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Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2025 COMC 173
Date de la décision : 2025-08-28
DANS L’AFFAIRE DE PROCÉDURES EN VERTU DE L’ARTICLE 45
Partie requérante : Borden Ladner Gervais LLP
LMC699086 pour UNIMAT & Dessin
Introduction
[1] Le 8 juillet 2024, à la demande de Borden Ladner Gervais LLP (la Partie requérante), le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13, (la Loi) à la société Sollio Groupe Coopératif (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC699086 pour une première marque de commerce UNIMAT & Dessin (la Marque) et de l’enregistrement no LMC697132 pour une seconde marque de commerce UNIMAT & Dessin, celle-ci avec revendication de couleur (la Marque carrée). Les deux marques de commerce (collectivement, les Marques), puis la revendication de couleur de la seconde, sont reproduites ci-dessous.
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La Marque (LMC699086) |
La Marque carrée (LMC697132) |
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La majeure partie du dessin est de couleur bleue. La bordure et les trois (3) traits sont de couleur grise. Le mot UNIMAT est de couleur blanche et la ligne sous le mot UNIMAT est de couleur rouge. |
[2] La Marque consiste en le mot « Unimat » souligné par une ligne dont le bout gauche s’élonge vers le haut et par-dessus les lettres « U » et « n », de manière à former le contour triangulaire d’un toit, ce triangle étant suivi par une série de trois épaisses barres obliques inversées parallèles, suggérant la surface rayée d’un toit tridimensionnel au-dessus du reste du mot. Le tout suggère l’idée du mot « Unimat » dans le contour d’un bâtiment. La Marque est enregistrée en liaison avec les services suivants de la classe 35 de la classification de Nice (Cl) :
[3] La Marque carrée consiste en un carré bleu avec une mince bordure grise, sur lequel figure le mot « Unimat » en blanc finement souligné en rouge, avec une pareille série de trois épaisses barres obliques inversées, grises, au-dessus du fin du mot. Les couleurs indiquées plus haut sont revendiquées comme caractéristique de la marque de commerce. La Marque carrée est enregistrée en liaison avec les services suivants de la classe 35 de la classification de Nice:
Cl 35 (1) Exploitation de centres de ventes reliés aux services de ventes au détail, de produits de quincaillerie, de matériaux de construction, de produits de décoration, de produits de la ferme et de jardinage reliés à l’entretien, la rénovation et la construction résidentielle, commerciale, agricole.
[4] Chacun des avis enjoignait à la Propriétaire de fournir un affidavit ou une déclaration solennelle démontrant que la marque de commerce visée a été employée en liaison avec chacun des services enregistrés au Canada à un moment quelconque entre le 8 juillet 2021 et le 8 juillet 2024 (la période pertinente) et, dans la négative, indiquant la date à laquelle la marque de commerce a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.
[5] En l’absence d’emploi, conformément à l’article 45(3) de la Loi, un enregistrement de marque de commerce est susceptible d’être radié ou modifié, à moins que le défaut d’emploi ne soit attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient.
[6] La définition pertinente d’« emploi » en liaison avec des services est énoncée à l’article 4(2) de la Loi, comme suit :
4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.
[7] La présentation d’une marque de commerce dans l’annonce des services suffit pour satisfaire aux exigences de l’article 4(2) du moment que le propriétaire inscrit offre et est prêt à exécuter les services au Canada [Wenward (Canada) Ltd c Dynaturf Co (1976), 28 CPR (2d) 20 (COMC)].
[8] Il est bien établi que de simples allégations d’emploi ne suffisent pas pour établir l’emploi dans le cadre de la procédure visée par l’article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Il est vrai que le niveau de preuve requis est peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)]. Il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Néanmoins, il faut présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée pendant la période pertinente en liaison chacun des produits et services spécifiés dans l’enregistrement [voir John Labatt Ltd c Rainer Brewing Co (1984), 80 CPR (2d) 228 (CAF)].
[9] En réponse à chaque avis du registraire, la Propriétaire a produit la preuve suivante :
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une déclaration solennelle souscrite le 2 octobre 2024 par Denis Laporte, Directeur principal, service aux marchands, pour une filiale de la Propriétaire, la société Groupe BMR inc. (BMR);
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une déclaration solennelle souscrite le 26 novembre 2024 par Pascal Houle, chef de la direction de la Propriétaire et ancien chef de la direction de BMR;
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une déclaration solennelle souscrite le 15 novembre 2024 par Josée Létourneau, secrétaire générale et affaires juridiques de la Propriétaire;
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une déclaration solennelle souscrite le 3 décembre 2024 par Pierre-Rémi Fourès, Directeur du transport pour BMR.
[10] Pour chaque déclarant, les déclarations solennelles produites dans les deux dossiers sont substantiellement identiques.
[11] Aucune des parties n’a produit de représentations écrites et aucune audience n’a été tenue.
La preuve
[12] Les déclarations solennelles de M. Laporte visent à démontrer la manière dont les Marques ont été employées par les licenciés de la Propriétaire pendant la période pertinente en liaison avec les services enregistrés. Les déclarations solennelles de Mme Létourneau, M. Houle, et M. Fourès mettent en preuve les contrats qui auraient conféré à ces licenciés le droit d’employer les Marques pendant la période pertinente.
[13] J’examinerai la preuve fournie par chacun des déclarants à tour de rôle.
Denis Laporte
[14] M. Laporte, le Directeur principal, service aux marchands, pour BMR, affirme qu’il fait ses déclarations solennelles dans le but de démontrer l’emploi des Marques par la Propriétaire, dans le cours normal de ses affaires, par l’entremise de ses licenciés. Il affirme que la Propriétaire a ainsi employé et montré les Marques pendant la période pertinente, dans l’exécution et l’annonce des services enregistrés.
[15] À cette fin, M. Laporte produit les pièces suivantes :
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Comme pièce DL‑1 à sa déclaration, une photographie de la carte d’affaires d’une coopérative licenciée affiliée à la Propriétaire et à BMR – soit Magasin Co-op Squatec, faisant affaires sous le nom « La Coop Squatec » (Coop Squatec) – annonçant les services « Marché d’alimentation » et « Quincaillerie & Matériaux de construction ». L’adresse physique de Coop Squatec y est indiquée ainsi qu’une adresse de courrier électronique, mais non pas une adresse Web. M. Laporte confirme que cette carte d’affaires est identique à celles remises par les représentants et employés de Coop Squatec à ses clients et fournisseurs au Canada pendant la période pertinente. La carte arbore une version de la Marque comprenant la description « Centre de rénovation » en bas du dessin (la Variante CDR), que M. Laporte qualifie aussi de version modernisée de la Marque carrée. Telle qu’imprimée sur la carte d’affaires, dont l’en-tête est reproduit ci-dessous, cette version de la Marqueprésente le mot « Unimat » en une couleur bleuâtre, le dessin du « bâtiment » en rouge, et la phrase « Centre de rénovation » en noir :
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Comme pièce DL‑2, des photographies de deux formulaires de bon de commande papier sur lesquels la Variante CDR en noir et blanc est apposée. M. Laporte confirme que ces bons de commande sont identiques à ceux utilisés pendant la période pertinente par les représentants et employés d’une autre coopérative licenciée affiliée à la Propriétaire et à BMR, soit la Société coopérative agricole de Gracefield (Coop Gracefield), pour ses clients au Canada. Le premier formulaire annonce les services « Quincaillerie », « Matériaux », et « Centre de jardin ». L’adresse physique de Coop Gracefield est imprimée sur le second formulaire, mais ni l’un ni l’autre n’indique une adresse Internet.
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Comme pièce DL‑3, une photographie d’une horloge murale sur laquelle la Marque en noir et rouge est apposée (la partie verbale étant noire et le dessin, rouge). M. Laporte confirme que cette horloge est celle qui était actuellement installée sur le mur de l’établissement principal d’une autre coopérative licenciée affiliée à la Propriétaire et à BMR – le Magasin Co-op St‑Victor (Coop St‑Victor) – pendant la période pertinente.
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Comme pièce DL‑4, trois images montrant des camions-remorques sur lesquels la Variante CDR en noir et rouge est apposée. Je note l’inscription « BMR520 » sur l’une des remorques et « BMR500 » sur une autre. Je note aussi l’adresse Web www.unimat.ca et un logotype « ipoints » (dont le reste du texte est illisible dans cette image) présentés sur une des remorques. Une image d’un enfant portant un casque de chantier devant une cabane perchée dans un arbre y figure aussi.
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Comme pièce DL‑5, copies d’une série de trois documents que M. Laporte atteste démontrent l’utilisation d’un camion-remorque arborant la Marque par une licenciée de la Propriétaire – Transport Robert (1973) ltée (Transport Robert) – pour effectuer une livraison de marchandises expédiées par BMR à un détaillant affilié à la Propriétaire et à BMR, soit La Coop Purdel (Coop Purdel). La série de documents comprend (i) un bon de connaissement pour l’expédition d’une palette de quincaillerie à Coop Purdel par BMR le 12 juillet 2022 au moyen de la remorque « BMR538 »; (ii) un rapport de livraison de la remorque « BMR520 » à Coop Purdel le 13 juillet 2022; et (iii) une facture datée du 14 juillet 2022 de Transport Robert à BMR pour une livraison de marchandises dans l’unité « BMR520 » à Coop Purdel le 13 juillet 2022. M. Laporte précise que la livraison était effectuée selon les termes et modalités d’une entente-cadre de services relatives au transport conclue entre Transport Robert et BMR, qui prendrait effet à compter du 1er novembre 2023.
Pascal Houle
[16] M. Houle, le chef de la direction de la Propriétaire, affirme qu’il fait ses déclarations solennelles dans le but de démontrer les liens contractuels existant pendant la période pertinente entre la Propriétaire et chacune de BMR, Coop Squatec, et Coop Gracefield, en leur qualité de licenciées de la Propriétaire. En particulier, il affirme que BMR, Coop Squatec, et Coop Gracefield étaient toutes dûment autorisées à employer les Marques au Canada pendant la période pertinente dans le cours normal de l’exploitation de leurs entreprises, en liaison avec les services enregistrés.
[17] M. Houle produit les pièces suivantes à l’appui :
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Comme pièce PH‑2, copie partiellement caviardée de la convention d’approvisionnement grossiste (en « produits de quincaillerie et décoration », en « matériaux de construction », et en « produits agricoles ») et de mandat conclue le 1er février 2015 entre la Propriétaire (à cette date, nommée La Coop Fédérée) et BMR. L’entente prévoit l’achat de produits par la Propriétaire auprès de BMR – dont elle est le seul et unique actionnaire – pour vente en gros à ses sociétaires dans le cadre de leurs commerce(s) de vente au détail. Selon le préambule, BMR vend aussi de tels produits en gros à son propre réseau de détaillants. M. Houle atteste que cette convention était en vigueur pendant toute la période pertinente.
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Comme pièce PH‑3, copie partiellement caviardée de la convention d’approvisionnement conclue le 22 février 2023 entre la Propriétaire et Coop Squatec, aux termes de laquelle cette dernière achète auprès de la Propriétaire des produits et services provenant de BMR pour revente dans, ou à partir de, son commerce de vente au détail de « produits de quincaillerie et matériaux de construction », situé à Squatec (Québec). M. Houle atteste que cette convention est entrée en vigueur pendant la période pertinente, à savoir le 1er mars 2023 (comme indiqué à l’article 2.1 de la convention), et était toujours en vigueur en date de la signature de ses déclarations solennelles.
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Comme pièce PH‑4, copie partiellement caviardée de la convention d’approvisionnement conclue le 20 mars 2023 entre la Propriétaire et Coop Gracefield, aux termes de laquelle cette dernière achète auprès de la Propriétaire des produits et services provenant de BMR pour revente dans, ou à partir de, son commerce de vente au détail de « produits de quincaillerie et matériaux de construction », situé à Gracefield (Québec).M. Houle atteste que cette convention est entrée en vigueur pendant la période pertinente, soit le 1er novembre 2022 (comme indiqué à l’article 2.1 de la convention), et était toujours en vigueur en date de la signature de ses déclarations solennelles.
[18] M. Houle allègue que BMR bénéficie du droit d’employer les Marques aux termes de la convention d’approvisionnement produite comme pièce PH‑2, mais il ne cite pas de termes précis octroyant cette licence. En fait, dans les extraits en preuve, la seule mention de licences de marques de commerce est dans le préambule (qui fait quand même partie intégrante de la convention, au vu de l’article 13.8 de celle-ci). Selon les dispositions du préambule, (i) les sociétaires de la Propriétaire exploitent « un(des) commerce(s) de vente au détail … associé(s) à des marques de commerce propriété de [la Propriétaire] ou pour lesquelles cette dernière détient une licence dont notamment les marques de commerce Unimat et BMR » et (ii) les détaillants dans le réseau de BMR exploitent des commerces de vente au détail « associés à des marques de commerce propriété de [BMR] ou dont elle est un licencié dont notamment les marques de commerce BMR et Unimat » (les italiques sont de la version originale; l’emphase en caractères gras est le mien). J’estime qu’une lecture raisonnable de ces dispositions permet de conclure que la marque « Unimat » appartient à la Propriétaire tandis que sa filiale BMR en est licenciée (l’inverse étant le cas pour la marque « BMR »). Je suis également prête à accepter que cette mention de la marque « Unimat » comprend les formes graphiques, y compris les Marques.
[19] Cependant, les termes desdites licences ne sont pas précisés, et les extraits en preuve ne font aucune mention des engagements relatifs au charactère ou à la qualité des produits ou services liés à l’emploi des marques de commerce sous licence. Cela étant dit, la preuve d’emploi introduite par M. Laporte est axée sur la présentation des Marques dans les commerces de vente au détail des sociétaires de la Propriétaire et dans le transport des marchandises y destinées. À cet égard, l’article 4.2 de la convention d’approvisionnement entre la Propriétaire et BMR stipule que BMR agira à titre de mandataire de la Propriétaire pour « la cueillette, la prise de livraison, la livraison et la fourniture aux [sociétaires de la Propriétaire] » des produits et des services que les sociétaires achètent de la Propriétaire conformément à ladite convention.
[20] Quant aux sociétaires Coop Squatec et Coop Gracefield, M. Houle allègue que celles-ci bénéficient, aux termes des conventions d’approvisionnement produites comme pièces PH‑3 et PH‑4, respectivement, du droit d’employer « les Marques BMR », telle que cette expression est définie dans ces conventions. En effet, le préambule de ces conventions indique que Coop Squatec et Coop Gracefield ont chacune conclu, concurremment à la convention d’approvisionnement, une convention d’exploitation et de licence relativement à leur utilisation des « Marques BMR » autorisées. La définition de « Marques BMR » à l’annexe A de la convention d’approvisionnement indique que ce terme désigne, entre autres, les marques de commerce et logos dont BMR « est propriétaire ou le licencié qu’elle utilise en association avec son entreprise ou dont elle permet l’utilisation par les [marchands qu’elle dessert] en association avec leur(s) commerce(s) de vente au détail… ». Les marques de commerce et logos précis ne sont pas identifiés, mais M. Houle affirme que cette définition de « Marques BMR » comprend notamment les Marques. Je note d’ailleurs qu’une telle conclusion serait conforme aux dispositions de la convention d’approvisionnement entre la Propriétaire et BMR produite comme pièce PH‑2, telles que je les ai interprétées plus haut.
[21] Les articles 8 et 10 des conventions d’approvisionnement aux pièces PH‑3 et PH‑4 stipulent que Coop Squatec et Coop Gracefield doivent respecter toutes les dispositions de ladite convention d’exploitation, faute de quoi la Propriétaire pourra mettre fin à la convention d’approvisionnement. Les termes de la convention d’exploitation ne sont pas précisés, mais le préambule des conventions d’approvisionnement indique que la convention d’exploitation est relative à l’exploitation par la coopérative de son commerce « selon les normes de BMR ». De plus, les articles 3 et 8 des conventions d’approvisionnement stipulent, entre autres choses, ce qui suit : à quelle adresse les coopératives doivent exploiter leurs commerces (à moins que BMR, à titre de mandataire de la Propriétaire, consente à l’exploitation ailleurs); quels produits et services les coopératives sont habilitées à vendre; quels produits et services elles doivent offrir pour vente, à moins d’autorisation à l’effet contraire de BMR, à son titre de mandataire; le site web sur lequel les ventes en ligne sont permises, soit celui mis sur pied et opéré par BMR (à moins que BMR, à son titre de mandataire, consente à un autre site); et les termes selon lesquels les coopératives seraient permises d’exploiter d’autres commerces ou activités approuvés par BMR, à son titre de mandataire. Entre outre, ces termes comprennent l’engagement de la coopérative de ne jamais nuire à son image et à sa bonne réputation, ni à l’image et à la réputation de la Propriétaire, de BMR, ou des produits et services pour revente obtenus de la Propriétaire. Un défaut à ces égards permettrait également à la Propriétaire de mettre fin à l’entente conformément à l’article 10.
[22] Il convient de mentionner aussi que les préambules des deux conventions mentionnent que certaines coopératives sociétaires de la Propriétaire exploitent des entreprises dans les secteurs « de la vente au détail de carburant, de l’agriculture » ainsi que « de la vente au détail d’articles de quincaillerie et de matériaux de construction ». De plus, les préambules prévoient la distribution et vente en gros par la Propriétaire à ses sociétaires « de produits de quincaillerie et décoration, de matériaux de construction, de produits agricoles et de produits jardin/maison ». Cependant, les extraits en preuve ne précisent pas si tous les types de produits mentionnés ci-dessus sont vendus soit à Coop Squatec, soit à Coop Gracefield, en particulier. En fait, ces extraits décrivent les commerces de vente au détail des deux sociétaires seulement comme étant de « produits de quincaillerie et matériaux de construction » et, à un endroit, de « produits de quincaillerie, matériaux de construction et de décoration ». De plus, l’article 8.6 stipule que les sociétaires ne pourront utiliser leurs commerces qu’aux fins de la vente au détail « de produits de quincaillerie et de décoration et de matériaux de construction », sauf approbation préalable à l’effet contraire par l’intermédiaire de BMR. Je note aussi que l’annexe C spécifie que les commerces des sociétaires comprennent « Les terrains, bâtisses, installations et stationnements » situés à l’adresse de la société, mais sans décrire l’usage particulier de ces différents endroits et équipements ou les services auxquels ils servent.
Josée Létourneau
[23] Mme Létourneau, la secrétaire générale et affaires juridiques de la Propriétaire, affirme qu’elle fait ses déclarations solennelles dans le but de démontrer les liens contractuels existant pendant la période pertinente entre la Propriétaire et Coop St-Victor, en sa qualité de licenciée et franchisée de la Propriétaire. En particulier, Mme Létourneau affirme que Coop St-Victor était dûment autorisée à employer les Marques au Canada pendant la période pertinente, dans le cours normal de l’exploitation de son entreprise, en liaison avec les services enregistrés.
[24] Mme Létourneau produit les pièces suivantes à l’appui :
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Comme pièce JL‑1 à sa déclaration, copie de la Loi modifiant la charte.
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Comme pièce JL‑2, copie partiellement caviardée de la convention de franchise (de quincaillerie Co-op, de centre de rénovation Co-op, et de centre de jardin Co-op) conclue le 16 décembre 2004 entre la Propriétaire (à cette date, Coopérative fédérée de Québec) et Coop St‑Victor, cette dernière ayant un magasin à St-Victor (Québec) où elle exploitait « le(s) commerce(s) de produits de quincaillerie et de matériaux de construction, le(s) centre(s) de rénovation ou le(s) centre(s) de jardin ». Mme Létourneau atteste que cette convention était en vigueur pendant toute la période pertinente.
[25] Soit dit en passant qu’il ressort clairement de la Loi modifiant la charte et de la convention de franchise que la Propriétaire avait la dénomination sociale Coopérative fédérée de Québec à l’époque de la conclusion de la convention et non pas la dénomination sociale La Coop Fédérée indiquée par Mme Létourneau. J’estime toutefois que cela est sans conséquence en l’espèce.
[26] En ce qui concerne les Marques, Mme Létourneau allègue que Coop St‑Victor bénéficie du droit de les employer aux termes de sa convention de franchise. Cependant, selon l’article 1 de la convention, la licence octroyée concerne, non pas les Marques, mais les « Marques CO-OP », définies à l’annexe A comme étant les marques de commerce CO-OP et CO-OP & Dessin. Cela étant dit, l’article 1 prévoit également que la Propriétaire peut en tout temps ajouter de nouvelles « Marques CO-OP » comme objets de la licence spécifiée à cet article.
[27] Quoi qu’il en soit, selon le préambule de la convention, Coop St-Victor reconnait qu’il est important de respecter tous les standards de qualité, les règlements, les règles, les directives, et les politiques de la Propriétaire régissant l’exploitation du commerce et la vente des produits et services, afin d’assurer l’uniformité et la qualité du service à la clientèle. En effet, l’article 3.2 prescrit que Coop St-Victor doit respecter et se conformer à tout règlement, politique, et directive que la Propriétaire peut décréter quant à l’exploitation du commerce et aux ventes et services après vente des produits et services; ne poser aucun geste susceptible de nuire à la réputation de ces produits et services; et avoir un personnel compétent et courtois en nombre suffisant pour desservir adéquatement la clientèle. Selon l’article 9, la Propriétaire peut aussi prêter au franchisé des « équipements, meubles et autres installations » et lui fournir des « documents, sous quelque support que ce soit, et/ou logiciels ». L’article 4.2 permet à la Propriétaire ou son représentant d’entrer dans le lieu de vente pour contrôler et vérifier la nature et la qualité des produits et services, afin qu’ils soient conformes aux spécifications de la Propriétaire, tandis que l’article 7.3 lui permet de mettre fin à la licence si Coop St-Victor contrevient aux engagements décrits ci-dessus.
[28] Il convient de mentionner aussi que le préambule de la convention de franchise qualifie la Propriétaire de fédération « de coopératives agricoles » et de grossiste « de produits de quincaillerie, de matériaux de construction, d’accessoires de ferme, de produits horticoles et d’autres produits, biens et services », lesquels elle vend à ses sociétaires qui exploitent « des commerces au détail de quincaillerie et matériaux de construction, de centres de rénovation et de centres de jardin ». De surcroît, l’article 2 de la convention accorde expressément le droit au franchisé (i) d’intégrer ces derniers commerces avec une « station-service » et un « dépanneur »; (ii) de vendre les « produits utiles à l’agriculture et à l’exploitation d’érablières, tels que vendus dans les quincailleries et centres de rénovation CO-OP »; et (iii) d’utiliser certains « concepts de centre de décoration » dans leur exploitation de quincailleries, de centres de rénovation, ou des centres de jardin.
Pierre-Rémi Fourès
[29] M. Fourès, le Directeur du transport pour BMR, affirme qu’il fait ses déclarations solennelles dans le but de démontrer l’emploi des Marques par la Propriétaire dans le cours normal de ses affaires par l’entremise de ses licenciés. Il affirme que la Propriétaire a ainsi employé et montré les Marques pendant la période pertinente, dans l’exécution et l’annonce des services enregistrés, notamment par l’entremise de ses licenciées BMR et Transport Robert. Il ajoute qu’aux termes de licences conférées à celles-ci, la Propriétaire contrôlait, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des services enregistrés.
[30] Plus particulièrement, M. Fourès affirme que Transport Robert a utilisé des remorques arborant la Marque (qu’il qualifie aussi de version modernisée de la Marque carrée) pour la prestation de services de transport de marchandises rendus à BMR pendant la période pertinente, tel qu’il appert des pièces DL‑4 et DL‑5 jointes à la déclaration solennelle de M. Denis Laporte, précitée.
[31] Pour démontrer les droits de la licenciée Transport Robert à employer les Marques ainsi en liaison avec les services enregistrés, M. Fourès produit les pièces supplémentaires suivantes :
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Comme pièce PRF‑1 à sa déclaration, copie partiellement caviardée du contrat de transport conclu entre Transport Robert et BMR pour prendre effet le 1er novembre 2016, aux termes duquel Transport Robert (i) s’est portée acquéreuse de remorques arborant les Marques (Remorques Unimat); et (ii) s’est engagée à effectuer pendant la durée du contrat – c’est-à-dire jusqu’au 31 octobre 2019 – des livraisons de marchandises aux détaillants affiliés à la Propriétaire et à BMR au moyen de ces remorques.
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Comme pièce PRF‑2, copie partiellement caviardée de l’entente-cadre de services relative au transport conclue entre Transport Robert et BMR pour prendre effet le 1er novembre 2023, aux termes de laquelle Transport Robert (i) s’est encore engagée à effectuer des livraisons de marchandises aux détaillants affiliés à la Propriétaire et à BMR, et (ii) selon M. Fourès, a bien effectué de telles livraisons pendant la période pertinente, en utilisant notamment les Remorques Unimat.
[32] M. Fourès confirme que c’est aux termes des contrats de services aux pièces PRF-1 et PRF-2 que Transport Robert a utilisé les Remorques Unimat comme démontré aux pièces DL‑4 et DL‑5, encore que l’exécution du service de transport attesté par les documents à la pièce DL‑5 semble tomber entre les durées des deux contrats, soit en mi-juillet 2022.
[33] L’article 13 du contrat de transport à la pièce PRF‑1 précise que Transport Robert se conformera aux standards de soin, habilité et assiduité « normalement fournis dans l’exécution des services semblables à ceux considérés dans ce contrat ». Les standards à respecter sont développés davantage dans l’entente-cadre à la pièce PRF‑2. Celle-ci précise, entre autres, que Transport Robert rendra les services avec diligence, dans les temps requis, en employant les meilleures pratiques, et selon les règles de l’art de l’industrie, de santé et de sécurité au travail (l’article 1.2); prendra toutes mesures afin de protéger la santé, la sécurité, et l’environnement (l’article 2.4); ne portera pas atteinte au nom ou à la réputation de BMR (l’article 3.2); disposera un nombre suffisant de personnes aptes, qualifiées, et expérimentées pour effectuer les services (l’article 7.1); utilisera des équipements propres, salubres, et hygiéniques, afin d’éviter la dégradation de la marchandise (l’article 8.1); et se conformera aux politiques de BMR régissant les conditions de transport, telles qu’émises par BMR pendant la durée de l’entente (l’article 25.1). En vertu de l’article 15.2, BMR peut mettre fin à l’entente-cadre si elle est d’avis que Transport Robert a nuit, ou risquerait de nuire, à la bonne réputation de BMR ou à sa relation avec ses clients, ou d’autrement causer un risque sur l’intégrité, la salubrité, ou l’hygiène de la marchandise.
[34] Il convient de mentionner aussi que le préambule du contrat de transport à la pièce PRF‑1 précise qu’il s’agit d’un service de transport dédié pour les « centres de distribution de quincaillerie » de BMR (ainsi qu’un service de transbordement), et que l’article 8.2 du contrat proscrit l’usage des Remorques Unimat autre que pour le service de transport dédié.
Analyse
[35] Il est bien établi que la procédure prévue à l’article 45 de la Loi a une portée limitée. Elle a pour objet d’offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort » [Performance Apparel Corp c Uvex Toko Canada Ltd, 2004 CF 448]. Elle n’a pas pour objet l’instruction de questions de fait contestées ; celles-ci doivent plutôt être tranchées en s’adressant à la Cour fédérale sous le régime de l’article 57 de la Loi [Meredith & Finlayson c Canada (Registraire des marques de commerce) (1991), 40 CPR (3d) 409 (CAF)].
[36] Ainsi, dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45, il n’est pas nécessaire que la preuve soit parfaite; le propriétaire inscrit n’a qu’à présenter une preuve prima facie de l’emploi de la marque de commerce au sens des articles 4 et 45 de la Loi et le registraire peut tirer des inférences raisonnables des faits présentés [voir Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184; et Eclipse International Fashions Canada Inc c Shapiro Cohen, 2005 CAF 64]. Qui plus est, la preuve doit être considérée dans son ensemble et les pièces interprétées conjointement avec les déclarations factuelles spécifiques du déposant [voir Kvas Miller Everitt c Compute (Bridgend) Ltd (2005), 47 CPR (4th) 209 (COMC); et, par exemple, Fraser Milner Casgrain sencrl c Canadian Distribution Channel Inc (2009), 78 CPR (4th) 278 (COMC)]. Ces déclarations factuelles doivent généralement se voir accorder une crédibilité substantielle [Ogilvy Renault c Compania Roca-Radiadores SA, 2008 CarswellNat 776 (COMC); Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Atari Interactive, Inc, 2018 COMC 79].
Emploi des Marques sur les articles de papeterie
[37] Dans le cas présent, la carte d’affaires et les formulaires de bon de commande reproduits aux pièces DL‑1 et DL‑2 de la déclaration de M. Laporte font état de la Marque montrée dans l’annonce et l’exécution de services d’« exploitation de centres de ventes reliés aux services de ventes au détail » par Coop Squatec et Coop Gracefield au cours de la période pertinente. M. Laporte atteste que la carte d’affaires est identique à celles remises alors par Coop Squatec à ses clients et fournisseurs au Canada, et les bons de commande identiques à ceux utilisés alors par Coop Gracefield pour ses clients au Canada.
Variations mineures
[38] Bien que c’est la Variante CDR – comprenant la description « Centre de rénovation » en petites lettres – qui est montrée sur la carte d’affaires et les bons de commande, la Marque en ressort. Ainsi, lorsque j’applique les principes énoncés dans Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, SA (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC); et Loro Piana SPA c Le conseil canadien des ingénieurs, 2009 CF 1096, je trouve qu’une présentation de la Variante CDR constitue une présentation de la Marque.
[39] J’accepte aussi qu’une présentation de la Marque – soit telle qu’enregistrée, soit la Variante CDR – constitue une présentation de la Marque carrée. Lorsque j’applique les principes établis par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts CII Honeywell Bull, précité, et Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59, je suis convaincue que les caractéristiques dominantes de la Marque carrée telle qu’elle est enregistrée – à savoir le mot « UNIMAT » et les trois traits – ont été préservées. Je trouve sans conséquence l’enlèvement de la bordure et du fond et la modification de l’agencement de couleurs, puisque j’estime que ce sont des éléments mineurs en l’espèce. Je considère aussi l’épaississement et l’allongement vers le haut du soulignement pour former un toit comme une variation mineure. Même si cet ajout a pour effet que les traits gagnent l’apparence d’une toiture, la Marque conserve son identité et demeure reconnaissable malgré l’embellissement.
[40] Bien que la preuve pour chacune des Marques soit la même, rien n’empêche l’utilisation de la même preuve à l’appui de plus d’une marque de commerce. Si l’avis prévu à l’article 45 de la Loi n’avait été envoyé qu’à l’encontre de la Marque carrée, le résultat pour son enregistrement aurait été le même. Le fait que le propriétaire inscrit ait un autre enregistrement pour une marque de commerce similaire n’a aucune incidence sur la procédure de radiation et il n’y a pas de raison de tirer une conclusion différente simplement parce que les preuves dans les deux cas ont été examinées en même temps.
Licences
[41] De plus, j’estime qu’un emploi des Marques par Coop Squatec ou Coop Gracefield équivaut à un tel emploi par la Propriétaire.
[42] L’article 50(1) de la Loi exige que le propriétaire d’une marque de commerce contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des produits et services vendus en liaison avec cette marque par ses licenciés, afin de bénéficier de la présomption selon laquelle leur emploi de la marque sous licence est réputé être un emploi par le propriétaire. Comme l’a indiqué la Cour fédérale, le propriétaire dispose essentiellement de trois manières de démontrer qu’il exerce le contrôle prévu : premièrement, affirmer explicitement qu’il exerce effectivement ce contrôle; deuxièmement, produire des preuves démontrant qu’il exerce effectivement le contrôle nécessaire; ou troisièmement, produire une copie du contrat de licence qui prévoit expressément l’exercice d’un tel contrôle [Empresa Cubana Del Tobaco c Shapiro Cohen, 2011 CF 102, conf par 2011 CAF 340].
[43] En l’espèce, M. Houle affirme que BMR, Coop Squatec, et Coop Gracefield étaient toutes dûment autorisées à employer les Marques au Canada pendant la période pertinente en liaison avec les services enregistrés. Il allègue que BMR bénéficiait du droit d’employer les Marques aux termes de la convention d’approvisionnement produite comme pièce PH‑2 et que les détaillants Coop Squatec et Coop Gracefield en bénéficiaient aux termes des conventions d’approvisionnement produites comme pièces PH‑3 et PH‑4. Cependant, il n’affirme pas si la Propriétaire exerçait le contrôle prévu à l’article 50(1) de la Loi.
[44] Comme j’en ai discuté plus haut, selon une lecture objective des termes de la convention d’approvisionnement en preuve à la pièce PH‑2, je suis prête à accepter qu’il en est fait état d’une licence des Marques par la Propriétaire à BMR, ainsi que la désignation de BMR comme mandataire de la Propriétaire vis-à-vis les coopératives licenciées. Considérant la preuve fournie par M. Houle dans son ensemble, et les pièces conjointement avec les déclarations du déposant, je suis également prête à accepter que les conventions d’approvisionnement aux pièces PH‑3 et PH‑4 font état d’une convention de sous-licence relativement à l’utilisation des Marques par Coop Squatec et Coop Gracefield conclue entre BMR et chacune de celles-ci.
[45] De plus, au vu des extraits des conventions en preuve, je suis convaincue que celles aux pièces PH‑3 et PH‑4 démontrent l’exercice du contrôle prévu à l’article 50(1) de la Loi. J’arrive à cette conclusion étant donné que c’est la Propriétaire qui détermine quels produits et services les coopératives licenciées sont habilitées à vendre et/ou doivent offrir pour vente; vend elle-même ces produits et services en gros aux coopératives; prescrit les lieux où les coopératives peuvent faire des ventes, soit physiques ou en ligne; et stipule les termes selon lesquels les coopératives seraient permises d’exploiter d’autres commerces ou activités. Bien que ce soit BMR qui obtient et leur livre les marchandises, et qui fournit les consentements, autorisations, et approbations s’il y a lieu, BMR le fait à son titre de mandataire de la Propriétaire. Ainsi, la Propriétaire exerce un contrôle indirect sur les caractéristiques et la qualité des services de vente au détail de Coop Squatec et de Coop Gracefield, tel que le permet l’article 50(1).
Chacun des services enregistrés
[46] Il reste à déterminer lesquels des services enregistrés ont été exécutés ou annoncés en liaison avec les Marques présentées sur la carte d’affaires et les formulaires de bon de commande.
[47] À cet égard, la carte d’affaires de Coop Squatec annonce explicitement les produits et services « Marché d’alimentation », « Quincaillerie & Matériaux de construction », et « Centre de rénovation », en conjonction avec une adresse physique, mais sans adresse Web. Concernant « Marché d’alimentation », aucun des déposants n’explique la nature de ce service, mais je note que le préambule de la convention d’approvisionnement entre la Propriétaire et Coop Squatec signale que certaines coopératives sociétaires œuvrent dans le secteur de « l’agriculture » et prévoit leur achat pour revente « de produits agricoles ». Un tel commerce serait d’ailleurs en conformité avec le préambule de la convention de franchise entre la Propriétaire et Coop St-Victor, lequel qualifie la Propriétaire de « fédération de coopératives agricoles » et prévoit sa vente en gros de « produits horticoles » aux détaillants qui exploitent des commerces « de quincaillerie et matériaux de construction, de centres de rénovation et de centres de jardin » – ainsi que l’article 2 de l’entente avec Coop St‑Victor, lequel prévoit l’intégration de tels commerces avec un dépanneur.
[48] Les formulaires de bon de commande de Coop Gracefield annoncent le service « Centre de rénovation » et, dans le cas du premier formulaire, aussi les produits et services « Quincaillerie », « Matériaux », et « Centre de jardin ». Comme la carte d’affaires, le premier formulaire donne une adresse physique, mais ni l’un ni l’autre des formulaires ne donne une adresse Web. Par rapport au contexte des services annoncés, je note que le nom de l’utilisatrice des formulaires est « Société coopérative agricole de Gracefield » (mon emphase) et que le préambule de sa convention d’approvisionnement auprès de la Propriétaire prévoit que les coopératives sociétaires achèteront, pour revente, « des produits de quincaillerie et décoration, de matériaux de construction, de produits agricoles et de produits jardin/maison ». Il vaut également la peine de mentionner que le préambule de la convention de franchise entre la Propriétaire et Coop St‑Victor, qualifiant la Propriétaire de « fédération de coopératives agricoles », prévoit sa vente en gros d’« accessoires de ferme » aux détaillants qui exploitent des commerces « de quincaillerie et matériaux de construction, de centres de rénovation et de centres de jardin ». De plus, l’article 2 de cette entente prévoit la vente au détail de « produits utiles à l’agriculture et à l’exploitation d’érablières » dans les « quincailleries et centres de rénovation ».
[49] Dans les circonstances, j’accepte que les centres de ventes annoncés auraient été reliés à la vente au détail de « produits de quincaillerie », de « matériaux de construction », et de « produits de la ferme et de jardinage », et que ces produits et matériaux seraient reliés entre autres à « la rénovation et la construction ».
[50] Force est de constater que les articles de papeterie en preuve ne font aucune mention explicite de « décoration » ou d’« entretien ». Cela étant dit, le registraire a déjà conclu que, « dans certains cas, les états déclaratifs des services contiennent des termes redondants ou des mots qui se chevauchent en ce sens que l’exécution d’un service entraîne nécessairement l’exécution d’un autre » [Gowling Lafleur Henderson LLP c Key Publishers Co, 2010 COMC 7; voir aussi GMAX World Realty Inc c RE/MAX, LLC, 2015 COMC 148].
[51] En l’espèce, étant donné que les produits de quincaillerie et les matériaux de construction peuvent servir à la « décoration », j’accepte que les centres de ventes annoncés auraient aussi compris des produits « de décoration ». En effet, les descriptions de commerces dans les trois conventions d’approvisionnement en preuve semblent considérer « quincaillerie et décoration » comme une seule catégorie de produits. (Il y a même une mention dans les conventions aux pièces PH‑3 et PH‑4 qu’il s’agit de commerces en matériaux « de construction et de décoration ».) Une telle interprétation concorderait d’ailleurs avec l’article 2 de la convention de franchise entre la Propriétaire et Coop St‑Victor, qui prévoit l’utilisation de concepts de centre de décoration dans l’exploitation de quincailleries, de centres de rénovation, et de centres de jardin.
[52] De plus, étant donné que les produits de quincaillerie et les matériaux de construction peuvent servir à l’« entretien », j’accepte aussi que les produits et matériaux offerts en vente seraient reliés non seulement à la rénovation et à la construction mais aussi à l’entretien.
[53] Par contre, en l’absence de toute information qui pourrait indiquer la présence d’une boutique en ligne associée avec Coop Squatec ou Coop Gracefield, je ne suis pas prête à inférer que l’une ou l’autre exploitait un centre de ventes relié aux « services de ventes au détail en ligne ou par voie de l’Internet » pendant le période pertinente. La preuve indique plutôt que les centres de ventes de celles-ci étaient reliés aux établissements aux adresses spécifiées dans les conventions d’approvisionnement. Bien que ces conventions permettent des ventes en ligne sur le site Web mis sur pied et opéré par BMR, ou même un autre site avec autorisation préalable, rien n’indique que Coop Squatec ou Coop Gracefield en a pris avantage. Une conclusion selon laquelle elles l’avaient fait ne serait que spéculative.
[54] J’arrive à une conclusion semblable concernant l’exploitation de centres de ventes reliés à « l’installation de produits…, de matériaux… ». Rien dans la preuve n’indique que Coop Squatec ou Coop Gracefield offraient ou rendaient au public un service d’installation. Les documents en preuve font mention d’« équipements, meubles et autres installations » empruntés par les franchisés de la Propriétaire et de « terrains, bâtisses, installations et stationnements » situés aux adresses commerciales de ses sociétaires, mais les documents sont silencieux en ce qui concerne l’installation des produits ou matériaux vendus par les sociétaires à leur clientèle.
[55] Finalement, en ce qui concerne le lien à la construction « résidentielle, commerciale, agricole », j’estime raisonnable d’inférer que la construction visée par un commerce intégrant un « Centre de rénovation », une « Quincaillerie », et un « Centre de jardin » peut se qualifier de construction « résidentielle » et « agricole ». De plus, bien que rien dans la preuve ne parle de bâtiments commerciaux ou de construction par des entreprises, j’estime raisonnable d’accepter que des centres de ventes reliés à la construction résidentielle ou agricole seraient prêts à servir aussi, au moins dans une certaine mesure, à la construction commerciale.
[56] Tout bien considéré, je trouve que les services annoncés de manière explicite ou implicite sur la carte d’affaires et/ou les formulaires de bon de commande correspondent aux services enregistrés suivants :
Cl 35 (1) Exploitation de centres de ventes reliés aux services de ventes au détail, de produits de quincaillerie, de matériaux de construction, de produits de décoration, de produits de la ferme et de jardinage reliés à l’entretien, la rénovation et la construction résidentielle, commerciale, agricole.
[57] De plus, je ne vois aucune raison de douter que, pendant la période pertinente, Coop Squatec et Coop Gracefield ont exécuté, ou tout au moins étaient prêtes à exécuter, les services annoncés, comme prévu dans leurs conventions d’approvisionnement en vigueur à l’époque.
Emploi des Marques dans la publicité murale et mobile
[58] En ce qui concerne la Marque montrée sur l’horloge murale de l’établissement principal de Coop St-Victor, rien n’indique dans quel endroit précis cette horloge était installée, bien qu’il aurait été facile de le mentionner. Dans les circonstances, je ne suis pas prête à inférer que l’horloge aurait nécessairement été installée à portée de vue de la clientèle, par opposition à un endroit réservé aux employés, tel qu’une arrière-boutique ou un bureau administratif, par exemple. Mais quoi qu’il en soit, il n’est pas démontré que Coop St-Victor offrait davantage de services enregistrés que Coop Squatec ou Coop Gracefield.
[59] Quant aux remorques arborant la Variante CDR sur les routes canadiennes lors du transport de marchandises pour BMR, j’accepte que ces véhicules ont, au minimum, montré les Marques dans l’annonce de services d’exploitation de centres de ventes reliés à la rénovation pendant la période pertinente. De plus, la preuve à l’égard de leur utilisation pour approvisionner les sociétaires de la Propriétaire étaye la conclusion que celle-ci était prête à exécuter, par l’intermédiaire de ses licenciées, les services d’exploitation de centres de ventes de produits de quincaillerie pendant la période pertinente.
[60] Je ne juge pas nécessaire d’analyser plus profondément la suffisance de la preuve concernant l’utilisation des remorques au compte de la Propriétaire en l’espèce. En effet, l’emploi des remorques allégué ne démontrerait pas davantage l’annonce ou l’exécution de services enregistrés – notamment l’annonce ou l’exécution de services portant sur la vente en ligne ou par voie de l’Internet ou portant sur l’installation des produits et matériaux vendus.
[61] À c’est égard, quoiqu’au moins une des Remorques Unimat annonce une adresse Internet, rien n’indique si le site Web auquel cette adresse renvoie comprend une boutique en ligne, ou, par contre, sert uniquement à titre d’information concernant l’entreprise de la Propriétaire. Il est vrai qu’on trouve en proximité un logotype « ipoints » qui, à première vue, pourrait potentiellement suggérer la présence d’un commerce en ligne. (Un tel commerce pourrait bien, à son tour, offrir des services d’installation en plus de la livraison.) Cependant, le reste du texte du logotype est illisible dans l’image en preuve, et l’ajout du mot « ipoints » ne saurait en soi démontrer l’existence d’un commerce en ligne pendant la période pertinente pour quelconque aspect des services enregistrés.
Conclusion
[62] À la lumière de tout ce qui précède, objectivement interprétée et considérée dans son ensemble, j’estime la preuve en l’espèce suffisante pour me permettre d’inférer que la Propriétaire a employé les Marques au Canada pendant la période pertinente au sens des articles 4 et 45 de la Loi en liaison avec les services suivants, qui correspondent à l’état déclaratif des services dans l’enregistrement LMC697132 pour la Marque Carrée :
Cl 35 (1) Exploitation de centres de ventes reliés aux services de ventes au détail, de produits de quincaillerie, de matériaux de construction, de produits de décoration, de produits de la ferme et de jardinage reliés à l’entretien, la rénovation et la construction résidentielle, commerciale, agricole.
[63] Par contre, en l’absence de détails supplémentaires ou même d’observations de la Propriétaire, je ne peux pas conclure que celle-ci a démontré l’emploi de la Marque au sens des articles 4 et 45 en liaison avec les services décrits dans l’enregistrement LMC699086 pour la Marque, c’est-à-dire « Exploitation de centres de ventes reliés aux services de ventes au détail en ligne et par voie de l’Internet » et/ou « Exploitation de centres de ventes reliés … à l’installation de [produits et matériaux énumérés] ». Dans les circonstances de l’espèce, les déclarations de M. Laporte et de M. Fourès alléguant l’emploi de la Marque au Canada pendent la période pertinente en association avec les services enregistrés reviennent à de simples allégations d’emploi, plutôt qu’à des déclarations de fait établissant l’emploi de la Marque en liaison avec chacun des services enregistrés.
[64] Qui plus est, je ne dispose d’aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi.
Décision sur l’enregistrement LMC699086 (pour la Marque)
[65] Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement LMC699086 pour la Marque sera radié.
Décision sur l’enregistrement LMC697132 (pour la Marque Carrée)
[66] Compte tenu de tout ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement LMC697132 pour la Marque Carrée sera maintenu au registre.
Oksana Osadchuk
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Comparutions et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue
AGENTS AU DOSSIER
Pour la Partie requérante : Borden Ladner Gervais LLP