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Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2025 COMC 176
Date de la décision : 2025-09-03
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Requérante : BlendJet Inc.
Introduction
[1] BlendJet Inc. (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement pour la marque de commerce SPIRAL Dessin reproduite ci-dessous (la Marque) :
[2] La Marque est visée par la demande en liaison avec les produits suivants :
[traduction]
(1) Robots culinaires électriques; batteurs d’aliments électriques; batteurs électriques à usage domestique; batteurs électriques à main à usage domestique; robots culinaires électriques; robots culinaires électriques à main.
[3] BlendTec Inc. (l’Opposante) œuvre dans le domaine de la conception et de la fabrication de robots culinaires électriques pour aliments et breuvages pour la vente à l’international, y compris au Canada. Elle s’oppose à la demande principalement selon le fondement que la Marque crée de la confusion avec l’emploi et l’enregistrement de sa marque de commerce SWIRL Dessin, enregistrement no LMC981,053, reproduite ci-dessous, produit en liaison avec les robots culinaires électriques pour la préparation de desserts glacés.
[4] Pour les raisons qui suivent, je rejette la demande.
Contexte
[5] La demande a été produite le 18 octobre 2019 et a une date de priorité du 19 juin 2019 fondée sur la demande de la Requérante pour la Marque produite aux États-Unis. Elle a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 28 juillet 2021. L’Opposante s’est opposée à la demande en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) le 21 septembre 2021. Les motifs d’opposition sont fondés sur les articles 38(2)a.1), 12(1)d), 16(1)a), 38(2)d) et 2, ainsi que l’article 38(2)f) de la Loi.
[6] La Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration le 17 novembre 2021, composée d’une déclaration indiquant son intention de répondre à l’opposition.
[7] L’Opposante a produit comme preuve l’affidavit de Chris Georgeson, vice-président principal de l’Opposante. M. Georgeson a été contre-interrogé et la transcription et les réponses aux engagements ont été versées au dossier. La Requérante a produit comme preuve des copies certifiées des certificats d’enregistrement pour neuf marques de commerce déposées et des copies certifiées d’historiques de dossier pour deux demandes de marque de commerce en instance. Les deux parties ont produit des observations écrites et ont participé à une audience.
Fardeau de preuve et fardeau ultime
[8] Avant d’examiner les motifs d’opposition, j’estime nécessaire de rappeler certaines exigences techniques en ce qui a trait i) au fardeau de preuve dont doit s’acquitter un opposant, soit celui d’étayer les allégations dans la déclaration d’opposition, et ii) au fardeau ultime qui incombe à un requérant de prouver sa cause.
[9] En ce qui a trait au point (i) ci-dessus, l’opposant a le fardeau de preuve d’étayer les faits sur lesquels il appuie ses allégations formulées dans la déclaration d’opposition : John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p. 298. Le fait qu’un fardeau de preuve soit imposé à l’opposant signifie que, pour qu’il soit tenu compte d’une question précise, il doit y avoir une preuve suffisante qui permette de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question. Quant au point ii) mentionné ci-dessus, c’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées par un opposant (en ce qui a trait aux allégations pour lesquelles l’opposant s’est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait que le fardeau ultime incombe au requérant signifie que, s’il est impossible de parvenir à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a fait l’objet de considérations, la question doit être tranchée à l’encontre du requérant.
Affidavit de M. Georgeson
[10] Chris Georgeson est le vice-président principal des ventes de l’Opposante, BlendTec, Inc., une entreprise œuvrant dans le domaine de la conception et de la fabrication de robots culinaires électriques pour aliments et breuvages pour la vente à l’international, y compris au Canada. L’Opposante a changé son nom de K-Tec, Inc. à BlendTec, Inc. le 30 décembre 2014. Avant ce changement de nom, l’Opposante exploitait son entreprise sous son nom d’entreprise, K-Tec, Inc., et les nom commercial et marque de commerce BlendTec.
[11] L’Opposante emploie une marque de commerce de dessin de spirale en liaison avec la vente et la promotion de ses robots culinaires au Canada, aux États-Unis et à l’international depuis de nombreuses années, à compter d’environ l’année 2000. Voici des variantes de la marque de commerce de dessin de spirale de l’Opposante.
[12] Une première version de la marque de commerce de dessin de spirale de l’Opposante avait deux couleurs dans un [traduction] « motif de spirales qui se chevauchent », selon sa description. Les variantes de cette première version, lorsqu’elles étaient imprimées, comprenaient celles à la gauche reproduite ci-dessus, dans un ton de gris, et celle du milieu, reproduite ci-dessus, en noir et blanc monochromes, avec une bordure ou une boîte soulignant la couleur manquante. Une autre variante comportait une telle version avec une partie supérieure en forme de toit. Une deuxième version de la marque de commerce de dessin de spirale de cette entreprise, c.-à-d., celle reproduite à droite ci-dessus, qui a remplacé la première version, a été élaborée en 2010 et a été l’objet d’une demande d’enregistrement de marque de commerce aux États-Unis (maintenant l’enregistrement des États-Unis no 4,0505,765), au Canada (maintenant l’enregistrement numéro LMC981,053) et dans de nombreux autres pays. Il note que la référence au dessin de spirale de l’Opposante signifie l’une ou l’autre, ou les deux, des première et deuxième versions de la marque de commerce de dessin de spirale de l’Opposante et toute variante de celles-ci (la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante).
[13] D’autres éléments pertinents de la preuve de M. Georgeson comprennent les suivants :
· la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante figure sur le produit de robot culinaire, y compris la base alimentée de robot culinaire électrique, sur le côté et sur le couvercle du contenant du robot culinaire et sur les manuels d’utilisateur, les manuels d’instruction, les livres de recettes et certaines factures (après 2010);
· les ventes totales de l’Opposante (en dollars américains) des produits de robot culinaire en liaison avec la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante au Canada depuis 2009 dépassent 58 000 000 $ et n’ont jamais été inférieures à 1,1 million de dollars par année;
· les produits de robot culinaire de l’Opposante et les produits de la Requérante font concurrence dans le même marché et il y a des preuves que le robot culinaire de la Requérante a été identifié par erreur sur des sites Web de tiers comme étant des robots culinaires « BlendTec ».
Contre-interrogatoire de M. Georgeson
[14] La Requérante fait valoir que, lors du contre-interrogatoire, un certain nombre de pièces jointes à l’affidavit de M. Georgeson ont été jugées non pertinentes ou non fiables pour les raisons suivantes :
· M. Georgeson n’a pas été en mesure d’authentifier les photos de l’emballage allégué sur lequel la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante est arborée ou de fournir des dates pour les photos [contre-interrogatoire Georgeson, Q 128 à 130, 160 à 162 et 176 à 178].
· M. Georgeson n’a pas été en mesure d’expliquer les écarts entre les photos alléguées des produits de l’Opposante sur lesquelles la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante figure et les dessins internes des mêmes produits sur lesquelles la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante ne figure pas, les deux ayant été identifiées dans son affidavit comme concernant la même vente alléguée en 2013 [contre-interrogatoire Georgeson, Q 132 à 157 et Pièce I].
· M. Georgeson a admis que les manuels et les livres de recettes sur lesquels la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante était arborée étaient [traduction] « habituellement [...] fournis à l’intérieur de l’emballage » et, par conséquent, n’étaient pas visibles aux consommateurs au point de vente [Affidavit Georgeson, aux para 4 et 6 et Pièces C, D, F et G; contre-interrogatoire Georgeson, Q 97 à 103, 113 à 115, 179].
· M. Georgeson a admis que la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante ne figure pas sur les factures de l’Opposante avant 2012 [Affidavit Georgeson, au para 5 et Pièce E; contre-interrogatoire Georgeson, Q 107 à 112].
· M. Georgeson n’a pas été en mesure de démontrer que l’un des cas allégués de confusion soulevés dans son affidavit est survenu en raison de l’emploi de la Marque plutôt que de la vente de produits contrefaits ou d’erreurs administratives découlant des noms semblables de la Requérante et de l’Opposante, nommément BLENDJET et BLENDTEC [contre-interrogatoire Georgeson, Q 189 à 219].
[15] J’aborderai les lacunes que je considère comme les plus pertinentes dans la partie principale de ma décision.
Question préliminaire – Date de premier emploi de la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante
[16] Lors du contre-interrogatoire de M. Georgeson, la Requérante a introduit (à titre de pièce à son contre-interrogatoire à des fins d’identification) une demande et un affidavit à l’appui produits par l’Opposante auprès de l’USPTO en 2014 concernant une marque de commerce de l’Opposante (qui, fait valoir la Requérante, correspond à la marque déposée canadienne). Les documents indiquaient que, aux États-Unis, la date de premier emploi de la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante avait été modifiée de 2010 à 2000.
[17] La Requérante fait valoir que ces documents contredisent la déclaration suivante faite par M. Georgeson au para 3 de son affidavit :
[traduction]
[...] Une deuxième version de la marque de commerce de dessin de spirale de mon entreprise, c.-à-d., celle reproduite à droite ci-dessus, qui a remplacé la première version, a été élaborée en 2010 et a été l’objet de demandes d’enregistrement de marque de commerce aux États-Unis (maintenant l’enregistrement des États-Unis no 4,0505,765), au Canada (maintenant l’enregistrement numéro LMC981,053) et dans de nombreux autres pays [...]
[18] Même si ces documents avaient été introduits de façon appropriée dans le cadre de la preuve de la Requérante, et même si je devais conclure que ces documents sont fiables, je suis d’accord avec l’Opposante que les questions concernant ces documents étaient inappropriées. D’une part, M. Georgeson affirme lors de son contre-interrogatoire qu’il ne se souvient pas d’avoir été à un quelconque moment conscient de ces documents. D’autre part, bien qu’il ait noté que l’Opposante avait des enregistrements au Canada et aux États-Unis pour la même marque de commerce, il existe des différences clés entre les deux pays dans le processus, les exigences et les implications juridiques lors de la production d’une demande d’enregistrement de marque de commerce. Enfin, la demande produite aux États-Unis ne revendiquait pas une couleur dans le cadre de l’enregistrement et M. Georgeson a admis qu’il existait des variations différentes de sa marque de commerce au fil des ans. Par conséquent, je n’estime pas que ces documents à eux seuls établissent une quelconque incongruité avec la preuve de M. Georgeson ou la validité de l’enregistrement canadien de l’Opposante, laquelle n’est pas en question dans cette procédure d’opposition [voir Molson Canada 2005 c Anheuser-Busch, Incorporated, 2010 CF 283 et Sunshine Biscuits, Inc. c Corporate Foods Ltd. (1982), 1982 CanLII 5596 (CF), 61 CPR (2d) 53, à la p. 62 (CF 1re inst)].
Question préliminaire – Date pertinente du motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)d)
[19] Dans ses observations écrites et orales, la Requérante a fait valoir que la date pertinente pour évaluer la question du caractère distinctif doit maintenant être la date de production de la demande ou la date de priorité. Ses observations écrites à l’égard de cette question sont les suivantes :
[traduction]
En ce qui a trait à l’article 38(2)f) et à l’article 2, nous reconnaissons que la date pertinente pour déterminer si une marque visée par une demande est distinctive était en général considérée comme la date de production de l’opposition avant les modifications apportées à la Loi qui sont entrées en vigueur le 17 juin 2019. Cependant, la sélection de cette date dépendait du fait que, avant les modifications de 2019, les demandes d’enregistrement de marques de commerce pouvaient seulement être rejetées pour un motif d’absence de caractère distinctif si elles faisaient l’objet d’une opposition. Par conséquent, la date pertinente pour déterminer si une marque visée par une demande possède un caractère distinctif était la date de production de l’opposition. En vertu de la Loi actuelle, ce n’est plus le cas. Les demandes d’enregistrement de marques de commerce peuvent maintenant être rejetées pour un motif d’absence de caractère distinctif à l’examen. Par conséquent, nous faisons valoir que la date pertinente pour déterminer si une marque visée par une demande est distinctive en vertu de l’article 2 est maintenant la date de production de la demande ou la date de priorité, le cas échéant [voir la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 dans sa version modifiée, article 37(1)d) et George Weston Ltd. c Humpty Dumpty Foods Ltd./Aliments Humpty Dumpty Ltée, 1989 24 CPR (3d) 454, au para 13].
[20] Le libellé de l’article 37(1)d) et le suivant :
37(1) Le registraire rejette une demande d’enregistrement d’une marque de commerce s’il est convaincu que, selon le cas :
d) la marque de commerce n’est pas distinctive.
Lorsque le registraire n’est pas ainsi convaincu, il fait annoncer la demande de la manière prescrite.
[21] La disposition ci-dessus concerne la situation où une demande peut être refusée à l’examen.
[22] L’article 38(2)d), lequel fait référence aux motifs d’opposition, indique ce qui suit :
Motifs
Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :
d) la marque de commerce n’est pas distinctive;
[23] Je commencerai en notant que la preuve et le fardeau soumis à un examinateur diffèrent de ceux d’une procédure d’opposition [Cortefiel, SA c Doris Inc, 2013 CF 1107, aux para 37 et 38]. De plus, j’estime qu’il n’y a rien concernant l’article 37(1)d) qui change la jurisprudence antérieure sur ce point.
[24] Dans Molson Breweries, a Partnership c John Labatt Ltd, 1998 CanLII 31504, un motif d’opposition fondé sur les articles 12(1)b) et 12(2) était en litige, ainsi qu’un motif fondé sur le caractère distinctif. Nonobstant le fait que l’article 12(2) est analysé la date de production, comme il est indiqué dans la Loi (à l’époque et toujours aujourd’hui), le Tribunal a malgré tout conclu que la date pertinente pour l’article 38(2)d) était la date de production de l’opposition. Cette affaire a ensuite été citée par la CF dans American Assn. of Retired Persons c Canadian Assn. of Retired Persons, 1998 CanLII 8908 (CF) et Metro Goldwyn Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185. Depuis 2004, la date pertinente à laquelle le motif fondé sur le caractère distinctif est tranché a constamment été la date de production de la déclaration d’opposition.
[25] Compte tenu de ce qui précède, je ne dispose d’aucune raison en l’espèce pour appliquer une date différente au motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)d). Je note également que même si j’avais une raison, cela n’aurait pas entraîné un résultat différent en l’espèce.
Analyse des motifs d’opposition
Motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité – Article 12(1)d)
[26] L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable puisque, en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi, elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée SWIRL Dessin de l’Opposante. La date pertinente pour examiner ce motif d’opposition est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd, 1991 CanLII 11769 (CAF), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].
[27] J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour consulter le registre et confirmer que cet enregistrement existe toujours [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 1986 CanLII 7700 (CA COMC) CPR (3d) 410 (COMC)]. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial. La Requérante doit donc démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce de l’Opposant.
Test en matière de confusion
[28] Le test à appliquer pour trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.
[29] Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais celle entre des produits ou services d’une source qui sont considérés comme provenant d’une autre source. Essentiellement, la question ici est de savoir si un consommateur, qui a un souvenir imparfait de la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante, croirait que les produits de la Requérante proviennent de l’Opposante ou sont parrainés ou approuvés par celle-ci.
[30] Dans l’application du test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, y compris dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à chacun dans le cadre d’une évaluation contextuelle [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, précitée]. Je cite également Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 où la Cour suprême du Canada déclare, au para 49, que l’article 6(5)e), la ressemblance entre les marques de commerce, est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion.
Caractère distinctif inhérent
[31] L’examen global du facteur prévu à l’article 6(5)a) comporte une combinaison du caractère distinctif inhérent et acquis des marques de commerce. Une marque de commerce possède un caractère distinctif inhérent si elle ne suggère aucune caractéristique des produits et services connexes. La Requérante fait valoir que la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante peut suggérer l’action de mélange des produits connexes. J’estime qu’on pourrait dire la même chose de la Marque. J’estime donc que, puisqu’elles sont des dessins relativement simples, aucune n’est une marque intrinsèquement forte [voir Levi Strauss & Co c Vivant Holdings Ltd (2003), 2003 CanLII 71216 (CA COMC), 34 CPR (4th) 53 (COMC)].
[32] Le caractère distinctif acquis d’une marque correspond à la mesure dans laquelle une marque est devenue connue. M. Georgeson souligne des ventes au Canada de plus de 58 millions de dollars pour les produits de robots culinaires vendus en liaison avec la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante depuis 2009. Cependant, lors de son contre-interrogatoire, M. Georgeson a admis que les manuels et les livres de recettes sur lesquels la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante était arborée étaient [traduction] « habituellement [...] fournis à l’intérieur de l’emballage » et, par conséquent, n’était pas visible aux consommateurs au point de vente. M. Georgeson a également admis que la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante ne figure pas sur les factures de l’Opposante avant 2012.
[33] Si je suis d’accord que ces lacunes peuvent avoir une incidence sur la mesure dans laquelle la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante est devenue connue, je suis convaincue par la preuve de M. Georgeson dans son ensemble que la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante est tout de même devenue connue à tout le moins dans une certaine mesure au Canada.
[34] Puisque la Requérante n’a fourni aucune preuve d’emploi ou de révélation de sa Marque, ce facteur favorise l’Opposante.
Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage
[35] Même si l’Opposante a revendiqué l’emploi de variantes de sa marque remontant à au moins 2000, je suis d’accord avec la Requérante que, dans le meilleur des cas, la preuve de l’Opposante démontre l’emploi de sa marque en date de 2012. Puisque la Requérante n’a fourni aucune preuve d’emploi de sa Marque, ce facteur favorise également l’Opposante.
Genre de produits ou services et nature du commerce
[36] La Requérante fait valoir que, même s’il y a certaines différences pratiques dans le genre des produits des parties, elle concède que les produits des deux parties seraient vendus dans les mêmes voies de commercialisation. Ce facteur favorise donc également l’Opposante.
Degré de ressemblance
[37] Le degré de ressemblance entre les marques de commerce aura souvent le plus grand effet sur l’analyse de la confusion. Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, il faut examiner les marques de commerce dans leur ensemble. Le test approprié n’est pas une comparaison côte à côte, mais un souvenir imparfait dans l’esprit d’un consommateur de la marque de commerce d’un opposant [Veuve Clicquot, précitée, au para 20]. La meilleure façon de comparer les marques de commerce consiste à déterminer d’abord si un aspect d’une marque de commerce est particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, au para 64].
[38] En l’espèce, les marques des deux parties comportent un motif de spirale ou de tourbillon. Il existe un degré élevé de ressemblance visuelle entre les marques, puisque les deux comprennent la combinaison de lignes blanches et noires de largeur égale disposées dans un motif de spirale, avec la ligne blanche formant l’intérieur du dessin et la ligne noire formant l’extérieur du dessin et se concluant par un point bien défini. Les idées suggérées par les marques sont également semblables; c.-à-d. l’action de mélange d’un mélangeur ou d’un robot culinaire. J’estime donc que, dans l’ensemble, ce facteur milite en faveur de l’Opposante.
Circonstance de l’espèce – Preuve de l’état du registre et de l’état du marché
[39] La preuve de l’état du registre et du marché ne favorise pas la Requérante dans une mesure significative.
[40] La preuve concernant l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions valables concernant l’état du marché [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Del Monte Corporation c Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF)]. De plus, les inférences concernant l’état du marché ne peuvent être tirées de cette preuve que si un grand nombre d’enregistrements pertinents sont trouvés [Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd, 1992 CanLII 14792 (CAF)]. Les marques de commerce pertinentes comptent celles qui : sont déposées ou autorisées et fondées sur l’emploi; ii) concernent des produits et services semblables à ceux des marques en cause; et iii) comprennent l’élément en tant qu’élément important [Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197].
[41] La preuve de la Requérante en l’espèce comprend les motifs de spirale ou de tourbillon comme étant un élément commun d’au moins neuf autres marques de commerce déposées et deux demandes d’enregistrement de marque de commerce en instance au Canada pour des produits et des services semblables. En l’absence d’une preuve d’emploi de l’une de ces marques de commerce dans le marché, je ne suis pas en mesure de conclure qu’il existe un emploi commun de l’élément de dessin de spirale ou de tourbillon de sorte que je puisse inférer que les consommateurs ont l’habitude de distinguer les marques de commerce comprenant cet élément en portant une plus grande attention aux différences entre celles-ci [Advance Magazine Publishers Inc. c Farleyco Marketing Inc. Eyeglasses 2009 CF 153, au para 78].
Circonstance de l’espèce – Preuve de confusion réelle
[42] Au paragraphe 12 de son affidavit, M. Georgeson joint des imprimés de divers sites Web et de diverses publicités démontrant que l’Opposante, BlendTec, et l’entreprise de la Requérante font concurrence dans le même marché et que les consommateurs mélangent les deux entreprises. Cependant, lors de son contre-interrogatoire, M. Georgeson n’a pas été en mesure de démontrer que l’un des cas allégués de confusion soulevés dans son affidavit est survenu en raison de l’emploi de la Marque plutôt que de la vente de produits contrefaits ou d’erreurs administratives découlant des noms semblables de la Requérante et de l’Opposante à la date de son affidavit, nommément BLENDJET et BLENDTEC. Je n’estime donc pas que cela soit une circonstance de l’espèce pertinente.
Conclusion
[43] La question posée par l’article 6(2) de la Loi est de savoir si les consommateurs qui achètent des robots culinaires électriques et des produits connexes en liaison avec la Marque peuvent croire que ces produits sont offerts, autorisés ou concédés sous licence par l’Opposante en raison de sa marque de commerce SWIRL Dessin. Je l’ai évaluée comme une question de première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante, et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques de commerce.
[44] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’enregistrement de la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante couvrant les robots culinaires électriques employés pour la préparation de desserts glacés. Je parviens à cette conclusion en me fondant sur le degré de ressemblance entre ces marques de commerce pour des produits semblables et sur le fait que seule la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante est devenue connue dans une certaine mesure au Canada.
[45] Je reconnais que les marques de commerce suggestives sont plus susceptibles de coexister; une partie adoptant une marque de commerce faible est tenue d’accepter un certain risque de confusion [General Motors Corp v Bellows (1949), 10 CPR 101 (CSC), aux p. 115 et 116; Mövenpick Holding AG c Exxon Mobil Corp, 2010 COMC 126, 2011 CF 1397, conf par 2013 CAF 6; Culinar Inc c National Importers (2004), 2004 CanLII 71834 (COMC)]. Même si la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante n’est pas le genre de marque qui bénéficie généralement d’une protection étendue, une protection étroite n’équivaut pas à une absence de protection. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli.
Motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement – Article 16(1)a)
[46] La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) est la date de production de la demande. La preuve de l’Opposante décrite aux paragraphes 11 à 13 de la présente décision est suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve dans le cadre de ce motif.
[47] Même si je reconnais que le caractère distinctif acquis et la durée d’emploi de la marque de commerce SWIRL Dessin de l’Opposante sont légèrement inférieurs à date pertinente pour le motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement, j’estime néanmoins, pour les raisons établies au motif fondé sur l’article 12(1)d) ci-dessus, qu’il existe une probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties. Le motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement est donc également accueilli.
Autres motifs d’opposition
[48] Comme j’ai rejeté la demande selon les motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)d) et 16(1)a), il m’est inutile d’évaluer les autres motifs d’opposition.
Décision
[49] Compte tenu de ce qui précède, et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.
Cindy R. Folz
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
William Desroches
Hamza Essamir
Comparutions et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : 2025-07-17
COMPARUTIONS
Pour la Requérante : Michele Balagh
AGENTS INSCRITS AU DOSSIER
Pour la Requérante : Brunet & Co.