Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2025 COMC 186

Date de la décision : 2025-09-16

DÉCISION INTERLOCUTOIRE

Opposante : Jetharam Nemaram Gehlot

Requérante : FM World Sp. z o.o.

Demande : 2,139,643 pour UTIQUE

Introduction

[1] Jetharam Nemaram Gehlot (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce UTIQUE, faisant l’objet de la demande n° 2,139,643 au nom de FM World Sp. z o.o. (la Requérante).

[2] Le 14 juillet 2025, la Requérante a demandé une décision interlocutoire visant à radier certains paragraphes de la déclaration d’opposition. La Requérante a également sollicité une prolongation du délai pour soumettre et signifier sa contre-déclaration.

[3] Par lettre du registraire en date du 15 juillet 2025, le registraire a invité l’Opposante à présenter ses observations sur la demande de la Requérante. Aucune réponse à la lettre du registraire n’a été reçue de la part de l’Opposante.

La portée des décisions interlocutoires

[4] La suffisance d’une déclaration d’opposition est régie par l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). L’article 38(2) de la Loi donne une liste exhaustive des motifs sur lesquels une opposition peut être fondée. L’article 38(3)a) de la Loi exige que les motifs d’opposition soient rédigés avec des détails suffisants pour permettre au requérant d’y répondre. Un motif d’opposition insuffisant correspondrait donc soit à un motif d’opposition inacceptable, soit ne contiendrait pas suffisamment de faits essentiels pour permettre au requérant d’y répondre.

[5] Une plaidoirie convenable expose les faits essentiels et non les preuves que la partie se propose de produire pour établir ces faits [voir Pepsico Inc et Pepsi-Cola Canada Ltd c Registraire des marques de commerce (1975), 22 CPR (2d) 62 (CF 1re inst)]. En outre, l’objet d’une décision interlocutoire n’est pas de déterminer si un motif d’opposition valable est susceptible d’être accueilli, mais plutôt d’établir s’il contient suffisamment de faits essentiels.

DÉCISION

[6] En résumé, la Requérante demande la radiation des paragraphes 4a. à 4c. de la déclaration d’opposition au motif qu’ils n’exposent pas les motifs d’opposition avec des détails suffisants pour lui permettre d’y répondre. La Requérante demande également la radiation des paragraphes 5 à 7 de la déclaration d’opposition au motif [traduction] « [qu’]il s’agit d’une tentative inacceptable de la part de l’Opposante de présenter prématurément des éléments de preuve à l’étape préliminaire des arguments ».

[7] Pour évaluer les paragraphes contestés, il convient de noter qu’au paragraphe 3 de la déclaration d’opposition, l’Opposante mentionne être propriétaire de la marque de commerce YUTIKA (demande n° 2,066,700) et énumère les produits de la classe 3 qui y sont liés.

Paragraphe 4a. de la déclaration d’opposition — Motif fondé sur l’article 38(2)a.1)

[8] Le motif d’opposition plaidé dans le paragraphe 4a. se lit comme suit :

[traduction]

Conformément à l’article 38(2)a.1), la Marque de la Requérante n’est pas enregistrable, car la demande a été produite de mauvaise foi. La Requérante savait que sa marque avait une similitude susceptible de créer de la confusion avec la Marque de l’Opposante, laquelle avait déjà été employée au Canada par l’Opposante au moins depuis le 07-08-2020 en liaison avec des produits similaires ou connexes de la classe 3. La marque de l’Opposante « YUTIKA » est employée mondialement depuis 2018. La Requérante connaissait parfaitement la marque « YUTIKA » ainsi que la réputation croissante qui y est associée, et afin de tirer profit de l’achalandage et de la réputation de la marque « YUTIKA » de l’Opposante, la Requérante a produit la présente demande auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.

[9] La Requérante soutient que le motif d’opposition n’est pas exposé avec des détails suffisants, en ce qu’il ne contient aucun fait essentiel permettant à la Requérante de comprendre le fondement de l’allégation de mauvaise foi. La Requérante fait valoir qu’une simple allégation selon laquelle un requérant connaissait la marque de commerce de l’opposant ne suffit pas, en soi, à fonder un motif d’opposition au titre de l’article 38(2)a.1) de la Loi. Je suis d’accord.

[10] En effet, le motif tel qu’il est plaidé ne contient aucun fait essentiel à l’appui d’une conclusion de mauvaise foi, à l’exception du fait que la Requérante connaissait l’existence de la marque de l’Opposante, ce qui est insuffisant [Blossman Gas, Inc. c Alliance Autopropane Inc, 2022 CF 1794, aux para 119 à 129; voir aussi Norsteel Building Systems Ltd c Toti Holdings Inc, 2021 CF 927, aux para 64 à 75, où il est suggéré que le fait que le requérant connaisse l’existence de la marque de commerce d’une autre partie au moment de la production de sa demande n’est pas suffisant en soi pour démontrer la mauvaise foi dans le contexte de l’article 18(1)e) de la Loi, même s’il est conclu que les marques de commerce créent autrement de la confusion].

[11] De plus, les allégations concernant l’intention de la Requérante de tirer profit de l’achalandage et de la réputation de la marque de commerce alléguée de l’Opposante sont spéculatives et constituent des conclusions, sans fondement factuel à l’appui d’une telle conclusion. Le reste de la déclaration d’opposition ne fournit pas non plus de fondement factuel qui, s’il était établi, appuierait les allégations de l’Opposante.

[12] Par conséquent, le paragraphe 4a. de la déclaration d’opposition est radié.

Paragraphe 4b. de la déclaration d’opposition — Motif fondé sur l’article 38(2)c)

[13] Au paragraphe 4b., l’Opposante fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, conformément à l’article 16(1)a) de la Loi, puisque, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce YUTIKA de l’Opposante.

[14] La Requérante demande la radiation du terme [traduction] « trompeusement similaire » dans l’extrait suivant de l’argument :

[traduction]

[…] La marque « UTIQUE » de la Requérante est visuellement, phonétiquement et trompeusement similaire à la marque « YUTIKA », de sorte qu’il existe une probabilité raisonnable de confusion dans l’esprit des consommateurs […].

[15] À l’appui de sa demande, la Requérante fait valoir ce qui suit :

[traduction]

Il semble que l’Opposante s’appuie sur la notion de confusion prévue à l’article 6 de la Loi sur les marques de commerce. Or, la tromperie ne relève pas du champ d’application de l’article 6 de la Loi sur les marques de commerce. En effet, le terme tromperie ne figure littéralement dans aucune des dispositions de la loi contenues à l’article 6. Dès lors, il n’existe aucun fondement légal à la notion de tromperie dans le cadre de l’analyse de la confusion. En conséquence, l’expression contestée, qui est une « invention » (sans fondement dans la Loi sur les marques de commerce) doit être radiée.

[16] À mon avis, les observations de la Requérante portent sur le bien-fondé de l’argument plutôt que sa suffisance. De plus, il ressort clairement de ses propres observations que la Requérante comprend les arguments qu’elle doit réfuter.

[17] Par conséquent, la demande de la Requérante visant à radier le terme [traduction] « trompeusement similaire » au paragraphe 4b. est rejetée.

Paragraphe 4c. de la déclaration d’opposition — Motif fondé sur l’article 38(2)d)

[18] Le motif d’opposition plaidé dans le paragraphe 4c. se lit comme suit :

[traduction]

La Marque de la Requérante n’est pas distinctive conformément à l’article 2, lequel prévoit qu’une marque distinctive « [s]e dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adoptée [sic] à les distinguer ainsi ».

De toute évidence, l’emploi ou l’enregistrement de la Marque de la Requérante, qui crée de la confusion et/ou est trompeusement similaire à la Marque de l’Opposante, ne peut avoir pour effet de distinguer les produits de la Requérante en classe 3 des produits similaires ou connexes offerts ou vendus par l’Opposante portant la marque « YUTIKA », ce qui entraînera de la confusion dans l’esprit du public consommateur.

[19] La Requérante demande la radiation du premier paragraphe de l’argument reproduit ci-dessus au motif qu’il [traduction] « ne fait que reprendre le libellé de la loi et ne fournit aucun fait essentiel ». S’agissant du second paragraphe, la Requérante fait valoir que l’expression [traduction] « [...] en classe 3 des produits similaires ou connexes [...] » est [traduction] « vague, ambiguë, indéterminée et subjective » et [traduction] « ne permet pas d’identifier avec la certitude requise les produits en cause ».

[20] Je reconnais que le premier paragraphe de l’argument ne fait que reprendre la définition du terme « distinctive » figurant à l’article 2 de la Loi. Cependant, lorsque l’argument est lu dans son ensemble, il ne s’agit pas d’un cas où l’opposant se borne à répéter le libellé de la Loi sans présenter de faits essentiels à l’appui de son allégation.

[21] En effet, replacée dans le contexte de la déclaration d’opposition dans son ensemble, il est évident que l’allégation [traduction] « en classe 3 des produits similaires ou connexes » au second paragraphe concerne les produits de la classe 3 mentionnés dans la demande de la Requérante et les produits de l’Opposante identifiés au paragraphe 3 de la déclaration d’opposition.

[22] En conséquence, je ne considère pas que le paragraphe 4c. est insuffisant ou autrement inacceptable au sens de l’article 38 de la Loi, et la demande de la Requérante visant à radier ce paragraphe est rejetée.

Paragraphes 5 à 7 de la déclaration d’opposition

[23] Ces paragraphes n’exposent pas de motifs d’opposition. Ils contiennent des allégations introduites sous les titres suivants :

[traduction]

  • Paragraphe 5 : Historique de la Requérante

  • Paragraphe 6 : Enregistrements internationaux de YUTIKA

  • Paragraphe 7 : Publicité de la Marque YUTIKA

[24] Je juge inutile d’examiner longuement les observations de la Requérante à l’appui de sa demande de radiation des paragraphes 5 à 7. Lorsqu’on lit objectivement ces paragraphes, je conclus qu’ils fournissent un contexte aux motifs d’opposition exposés au paragraphe 4 de la déclaration d’opposition. Même si je me trompais en tirant une telle conclusion, le rejet de radier les paragraphes 5 à 7 est sans conséquence. Il est bien établi que les allégations contenues dans une déclaration d’opposition ne constituent pas des preuves et ne sont pas traitées comme telles par le registraire lorsqu’une décision est rendue conformément à l’article 38(12) de la Loi.

[25] Par conséquent, la demande de la Requérante visant à radier les paragraphes 5 à 7 est rejetée.

Date limite de la Requérante pour produire sa contre-déclaration

[26] Conformément à sa demande, la Requérante se voit accorder par la présente un mois à compter de la date de la présente décision interlocutoire pour produire et signifier sa contre-déclaration.

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Hamza Essamir


Agents inscrits au dossier

Pour l’Opposante : ANITA MAR

Pour la Requérante : OLLIP P.C.

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