Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2025 COMC 180

Date de la décision : 2025-09-08

DÉCISION INTERLOCUTOIRE

Opposant : Nathan Harewood

Requérante : Fit Foods Ltd.

Demande : 2,061,672 pour DOMIN8

Introduction

[1] Nathan Harewood (l’Opposant) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce DOMIN8 (la Marque), faisant l’objet de la demande n° 2,061,672 au nom de Fit Foods Ltd. (la Requérante).

[2] Le 19 juin 2025, la Requérante a demandé une décision interlocutoire visant à radier le motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). La Requérante a également sollicité une prorogation de délai pour déposer et signifier sa contre-déclaration.

[3] Par lettre du registraire en date du 23 juin 2025, le registraire a invité l’Opposant à présenter ses observations sur la demande de la Requérante. En réponse, le 24 juin 2025, l’Opposant a demandé l’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée et a présenté des observations concernant la demande de la Requérante.

[4] Par lettre du registraire en date du 26 juin 2025, le registraire a invité la Requérante à faire savoir si elle s’opposait à ce que la déclaration d’opposition soit modifiée tel que proposé par l’Opposant. Le 8 juillet 2025, afin de pouvoir [traduction] « répondre de façon significative », la Requérante a demandé des précisions sur le nouveau motif d’opposition invoqué dans la déclaration d’opposition modifiée. Le 9 juillet 2025, l’Opposant a demandé l’autorisation de produire une autre déclaration d’opposition modifiée pour répondre à la demande de la Requérante.

[5] Par lettre du registraire en date du 11 juillet 2025, le registraire a invité la Requérante à faire savoir si elle s’opposait à ce que la déclaration d’opposition soit de nouveau modifiée tel que proposé par l’Opposant. Aucune réponse à la lettre du registraire n’a été reçue de la part de la Requérante.

Permission de modifier la déclaration d’opposition

[6] Je suis convaincue qu’il est dans l’intérêt supérieur de la justice d’accorder à l’Opposant la permission de modifier la déclaration d’opposition, ainsi qu’il l’a demandée le 9 juillet 2025. Il suffit de dire que les modifications sollicitées répondent directement aux questions soulevées par la Requérante et qu’il n’en résulte aucun préjudice appréciable pour la Requérante en les autorisant.

[7] Par conséquent et conformément à l’article 48 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/2018-227, la demande de permission de l’Opposant est accueillie, et la déclaration d’opposition modifiée datée du 9 juillet 2025 est versée au dossier. La demande de la Requérante sera donc examinée au regard de cette déclaration d’opposition modifiée.

La portée des décisions interlocutoires

[8] La suffisance d’une déclaration d’opposition est régie par l’article 38 de la Loi. L’article 38(2) de la Loi donne une liste exhaustive des motifs sur lesquels une opposition peut être fondée. L’article 38(3)a) de la Loi exige que les motifs d’opposition soient rédigés avec des détails suffisants pour permettre au requérant d’y répondre. Un motif d’opposition insuffisant correspondrait donc soit à un motif d’opposition inapproprié, soit ne contiendrait pas suffisamment de faits essentiels pour permettre au requérant d’y répondre.

[9] Un motif correctement plaidé invoque les faits essentiels, mais non les éléments de preuve qu’une partie entend présenter pour les établir [voir Pepsico Inc and Pepsi-Cola Canada Ltd c Registraire des marques de commerce (1975), 22 CPR (2d) 62 (CF 1re inst)]. En outre, l’objet d’une décision interlocutoire n’est pas de déterminer si un motif d’opposition valable est susceptible d’être accueilli, mais plutôt d’établir s’il contient suffisamment de faits essentiels.

[10] L’article 38(6) confère au registraire la capacité de faire radier tout ou partie de la déclaration d’opposition.

DÉCISION

[11] En résumé, la Requérante sollicite la radiation intégrale du motif d’opposition invoqué au titre de l’article 38(2)f) de la Loi pour les raisons suivantes : (1) il n’est pas dûment plaidé et constitue une répétition du motif d’opposition prévu à l’article 38(2)c); et (2) dans la mesure où il ne serait pas jugé répétitif ou mal formulé, les arguments présupposent des conclusions de droit et ne présentent pas suffisamment de faits essentiels permettant à la Requérante d’y répondre. La Requérante soutient également que [traduction] « la référence aux “marques de commerce déposées” qui auraient été contrefaites, usurpées ou dépréciées est vague et manque de détails ».

[12] Le motif d’opposition tel que modifié, identifiant les marques de commerce déposées invoquées par l’Opposant, répond aux observations de la Requérante concernant la référence vague et ambiguë aux [traduction] « marques de commerce déposées » contenue dans le motif d’opposition initial.

[13] L’article 38(2)f) de la Loi porte sur le droit légitime d’un requérant d’employer la marque de commerce faisant l’objet de la demande. La disposition correspondante de la Loi dans sa version antérieure au 17 juin 2019 (l’Ancienne Loi) est l’article 30i). Comme c’est souvent le cas, la jurisprudence relative à l’article 30i) de l’Ancienne Loi est instructive pour évaluer les arguments de l’Opposant en l’espèce.

[14] Pour les motifs énoncés ci-dessous, la demande de radiation du motif d’opposition est rejetée en partie. Plus précisément, la demande de radiation de la partie du motif se rapportant aux articles 7 et 22 de la Loi est rejetée, tandis que la demande de radiation de la partie du motif se rapportant aux articles 19 et 20 de la Loi est accueillie.

Emploi contraire aux articles 19 et 20 de la Loi

[15] En vertu de l’article 30i) de l’Ancienne de la Loi, les motifs d’opposition alléguant un emploi contraire aux articles 19 et/ou 20 étaient considérés comme répétitifs et inappropriés [voir Standard Products Inc c TRUMPF GmbH + Co KG, 2015 COMC 199, aux para 10 et 11] et étaient régulièrement radiés à l’étape des arguments. Le même raisonnement s’applique au droit légal prévu à l’article 38(2)f) de la Loi [Industria de Diseño Textil, S.A. c Sara Ghassai, 2024 COMC 150, au para 38].

[16] En l’espèce, je conclus que le motif d’opposition alléguant un emploi contraire aux articles 19 et 20 fait double emploi dans la mesure où le succès de ce motif repose sur la conclusion qu’il y a confusion requise en ce qui concerne les motifs fondés sur l’enregistrabilité et le droit à l’enregistrement. La déclaration d’opposition ne contient pas de faits qui pourraient expliquer pourquoi l’Opposant doit invoquer les articles 19 et 20 de la Loi en sus des motifs d’opposition prévus aux articles 12(1)d) et 16(1)a) [10859036 Canada Inc. c Defiant Supply Inc., 2025 COMC 24, au para 16].

[17] En conséquence, le terme [traduction] « violation » et la référence aux articles 19 et 20 contenus dans le motif d’opposition, tel que modifié, sont radiés.

Emploi contraire à l’article 7 de la Loi

[18] Les arguments recevables fondés sur ce motif devraient comprendre des faits essentiels qui, s’ils sont démontrés, établiraient les trois éléments décrits par la Cour fédérale dans Diageo Canada Inc c Heaven Hill Distilleries Inc, 2017 CF 571, nommément, l’achalandage, la tromperie du public due à une fausse déclaration, et des dommages réels ou possibles.

[19] Je conclus que le motif fondé sur les articles 38(2)f) et 7 de la Loi, lu dans le contexte de la déclaration d’opposition dans son ensemble, est suffisamment détaillé. En effet, l’Opposant a allégué l’existence d’un achalandage associé à ses marques de commerce ainsi qu’un risque de confusion qui, s’il était établi, satisferait à l’élément de fausse déclaration requis du critère [Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2016 CAF 69, au para 21]. Enfin, compte tenu de ces faits allégués, je considère qu’une allégation de dommages réels ou possibles causé à l’Opposant est implicite, ce qui, s’il était prouvé, remplirait la troisième exigence.

[20] En conséquence, je refuse de radier la partie du motif d’opposition modifié se rapportant à l’article 7 de la Loi.

Emploi contraire à l’article 22 de la Loi.

[21] L’article 22 de la Loi exige quatre éléments [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23]. L’emploi de la marque de commerce déposée est une exigence, de même que la marque de commerce qui doit etre suffisamment connue pour que l’achalandage significatif qui y est attaché soit appréciable. De plus, il doit exister un lien, une connexion ou une association dans l’esprit du consommateur hypothétique entre l’achalandage d’un opposant et l’emploi du requérant. Enfin, une probabilité de dépréciation est nécessaire.

[22] L’Opposant a allégué un emploi antérieur de ses marques de commerce déposées. Il a également allégué une dépréciation de l’achalandage attaché à ses marques déposées. Ses allégations d’une probabilité de confusion peuvent impliquer la possible existence d’un lien, d’une connexion ou d’une association dans l’esprit d’un consommateur.

[23] Des éléments de preuve appropriés seront, bien entendu, ultimement requis pour permettre à l’Opposant de s’acquitter de son fardeau d’établir une preuve prima facie de contravention à l’article 22. Toutefois, à ce stade, lorsque la déclaration d’opposition est lue dans son ensemble, je conclus que le motif fondé sur les articles 38(2)f) et 22 de la Loi expose les faits essentiels requis et est suffisamment détaillé pour que la Requérante puisse y répondre.

[24] En conséquence, je refuse de radier la partie du motif d’opposition modifié se rapportant à l’article 22 de la Loi.

Date limite de la Requérante pour produire sa contre-déclaration

[25] Enfin, conformément à sa demande, la Requérante se voit accorder un mois à compter de la date de la présente décision interlocutoire pour déposer et signifier sa contre-déclaration.

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hamza Essamir

 

 


Agents inscrits au dossier

Pour l’Opposant : MLT AIKINS LLP

Pour la Requérante : PALMER IP INC.

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