motif d’opposition, le registraire pourrait tenir compte d’une telle preuve dans la mesure qu’elle indique une situation qui existait à la date pertinente [voir, par exemple, George Weston Ltd c. Corporate Foods Ltd (1988), 1988 CPR (3 d) 566, 1988 CanLII 10187 (COMC)]. En l’espèce, la preuve établit que l’Opposante est essentiellement un réseau de sociétés affiliées au nom commercial Astra Capital [voir le contre-interrogatoire de Rafih, Q. 36] qui a exploité une entreprise prospère pendant un certain temps, avec des revenus de plus de 1 500 000,00 $ par an au cours de la période de cinq ans précédant la date de l’Affidavit de M. Rafih. L’Opposante a également dépensé plus de 50 000,00 $ par an pour des activités de commercialisation et de promotion pendant la même période.
[43] De plus, je souligne que chacune des factures présentées (tant avant qu’après la date pertinente) a été émise à partir de 2213 North Sheridan Way, et la facture ultérieure datée du 1er septembre 2023 était pour des services de location. Les cartes de visite représentatives présentées arboraient également cette adresse ainsi que la marque de commerce ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin. Sur les pages représentatives du site Web du groupe Astra à l’adresse https:///astraproperty.com, joint en tant que Pièce 2 à l’affidavit de M. Rafih, la marque de commerce ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin figure au-dessus d’une image de l’emplacement de l’Opposante au 2213 North Sheridan Way.
[44] Lorsque toutes les preuves de l’Opposante sont examinées dans leur ensemble, j’estime qu’il est raisonnable d’inférer qu’au moins une des factures présentées comme preuve a été émise par l’Opposante ou l’un(e) de ses licenciés/filiales pour des services de location avant la date de production de la demande. Je suis donc convaincue que l’Opposante a au moins démontré l’emploi du nom commercial ASTRA REALTY MANAGEMENT et de la marque de commerce ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin en liaison avec des services de location ou de gestion immobilière avant la date de production de la demande, ainsi qu’un emploi continu après cette date.
Probabilité de confusion
[45] Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau à l’égard de la marque de commerce ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin (illustrée ci-dessous), je dois maintenant évaluer si cette marque de commerce créait de la confusion avec la Marque à la date de production de la demande.
[46] Si tel est le cas, la Requérante n’aurait pas droit à l’enregistrement de la Marque.
[47] Le test en matière de confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce ou des noms commerciaux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués ou vendus par la même personne, que ces produits soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la probabilité que des produits provenant d’une source soient perçus comme provenant d’une autre source.
[48] Le test en matière de confusion est évalué comme une question de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la marque d’un requérant, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce ou d’un noms commerciaul d’un opposant et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques [Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 au para 20].
[49] Dans le cadre d’une telle évaluation, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou les noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. La liste de ces critères n’est pas exhaustive et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Mattel, Inc. c. 3 894 207 Canada Inc., 2006 CSC 22 au para 54].
Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues
[50] Le caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce renvoie à son originalité. Les marques de commerce composées de mots ou de dessins descriptifs de leurs produits ou services connexes ont un faible degré de caractère distinctif inhérent et bénéficient d’une protection plus limitée qu’un mot inventé, unique ou non descriptif, ou qu’un dessin original [voir General Motors Corp c Bellows, [1949] RCS 678, 1949 CanLII 47; voir également Fairmont Resort Properties Ltd. c. Fairmont Hotel Management, L.P., 2008 CF 876].
[51] La Requérante fait valoir que le mot ASTRA est un élément non distinctif des marques de commerce des deux parties. Avec tout le respect, je ne suis pas d’accord. À cet égard, je ne trouve pas que cet élément suggère quoi que ce soit sur les services connexes de l’une ou l’autre des parties. Comme les marques des deux parties comprennent également des éléments figuratifs distinctifs, j’estime qu’elles possèdent toutes deux un degré raisonnable de caractère distinctif inhérent. Toutefois, la marque de commerce de l’Opposante est, sur le plan intrinsèque, légèrement plus faible que la Marque parce que l’élément PROPERTY est quelque peu descriptif des services connexes de l’Opposante.
[52] Le caractère distinctif d’une marque de commerce peut être rehaussé en faisant en sorte qu’elle devienne connue au Canada par sa promotion ou son emploi [voir Mondo Foods Co. Ltd. c. Industries TorréMonde Inc., 2022 CF 926, au para 24].
[53] Dans son affidavit, M. Oshelvskyy déclare que depuis la constitution de la Requérante en personne morale, elle a réalisé plus de 700 projets (commerciaux, industriels, multifamiliaux, rénovations et construction générale, matières dangereuses) en l’Alberta, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan pour le compte des organismes gouvernementaux et des sociétés d’habitation, y compris l’armée. Il déclare également qu’il a largement fait la promotion de l’entreprise sur les réseaux sociaux, y compris sur le site Web de la Requérante et le réseau social Instagram et qu’il a employé la Marque en liaison avec les services de son entreprise. M. Oshelvskyy ne fournit cependant aucune preuve à l’appui pour corroborer l’une de ces déclarations. La Requérante n’a donc fourni aucune preuve d’emploi de la Marque ni la mesure à laquelle elle est devenue connue au Canada.
[54] En ce qui concerne la marque de commerce de l’Opposante, comme mentionné précédemment, sa preuve d’emploi ou de révélation de sa marque de commerce ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin à tout moment avant la production de la demande de Requérante, est absente. Par exemple, la présentation de cette marque de commerce sur le site Web de l’Opposante ne constitue pas une preuve que cette marque de commerce était connue par les Canadiens dans une quelconque mesure significative [Symantec Corporation et Veritas Technologies LLC c. Det Norske Veritas AS, 2021 COMC 143, au para 24]. J’estime donc que la marque de commerce de l’Opposante est devenue connue dans une mesure limitée au Canada.
[55] Dans l’ensemble, ce facteur favorise l’Opposante.
Période pendant laquelle les marques ont été en usage
[56] Comme indiqué ci-dessus, il n’y a aucune preuve que la Requérante a employé la Marque au Canada.
[57] En ce qui concerne la marque de commerce ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin de l’Opposante, selon ma révision ci-dessus de la preuve de Rafih, j’estime que cette marque de commerce a été employée depuis au moins aussitôt que la date de production de la demande. Ce facteur favorise donc l’Opposante.
Genre de produits, services ou entreprises; et nature du commerce
[58] Lors de l’examen des produits, services et commerces des parties, c’est l’état déclaratif des produits ou services dans la demande de marque de commerce de la Requérante et les services pour lesquels un emploi a été démontré par l’Opposante qui régissent la question de la confusion découlant de l’article 16.
[59] Les services de construction et de rénovation de la Requérante ne sont pas les mêmes que les services de location de l’Opposante. Cependant, étant donné que les services visés par la demande ne sont en aucune façon restreints, j’estime que les services des parties pourraient être liés. Par exemple, la Requérante pourrait installer un climatiseur dans un appartement loué par l’Opposante.
[60] En ce qui concerne les voies de commercialisation des parties, en l’absence de preuve contraire, j’estime qu’il est raisonnable de conclure que les voies de commercialisation des parties pourraient également se chevaucher.
Degré de ressemblance
[61] Même si le degré de ressemblance est mentionné en dernier lieu à l’article 6(5) de la Loi, il est le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [Masterpiece, supra au para 49].
[62] Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Le critère applicable n’est pas une comparaison côte à côte, mais celui de la première impression dans l’esprit du consommateur qui n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce d’un opposant [Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 2006 CSC 23, (CanLII)].
[63] Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a fait observer que même si le premier mot d’une marque de commerce peut, aux fins de caractère distinctif, être souvent l’élément le plus important dans certains cas [Conde Nast Publications Inc c. Union des editions moderns (4571), 46 CPR (2 d) 183 (CF 1re inst)], il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspect de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, supra, au para 64].
[64] En l’espèce, je considère que la caractéristique la plus frappante de chaque marque de commerce est le mot ASTRA. Étant donné que ce mot figure en première position dominante sur les marques de commerce des parties, et que les marques de commerce des deux parties comportent également le mot GROUP, j’estime qu’il existe un degré élevé de ressemblance entre les marques dans la présentation et le son. Les deux marques suggèrent également une idée similaire, à savoir que les services sont offerts par un groupe lié au nom ASTRA. Ce facteur favorise donc l’Opposante.
Circonstances de l’espèce – Preuve de l’état du registre et de l’état du marché
[65] Ci-joint en tant que Pièce B à l’affidavit de M. Oshelvskyy se trouve ce qu’il décrit comme une recherche récente effectuée dans le registre des marques de commerce, qui selon lui montre qu’il existe environ 50 marques de commerce déposées comportant le mot ASTRA. Il admet cependant que lorsqu’une recherche similaire a été effectuée sur le mot ASTRA pour des services semblables à ceux des parties (c.-à-d. ceux limités à la classe 37 de Nice), les seules marques de commerce qui apparaissent sont les deux marques de commerce déposées de l’Opposante et la Marque [l’Affidavit Oshelvskyy, Pièce C]. Une recherche effectuée dans le registre concernant « Astra » et l’emploi des mots [traduction]« propriété », [traduction]« développement », [traduction] « construction » et [traduction] « immobilier » dans les services ont également présenté les mêmes deux marques de commerce déposées de l’Opposante et la Marque [Affidavit Oshelvskyy, Pièce D].
[66] La preuve de l’état du registre favorise un requérant lorsqu’il peut être démontré que la présence d’un élément commun dans les marques inciterait les consommateurs à porter une plus grande attention aux autres caractéristiques de ces marques et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres caractéristiques [McDowell c. Laverana GmbH & Co KG, 2017 CF 327 au para 42]. Des inférences concernant l’état du marché peuvent être tirées d’une telle preuve dans deux situations : lorsqu’un grand nombre d’enregistrements pertinents sont trouvés; et/ou lorsqu’il y a la preuve d’un emploi commun dans le marché des marques pertinentes de tiers [Kellogg Salada Canada Inc c. Maximum Nutrition Ltd, 1992 CanLII 14792 (CAF); McDowell c. Laverana GmbH & Co KG, supra, aux para 41 à 46].
[67] L’Opposante souligne un certain nombre de lacunes dans la preuve de l’état du registre de la Requérante, que je n’estime pas qu’il soit nécessaire d’examiner en détail. Il suffit de dire que n’ayant identifié aucune marque de commerce pertinente de tiers, y compris ASTRA, dans le même domaine ou dans un domaine connexe, la preuve de l’état du registre n’aide pas la Requérante.
Conclusion
[68] La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques. Ayant examiné l’ensemble des circonstances de l’espèce, y compris en particulier le degré élevé de ressemblance entre les marques, et le fait que les marques des parties seraient employées avec des services connexes, et malgré l’absence de preuve concernant la mesure à laquelle la marque de commerce de l’Opposante est devenue connue à la date pertinente, je conclus que les probabilités quant une la probabilité de confusion sont égales. Lorsque les probabilités sont égales, la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau. Autrement dit, la Requérante ne m’a pas convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, un Canadien qui a un souvenir imparfait de la marque de commerce ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin de l’Opposante, employée en liaison avec des services de location, ne présumerait pas, en première impression, que les services de la Requérante liés à la construction et à la rénovation proviennent de la même source ou sont autrement liés ou employés en liaison avec les services de l’Opposante.
[69] Par conséquent, le motif fondé sur l’article 16(1)a) est accueilli.
Article 30(2)a) – Termes ordinaires du commerce
[70] L’Opposante plaide que la demande n’est pas conforme à l’article 30(2)a) de la Loi en ce qu’elle ne contient pas d’état déclaratif, dans les termes ordinaires du commerce, de chacun des services spécifiques en liaison avec lesquels l’emploi de la marque de commerce alléguée est projeté. L’Opposante fait valoir que les services sont définis de manière trop large et ne correspondent pas à ce pour quoi la Requérante a l’intention d’employer la Marque.
[71] L’article 30(2)a) de la Loi exige qu’une demande contient « un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des produits ou services en liaison avec lesquels la marque de commerce est employée ou en liaison avec lesquels on projette de l’employer ».
[72] L’Opposante s’appuie sur la preuve de la Requérante même et sur et les promesses faites lors du contre-interrogatoire de s’acquitter de son fardeau. À cet égard, l’Opposante fait valoir que M. Oshelvskyy n’a pas été en mesure de répondre aux questions concernant la litanie en liaison avec les services invoqués dans la demande de la Requérante. Par exemple, le déposant n’a pas pu répondre à la question concernant les différences entre les services décrits comme entretien contre ceux décrits comme réparation. [Contre-interrogatoire Oshelvskyy Qs. 113 à 131].
[73] Je rejette les observations de l’Opposante concernant les réponses de M. Oshelvskyy lors du contre-interrogatoire, car je constate que ces questions et réponses étaient davantage axées sur les ressemblances et les différences entre les services de réparation et d’entretien plutôt que sur la question de savoir si les services de la Requérante étaient décrits dans les termes ordinaires du commerce. L’absence d’une déclaration selon laquelle la Requérante a employé la Marque en liaison avec des services spécifiques n’est pas pertinente. De plus, comme l’a souligné la Requérante, chacun de ces services est énuméré comme services acceptables dans le Manuel des produits et des services du Bureau des marques de commerce. Par conséquent, comme l’Opposante n’a autrement pas démontré en quoi la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30(2)a) de Loi, l’Opposante ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve et par conséquent, ce motif est rejeté.
Article 12(1)d) – Enregistrabilité
[74] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, en ce qu’elle crée de la confusion avec ses marques de commerce déposées ASTRA PROPERTY GROUP (LMC1167255) ou ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin (LMC1167256), toutes deux enregistrées en liaison avec les services suivants :
[traduction]
Évaluation de biens immobiliers; évaluation de propriété; gestion immobilière; services de conseil en gestion immobilière; investissement dans des biens résidentiels; investissement dans des biens commerciaux; location de biens commerciaux; gestion d’immeubles; location d’immeubles; location de terrains; location d’appartements; location de bureaux; acquisition de biens immobiliers pour le compte d’autrui; estimation de biens immobiliers; évaluation et assertion relative à l’évaluation de biens immobiliers; expertise et valorisation immobilière; courtage en immeuble; consultation en immobilier; services d’investissement immobilier
[75] Comme mentionné ci-dessus, je ne suis pas d’accord avec la Requérante que l’Opposante s’est désistée de toute confusion entre ces marques de commerce et la Marque lorsqu’elle a supprimé la seule classe de services du système de Nice qui a été jugée par l’Examinateur de marques de commerce comme se chevauchant avec la Marque afin d’obtenir ses enregistrements.
[76] La seule différence entre ce motif et le motif de l’article 16(1)a) est donc la date pertinente (qui est la date de décision pour le motif fondé sur l’article 12(1)d)) et les services en liaison avec la marque de commerce déposée de l’Opposante par rapport aux services pour lesquels l’Opposante a démontré l’emploi.
[77] Je commencerai par souligner que je considère que la preuve d’emploi de la marque figurative ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin (LMC1167256) constitue également l’emploi de la marque verbale ASTRA PROPERTY GROUP (LMC1167255) [voir Nightingale Interloc c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3 d) 535 (COMC)].
[78] La différence entre les dates pertinentes ne fait que renforcer mon analyse de la question de confusion, étant donné que la marque de commerce ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin de l’Opposante a acquis un caractère distinctif plus élevé à la date ultérieure.
[79] En ce qui concerne les différences entre les services des parties, la Requérante a reconnu dans ses observations écrites que ses services de construction et de rénovation sont liés aux services de gestion immobilière et de location de l’Opposante. La Requérante a également concédé qu’il serait raisonnable de conclure qu’il pourrait y avoir un certain chevauchement dans les voies de commercialisation respectives des parties.
[80] Compte tenu de ce qui précède, j’arrive à la même conclusion que celle que j’ai tirée en vertu de l’article 16(1)a). Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12 (1) d) est également accueilli.
Autre motif d’opposition
[81] Étant donné que l’Opposante a obtenu gain de cause à l’égard d’au moins deux motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire que j’examine l’autre motif.
Décision
[82] Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63 (3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38 (12) de la Loi.
Cindy R. Folz
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Christelle Ziade
Félix Tagne Djom
ANNEXE A
Enregistrements et demandes de la marque de commerce de l’Opposante
Marque de commerce |
Numéro de la demande ou d’enregistrement |
Produits/Services |
ASTRA PROPERTY GROUP |
LMC1167255 |
[traduction] (1) Évaluation de biens immobiliers; évaluation de propriété; gestion immobilière; services de conseil en gestion immobilière; investissement dans des biens résidentiels; investissement dans des biens commerciaux; location de biens commerciaux; gestion d’immeubles; location d’immeubles; location de terrains; location d’appartements; location de bureaux; acquisition de biens immobiliers pour le compte d’autrui; estimation de biens immobiliers; évaluation et assertion relative à l’évaluation de biens immobiliers; expertise et valorisation immobilière; courtage en immeuble; consultation en immobilier; services d’investissement immobilier |
ASTRA PROPERTY GROUP & Dessin |
LMC1167256 |
[traduction] (1) Évaluation de biens immobiliers; évaluation de propriété; gestion immobilière; services de conseil en gestion immobilière; investissement dans des biens résidentiels; investissement dans des biens commerciaux; location de biens commerciaux; gestion d’immeubles; location d’immeubles; location de terrains; location d’appartements; location de bureaux; acquisition de biens immobiliers pour le compte d’autrui; estimation de biens immobiliers; évaluation et assertion relative à l’évaluation de biens immobiliers; expertise et valorisation immobilière; courtage en immeuble; consultation en immobilier; services d’investissement immobilier |
ASTRA REALTY |
Numéro de la Demande : 2199673 |
[traduction] (1) Évaluation de biens immobiliers; évaluation de propriété; gestion immobilière; services de conseil en gestion immobilière; investissement dans des biens résidentiels; investissement dans des biens commerciaux; location de biens commerciaux; gestion d’immeubles; location d’immeubles; location de terrains; location d’appartements; location de bureaux; acquisition de biens immobiliers pour le compte d’autrui; estimation de biens immobiliers; évaluation et assertion relative à l’évaluation de biens immobiliers; expertise et valorisation immobilière; courtage en immeuble; consultation en immobilier; services d’investissement immobilier [traduction] (2) Aménagement de terrain; services consultatifs liés à la construction de bâtiments; services de construction de bâtiments; supervision de la construction de bâtiments; entretien et réparation de bâtiments; restauration de bâtiments; superviseur de la construction de bâtiments; développement immobilier |
ASTRA REALTY MANAGEMENT |
Numéro de la Demande : 2199674 |
[traduction] (1) Évaluation de biens immobiliers; évaluation de propriété; gestion immobilière; services de conseil en gestion immobilière; investissement dans des biens résidentiels; investissement dans des biens commerciaux; location de biens commerciaux; gestion d’immeubles; location d’immeubles; location de terrains; location d’appartements; location de bureaux; acquisition de biens immobiliers pour le compte d’autrui; estimation de biens immobiliers; évaluation et assertion relative à l’évaluation de biens immobiliers; expertise et valorisation immobilière; courtage en immeuble; consultation en immobilier; services d’investissement immobilier [traduction] (2) Aménagement de terrain; services consultatifs liés à la construction de bâtiments; services de construction de bâtiments; supervision de la construction de bâtiments; entretien et réparation de bâtiments; restauration de bâtiments; superviseur de la construction de bâtiments; développement immobilier |
ANNEXE B
Noms commerciaux de l’Opposante
NOM COMMERCIAL |
ACTIVITÉS |
ASTRA CAPITAL INCORPORATED |
[traduction] (1) Évaluation de biens immobiliers; évaluation de propriété; gestion immobilière; services de conseil en gestion immobilière; investissement dans des biens résidentiels; investissement dans des biens commerciaux; location de biens commerciaux; gestion d’immeubles; location d’immeubles; location de terrains; location d’appartements; location de bureaux; acquisition de biens immobiliers pour le compte d’autrui; estimation de biens immobiliers; évaluation et assertion relative à l’évaluation de biens immobiliers; expertise et valorisation immobilière; courtage en immeuble; consultation en immobilier; services d’investissement immobilier (2) Aménagement de terrain; services consultatifs liés à la construction de bâtiments; services de construction de bâtiments; supervision de la construction de bâtiments; entretien et réparation de bâtiments; restauration de bâtiments; superviseur de la construction de bâtiments; développement immobilier |
ASTRA CAPITAL PROPERTIES INCORPORATED |
|
ASTRA CAPITAL PROPERTIES |
|
ASTRA PROPERTIES |
|
ASTRA CAPITAL |
|
ASTRA PROPERTY GROUP |
|
ASTRA REALTY |
|
ASTRA REALTY MANAGEMENT |
Comparutions et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : 2025-03-18
COMPARUTIONS
Pour la Requérante : Shaun B. Cody
AGENTS INSCRITS AU DOSSIER
Pour la Requérante : New Horizon Law