Contenu de la décision
Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2025 COMC 185
Date de la décision : 2025-09-12
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Aperçu
[1] Curaleaf, Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce CURALEAF, demande no 1938007 (la Marque de commerce).
[2] La demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque de commerce en liaison avec des produits liés au cannabis et des services de vente au détail, ainsi que d’autres produits ayant divers degrés de lien avec la consommation de cannabis et la commercialisation d’une entreprise de cannabis; des cendriers et des allumettes, aux vêtements, sacs à dos et planches de planche à roulettes, ainsi que des services de vente au détail connexes. Les états déclaratifs complets des produits et services sont présentés à l’Annexe A de la présente décision.
[3] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est accueillie.
Dossier
[4] Le 21 décembre 2018, la demande en question a été déposée par Stephen Burri sur le fondement de l’emploi projeté au Canada.
[5] Le 25 septembre 2020, le registraire a reçu une correspondance de M. Burri, dans laquelle il (i) a demandé le transfert de propriété de la demande en question de lui-même à Christopher O’Grady faisant affaire sous le nom de CROWN OG, et, en même temps (ii) s’est nommé comme agent de marques de commerce pour la demande. La demande a finalement été cédée à Robert Crown (le Requérant), le propriétaire actuel de la demande, par le biais d’une cession datée du 1er mars 2023.
[6] La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 13 juillet 2022. Le 21 septembre 2022, l’Opposante s’est opposée à la demande en produisant une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). La déclaration d’opposition a été modifiée par l’Opposante le 24 août 2023, avec l’autorisation du registraire le 13 octobre 2023.
[7] Les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante sont fondés sur la non-conformité aux exigences de l’article 30(2)a) de la Loi, le dépôt de mauvaise foi, l’absence de caractère distinctif, le fait que le Requérant, au moment du dépôt, n’employait pas et ne projetait pas d’employer la Marque de commerce, et l’absence de droit à l’emploi de la Marque de commerce. De nombreux motifs reposent sur le fait que la demande en question a été déposée au nom de Stephen Burri, un agent de marques de commerce et l’agent de marques de commerce actuel pour la demande en question.
[8] Une contre-déclaration a été produite et signifiée le 26 janvier 2023.
[9] Les deux parties ont produit des preuves et des observations écrites. Seule l’Opposante était représentée à l’audience.
Fardeau
[10] Dans une procédure d’opposition, un requérant porte le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi.
[11] Cependant, un opposant a le fardeau initial d’établir le mérite de son opposition. En particulier, l’opposant doit s’assurer que chacun de ses motifs d’opposition est correctement formulé et doit produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Une fois que l’opposant s’est acquitté de son fardeau initial, il incombe au requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition plaidés ne fait obstacle à l’enregistrement de la marque de commerce en question [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 à la p 298, 1990 CanLII 11059 (CF 1re inst.); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA, 2002 CAF 29].
Aperçu de la preuve
[12] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit :
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un affidavit d’Eunice Lee, parajuriste principal en marques de commerce au sein du cabinet d’avocats Fish & Richardson PC, souscrit le 17 août 2023 (l’Affidavit Lee) et joignant notamment des photocopies de copies certifiées des demandes d’enregistrement d’une marque de commerce déposées par l’Opposante auprès de l’Office des brevets et marques de commerce des États-Unis (USPTO);
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un affidavit de Nicholas Tucker, licencié enquêteur privé et directeur régional chez Xpera Risk Mitigation and Investigation LP, souscrit le 21 août 2023 (l’Affidavit Tucker)et fournissant les résultats de l’enquête de M. Tucker pour identifier les références médiatiques canadiennes au mot-clé « curaleaf » entre le 21 septembre 2013 et le 21 septembre 2022. L’Affidavit Tucker fournit également des renseignements sur la circulation et la distribution;
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un affidavit de Stephen Rodger, enquêteur privé licencié chez Xpera Risk Mitigation and Investigation LP, souscrit le 11 juillet 2023 (l’Affidavit Rodger) et fournissant les résultats de [traduction] l’« enquête de fond de M. Stephen R. Burri ».
[13] À l’appui de sa demande, le Requérant a produit :
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un affidavit de Cory Alden Hanson, un employé de la firme d’agent du Requérant, souscrit le 22 mai 2024 (l’Affidavit Hanson). Cet affidavit vise essentiellement à montrer que M. Burri a enregistré le nom de domaine curaleaf.ca. Je reviendrai sur ce point dans mon analyse ci-dessous.
[14] Aucun contre-interrogatoire n’a été mené.
Analyse des motifs d’opposition
Le Requérant n’employait pas et ne projetait pas d’employer
[15] En vertu de l’article 38(2)e) de la Loi, l’Opposante fait valoir que Stephen Burri, le Requérant à la date de dépôt de la demande, n’employait pas et n’avait pas l’intention d’employer la Marque de commerce au Canada en liaison avec les produits ou services spécifiés dans la demande.
[16] L’article 38(2)e) a été introduit lorsque la Loi a été modifiée le 17 juin 2019. Cependant, le registraire a considéré que les affaires relatives à l’article 30e) de la Loi, tel qu’il était rédigé avant ces modifications, étaient instructives lors de l’évaluation des motifs d’opposition fondés sur le fait qu’un requérant employait ou projetait d’employer une marque de commerce visée par la demande en vertu de l’article 38(2)e) [voir Shopify c Ubeing Mobility Ltd, 2024 COMC 75 au para 59, et la jurisprudence subséquente du registraire confirmant le raisonnement énoncé dans Shopify].
[17] En effet, les motifs de l’ancien article 30e) ont été tranchés en fonction de l’exigence antérieure de la Loi selon laquelle un requérant de marque de commerce devait déclarer son intention d’employer une marque de commerce, ainsi que l’exigence implicite que cette déclaration soit vraie. Bien que cela n’est pas toujours exprimé en ces termes, un principe sous-jacent à bon nombre de ces décisions est que les demandes d’enregistrement d’une marque de commerce ne peuvent être déposées au nom d’entités « prête-nom[s] » agissant pour le compte d’une autre personne, car ces prête-noms n’employaient pas et n’avaient pas l’intention d’employer la marque de commerce au Canada [voir Dollar General Merchandising, Inc c R Steinberg (2009), 74 CPR (4th) 341, 2009 CanLII 90472 (COMC); voir aussi Cellular One Group, a partnership c Bell Mobility Cellular Inc (1996), 69 CPR (3d) 236, 1996 CanLII 11378 (COMC)].
[18] Même si la Loi n’exige plus une telle déclaration, l’article 30(1) de la Loi exige qu’une personne qui demande l’enregistrement d’une marque de commerce emploie ou projette d’employer cette marque de commerce :
30 (1) Une personne peut produire auprès du registraire une demande en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services si elle emploie ou projette d’employer — et a droit d’employer — la marque de commerce au Canada en liaison avec ces produits ou services.
[19] Par conséquent, la question de savoir si un requérant a réellement employé ou projetait réellement d’employer la marque de commerce au moment de la production demeure pertinente en vertu des nouvelles dispositions de la Loi [Norkol Packaging LLC c 1178320 BC Ltd, 2025 COMC 179 au para 40; Hello Nori Inc c Sushi Nozawa, LLC, 2025 COMC 95 au para 16].
[20] Essentiellement, la position de l’Opposante est que M. Burri n’a ni employé ni projeté d’employer la Marque de commerce parce qu’il a en fait déposé la demande en question au nom d’un tiers non divulgué. À l’appui, l’Opposante souligne notamment les conclusions suivantes de l’enquêteur privé Stephen Rodger concernant les antécédents de M. Burri :
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M. Burri est un avocat qui a été admis au barreau de la Colombie-Britannique le 4 septembre 1998 et qui travaille dans la profession juridique depuis au moins 2001 [Affidavit Rodger, Pièce A, page 2].
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Sur le site Web d’Island IP Law, M. Burri est identifié comme le dirigeant d’Island IP Law [id. page 3].
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M. Burri est spécialisé dans la protection des marques de commerce, des brevets et des dessins industriels, les licences de propriété intellectuelle, les droits d’auteur et le règlement des litiges relatifs aux noms de domaine [id. page 7].
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Une recherche sur les antécédents n’a révélé aucune indication que M. Burri a été impliqué dans la fabrication ou la distribution de l’un des produits demandés, ni que M. Burri a jamais fabriqué ou vendu, ou envisagé de fabriquer ou de vendre, des produits de quelque nature que ce soit [id. page 2].
[21] En outre, l’Opposante note que la demande d’enregistrement de la Marque de commerce a été déposée par M. Burri immédiatement après une période intense de dépôts de marques de commerce par l’Opposante auprès de l’Office des brevets et marques de commerce des États-Unis pour la même marque, dont beaucoup en liaison avec des produits et services liés au cannabis :
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21 juin 2018 : demande de marque nominale CURALEAF (numéro de série 88/008,972);
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7 août 2018 : demande de marque nominale CURALEAF 2018 (numéro de série 88/068,377);
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27 août 2018 : demande de marque nominale CURALEAF (numéro de série 88/094,444);
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18 septembre 2018 : demande de marque nominale CURALEAF (numéro de série 88/121,665);
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9 octobre 2018 : demandes de marque figurative CURALEAF (numéros de série 88/148,369, 88/148,362, 88/148,305, 88/148,295, 88/148,263 et 88/148,241);
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20 décembre 2018 : demandes de marque nominale et de marque figurative CURALEAF (numéros de série 88/013,026 et 88/148,333);
[22] Lors de l’audience, l’Opposante a qualifié le moment du dépôt de la demande en question au Canada le 21 décembre 2018 de [traduction] « suspect ». L’Opposante a noté que le moment choisi était particulièrement suspect étant donné que CURALEAF est un terme unique et inventé, et qu’il est difficile d’expliquer comment M. Burri pourrait indépendamment créer et déposer innocemment une demande d’enregistrement d’une marque de commerce pour un terme identique.
[23] À ce sujet, l’Opposante a ajouté que le dépôt de marque de commerce du Requérant au Canada est également survenu à la suite d’une augmentation marquée des références à l’Opposante dans les médias canadiens en 2018. En fait, la recherche de M. Tucker sur les références médiatiques a révélé moins de 100 mentions de « curaleaf » au cours de la période de quatre ans entre 2014 et la fin de 2017, tandis que sa recherche a identifié plus de 400 mentions de ce type dans la période commençant le 1er janvier 2018 et menant au dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque de commerce au Canada le 21 décembre 2018 [Affidavit Tucker, Pièce A, Onglets 2 à 7].
[24] L’Opposante note en outre que le nom de domaine curaleaf.ca a été enregistré le 30 octobre 2018, au milieu de l’augmentation de la couverture médiatique et de la série de dépôts de l’Opposante auprès de l’Office des brevets et marques de commerce des États-Unis.
[25] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle M. Burri n’a pas employé la Marque de commerce, l’Opposante soutient que les conclusions de l’enquêteur privé, lorsqu’elles sont considérées avec le fait que la demande en question a été déposée sur la base d’un emploi projeté, [traduction] « soutiennent fortement l’inférence que M. Burri n’employait pas la Marque de commerce au moment où la demande a été déposée » [observations écrites de l’Opposante au para 45].
[26] Enfin, l’Opposante demande qu’une inférence défavorable soit tirée du fait que le Requérant n’a pas présenté de preuve de M. Burri concernant l’emploi ou l’emploi projeté de la Marque de commerce [id. aux para 48 et 49].
[27] Le Requérant, pour sa part, ne soutient pas que la Marque de commerce a été employée à un moment donné. Au lieu de cela, le Requérant soutient que la demande en question a été déposée par M. Burri [traduction] « en son propre nom et avec l’intention d’employer la marque de commerce par l’intermédiaire d’un licencié » [observations écrites du Requérant au para 34]. En ce qui concerne cette intention d’emploi, le Requérant soumet ce qui suit [id. aux para 30 et 31] :
[traduction]
30. La preuve de l’intention de M. Burri d’employer la marque de commerce peut être trouvée dans l’enregistrement du nom de domaine curaleaf.ca par le Requérant Stephen Burri. Le Requérant, M. Burri, a enregistré le nom de domaine curaleaf.ca le 30 octobre 2018, six mois [sic] avant de déposer la demande d’enregistrement d’une marque de commerce. Dans l’Affidavit de Cory Alden Hanson, Cory Hanson déclare au paragraphe 4 que Stephen Burri a enregistré le nom de domaine curaleaf.ca. L’exposition A fournit la preuve que le nom de domaine a été enregistré le 30 octobre 2018. Le Déposant n’a pas été contre-interrogé par l’Opposante. En conséquence, la preuve de Stephen Burri enregistrant le nom de domaine curaleaf.ca 52 jours avant le dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque de commerce en date du 21 décembre 2018 est incontestée et soutient l’affirmation selon laquelle Stephen Burri avait l’intention d’employer la marque de commerce au Canada, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un licencié.
31. Obtenir un nom de domaine associé à une marque de commerce proposée est une étape préparatoire courante qui témoigne d’une intention bona fide d’employer cette marque de commerce en liaison avec des produits ou services au Canada. L’Opposante n’a soumis aucune preuve pour contredire cette inférence logique.
[28] La preuve du Requérant comprend l’Affidavit Hanson. Dans son affidavit, M. Hanson s’identifie comme étant [traduction] « employé depuis 2011 par Island IP Law, le cabinet de l’agent de marques de commerce du Requérant, Stephen R. Burri » [para 1]. M. Hanson déclare qu’en tant que partie de ses responsabilités, il est [traduction] « parfois demandé de réaliser des recherches dans la base de données en ligne accessible au public de l’[Autorité canadienne pour les enregistrements Internet (CIRA)], et d’accéder au compte de l’entreprise au registre de noms de domaine Namespro.ca » [para 2].
[29] M. Hanson déclare en outre que, le 22 mai 2024, il a effectué deux recherches : une recherche dans la base de données de CIRA pour le nom de domaine curaleaf.ca afin d’obtenir des détails concernant ce nom de domaine; et une recherche dans la base de données située à names.pro [traduction] « pour obtenir des détails sur les noms de domaine enregistrés par Stephen Robert Burri » [para 4]. Il joint les résultats de ses recherches :
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La Pièce A est une impression du site Web de CIRA qui indique que le nom de domaine curaleaf.ca a été enregistré le 30 octobre 2018. Le registraire de ce nom de domaine est identifié comme Namespro Solutions Inc. et l’URL du registraire est namespro.ca.
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La Pièce B est une impression du site Web namespro.ca montrant la [traduction] « Liste de domaines » pour un utilisateur connecté en tant que « burri@islandip.com ». Le seul domaine répertorié est curaleaf.ca. Le titulaire de ce domaine est identifié comme « Stephen Robert Burri ».
[30] La preuve du Requérant est silencieuse quant au fonctionnement du site Web curaleaf.ca, y compris s’il était actif à un moment donné.
[31] Je me tourne maintenant vers le fardeau de l’Opposante dans le cadre de ce motif. Comme c’était le cas pour les motifs d’opposition fondés sur l’ancien article 30e), le fardeau de preuve imposé à un opposant à l’égard d’un motif fondé sur l’article 38(2)e) est léger et la quantité de preuve nécessaire pour s’en acquitter peut être très faible. C’est parce que les faits pertinents pour évaluer si un requérant employait ou projetait d’employer une marque de commerce sont particulièrement relevant des connaissances de ce requérant [Shopify, supra; voir aussi DK Company Vejle A/S c Urban Nest Home Lifestyle Kids Inc, 2024 COMC 217 au para 30, et Hello Nori, supra au para 17].
[32] Lors de l’évaluation d’un motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)e), la date pertinente est la date de dépôt de la demande. Cependant, la preuve survenant après cette date peut être considérée dans la mesure où elle peut indiquer une situation existant à la date pertinente [voir Pentastar Transportation Ltd c FCA US LLC, 2019 COMC 34 au para 24, conf par 2020 CF 367, pour un raisonnement similaire dans le contexte d’un motif d’opposition en vertu de l’ancien article 30e) de la Loi].
[33] Le dossier devant moi en l’espèce établit que M. Burri, avocat et agent de marques de commerce, a déposé la demande de la Marque de commerce au Canada en son propre nom. La demande a été déposée à la suite d’une couverture médiatique accrue de l’Opposante ainsi que des nombreux dépôts de marque de commerce de l’Opposante auprès de l’USPTO. Près de deux ans après le dépôt, M. Burri a cédé la propriété de la demande à une autre personne et s’est immédiatement nommé agent de marques de commerce pour la demande. M. Burri ne semble jamais avoir été engagé dans la fabrication, la vente ou la fourniture de l’une des nombreuses catégories de produits et services demandés à la date de dépôt de la demande en question, ni ne semble-t-il avoir l’expérience ou les installations nécessaires pour entreprendre de telles activités. En fait, malgré les nombreuses années qui se sont écoulées depuis le dépôt de la demande, le Requérant n’a fourni aucune preuve de l’emploi de la marque de commerce.
[34] Bien que chacune de ces circonstances soit à elle seule insuffisante pour que l’Opposante remplisse son fardeau, je suis convaincu que, considérées ensemble, l’Opposante a établi des faits suffisants pour soulever cette question et transférer le fardeau au Requérant pour démontrer que le Requérant projetait d’employer la Marque de commerce MC au Canada lorsqu’il a déposé la demande.
[35] Je note ici l’observation du Requérant selon laquelle l’obtention d’un nom de domaine est une [traduction] « étape préparatoire courante » et que l’Opposante [traduction] « n’a soumis aucune preuve pour contredire cette inférence logique ». Selon le Requérant, M. Burri a enregistré le nom de domaine curaleaf.ca avant de déposer la demande de marque de commerce en question, ce qui [traduction] « soutient l’affirmation selon laquelle [il] avait l’intention d’employer la marque de commerce au Canada, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un licencié » [observations écrites du Requérant aux para 30 et 31, reproduites ci-dessus].
[36] J’estime la position du Requérant problématique à plusieurs égards. Tout d’abord, j’estime troublante la proposition selon laquelle un opposant doit être tenu de présenter des preuves pour réfuter une inférence tirée à la demande d’un requérant, afin que ce dernier puisse démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi. Une telle approche, à mon avis, équivaut à inverser les charges respectives des parties.
[37] En tout état de cause, je ne suis pas prêt à faire l’inférence avancée par le Requérant sur la base du dossier devant moi. En particulier, je n’estime pas raisonnable de conclure que l’enregistrement du nom de domaine curaleaf.ca est suffisant pour établir que le Requérant a projeté d’employer la Marque de commerce et que le Requérant a donc satisfait à son fardeau légal. Même si l’enregistrement d’un nom de domaine peut constituer une étape préparatoire au lancement d’une entreprise légitime, d’autres raisons pourraient inciter une personne à obtenir un nom de domaine. Par exemple, l’Opposante a noté lors de l’audience qu’obtenir un nom de domaine est une étape qui serait probablement prise par des squatteurs de marques de commerce souhaitant empêcher l’enregistrement de ce domaine par son propriétaire légitime. En fin de compte, que le requérant projète d’employer une marque de commerce relève entièrement des connaissances de ce requérant et, en l’espèce, la preuve du Requérant est manifestement silencieuse sur la question.
[38] Cela nous amène à un troisième problème, à savoir la valeur probante limitée de l’Affidavit Hanson. Le Requérant s’appuie sur cet affidavit pour établir que M. Burri a enregistré le nom de domaine curaleaf.ca – une question centrale pour la détermination de la présente procédure et, selon le Requérant, pour l’évaluation de la question de savoir si M. Burri projetait d’employer la Marque de commerce [voir Cross Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited et al c Hyundai Auto Canada, 2005 CF 1254, conf par 2006 CFA 133, qui traite du principe selon lequel l’affidavit d’un employé d’un mandataire n’est admissible que dans la mesure où la preuve porte sur des questions non controversables ou à des questions qui ne revêtent pas une importance essentielle].
[39] Non seulement M. Hanson est un employé de l’agent du Requérant, mais les preuves présentées dans son affidavit sont en grande partie des ouï-dire. En effet, M. Hanson ne fournit aucune indication qu’il a connaissance de faits pertinents quant à savoir si M. Burri projetait d’employer la Marque de commerce lorsqu’il a déposé la demande en question, ni de connaissance directe sur quand, pourquoi ou qui a enregistré le nom de domaine curaleaf.ca.
[40] Je ne suis donc pas prêt à accorder de l’importance à la déclaration de ouï-dire de M. Hanson selon laquelle la Pièce B de son affidavit contient une liste de [traduction] « noms de domaine enregistrés par Stephen Robert Burri ». En ce qui concerne les documents déposés, même si je devais mettre de côté les problèmes de ouï-dire et accepter ces impressions comme la vérité de leur contenu, la preuve du Requérant établirait seulement que (1) le nom de domaine en question a été enregistré le 30 octobre 2018, et (2) que le nom de domaine appartenait à Stephen Robert Burri lorsque M. Hanson a effectué ses recherches le 22 mai 2024.
[41] Il aurait été simple pour le Requérant d’expliquer dans un affidavit souscrit d’une personne ayant une connaissance directe des faits, c’est-à-dire du Requérant ou d’un licencié, que M. Burri projetait d’employer la Marque de commerce lorsqu’il a déposé la demande. En fin de compte, je suis d’accord avec l’Opposante que les circonstances en l’espèce sont curieuses, pour le dire légèrement, et que le Requérant a fait trop peu pour établir que sa demande respecte les dispositions de la Loi.
[42] Puisque le Requérant ne s’est pas acquitté de son fardeau légal, le motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)e) est accueilli.
Mauvaise foi
[43] Conformément à l’article 38(2)a.1) de la Loi, l’Opposante plaide que la demande a été déposée de mauvaise foi (i) parce qu’elle a été déposée au nom de M. Burri, un agent de marques de commerce, uniquement dans le but de dissimuler la véritable identité de l’entité cherchant à enregistrer la Marque de commerce; et (ii) parce qu’il est inapproprié pour un agent de marques de commerce de déposer une demande d’enregistrement d’une marque de commerce en son propre nom au nom d’un tiers non identifié.
[44] L’Opposante plaide également que la demande a été produite de mauvaise foi parce que le Requérant était conscient que l’Opposante avait adopté antérieurement une marque identique aux États-Unis en liaison avec des produits chevauchants et/ou connexes et que le Requérant cherchait à empêcher l’Opposante d’employer et/ou d’enregistrer sa propre marque au Canada.
[45] Au paragraphe 61 de ses observations écrites, l’Opposante ajoute :
[traduction]
Il est donc très peu probable que M. Burri ait indépendamment et innocemment créé et déposé une demande canadienne pour la marque CURALEAF un jour après les dépôts aux États-Unis de l’Opposante en liaison avec des produits chevauchants. Plutôt, l’inférence logique est que M. Burri avait l’intention d’obtenir un enregistrement pour la même marque qu’il savait être associée à l’Opposante aux États-Unis, dans le but d’empêcher l’Opposante d’employer et/ou d’enregistrer sa marque au Canada. Cette conduite ne peut être décrite que comme « un abus du système d’enregistrement » [citant Shenzhen Lepower Electronic Co, Ltd c Stavros Bachtsetzis, 2022 COMC 180 au para 18].
[46] La date pertinente pour évaluer ces motifs d’opposition est la date de dépôt de la demande en question.
[47] Avant de procéder, je vais aborder l’observation du Requérant selon laquelle les motifs d’opposition pour mauvaise foi doivent échouer parce que la demande d’enregistrement de la Marque de commerce a été déposée avant l’entrée en vigueur des dispositions sur la mauvaise foi de l’article 38(2)a.1) [observations écrites du Requérant au para 10].
[48] Je ne suis pas d’accord. Les dispositions transitoires de la Loi sont dispositives de cette question, car elles prévoient que le motif d’opposition énoncé à l’article 38(2)a.1) de la Loi peut être soulevé contre les demandes d’enregistrement d’une marque de commerce publiées le jour où cet article est entré en vigueur [article 68.2 de la Loi, a contrario; voir aussi l’article 69.1 de la Loi prévoyant que la Loi telle que modifiée s’applique aux demandes de marque de commerce publiées après le 17 juin 2019]. Étant donné que la demande en question a été annoncée en 2022, l’Opposante avait le droit de soulever des motifs sur la base de l’article 38(2)a.1) de la Loi.
[49] En ce qui concerne les motifs invoqués par l’Opposante, je souhaite d’abord souligner que la simple connaissance de l’existence de la marque de commerce d’un opposant ne suffit pas à elle seule à étayer une allégation de mauvaise foi [voir, par exemple, Shopify, supra au para 54; voir aussi Blossman Gas Inc c Alliance Autopropane Inc, 2022 CF 1794 aux para 119 à 129, et Norsteel Building Systems Ltd c Toti Holdings Inc, 2021 CF 927 aux para 64 à 75].
[50] Autrement, même si je suis d’accord qu’il est inapproprié pour un agent de marques de commerce de déposer une demande de marque de commerce en son propre nom au nom d’un client ou d’une autre partie non identifiée, j’estime que l’Opposante n’a pas réussi à satisfaire à son fardeau de preuve en vertu des motifs de mauvaise foi invoqués. En particulier, bien que j’aie accepté que l’Opposante ait rempli son léger fardeau pour soulever la question de savoir si M. Burri projetait d’employer la Marque de commerce, je ne suis pas convaincu que la base probante soit suffisante pour conclure raisonnablement que la demande en question a été déposée au nom du client de M. Burri, dans le but de dissimuler la véritable identité de l’entité cherchant réellement à enregistrer la Marque de commerce, ou pour empêcher l’Opposante d’employer et/ou d’enregistrer sa marque de commerce au Canada.
[51] À la lumière de ce qui précède, les motifs d’opposition fondés sur l’article 38(2)a.1) sont rejetés.
Absence de droit d’employer la Marque de commerce
[52] En vertu de l’article 38(2)f) de la Loi, l’Opposante fait valoir que M. Burri, le requérant à la date de dépôt de la demande, n’avait pas le droit d’employer la Marque de commerce au Canada en liaison avec les produits et services spécifiés dans la demande, car la demande a été déposée de manière inappropriée en son propre nom au nom d’un tiers non identifié.
[53] Dans ses observations écrites, l’Opposante ajoute ce qui suit :
[traduction]
94 Comme la Commission peut le constater, il s’agit d’un nouveau motif d’opposition pour lequel il ne semble pas y avoir de jurisprudence pertinente. Cela dit, l’Opposante soutient que ce motif d’opposition est étayé par tous les arguments exposés ci-dessus concernant les motifs liés à la mauvaise foi.
95. De plus, l’Opposante note que l’[article 30(1) de] la Loi stipule explicitement que « [u]ne personne peut produire auprès du registraire une demande en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services si elle emploie ou projette d’employer — et a droit d’employer — la marque de commerce au Canada en liaison avec ces produits ou services. » Comme indiqué ci-dessus, M. Burri n’employait pas et n’avait pas l’intention d’employer la Marque de commerce au Canada en liaison avec les produits et services. Ainsi, le dépôt de M. Burri était inapproprié et a intentionnellement induit en erreur le Bureau canadien des marques de commerce quant à la véritable identité de l’entité cherchant à enregistrer la marque. Cette conduite constitue une violation claire des normes éthiques qui interdisent aux avocats et aux agents de s’engager dans des pratiques trompeuses.
[54] La date pertinente pour évaluer ce motif d’opposition est la date de production de la demande.
[55] Au départ, je note qu’il n’est pas clair que le dépôt d’une demande au nom d’un tiers non identifié constitue une base appropriée pour un motif d’opposition en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi. En effet, cet article a été constamment considéré par le registraire comme abordant le droit légal d’un requérant d’employer une marque de commerce visée par une demande, par exemple, conformément aux lois fédérales pertinentes et aux autres obligations juridiques interdisant l’« emploi » d’une marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi.
[56] Cela dit, même si j’acceptais ce motif comme étant valablement plaidé, comme mentionné ci-dessus en ce qui concerne les motifs de mauvaise foi, je ne suis pas convaincu que la preuve soit suffisante pour montrer que la demande a été déposée au nom d’un tiers non identifié, ou dans le but de dissimuler la véritable identité de l’entité cherchant à enregistrer la Marque de commerce.
[57] L’Opposante ne s’est donc pas acquittée de son fardeau de preuve. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f) est rejeté.
Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif
[58] Conformément à l’article 38(2)d) de la Loi, l’Opposante soutient que la Marque de commerce n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi parce qu’elle ne se distingue pas véritablement, et n’est pas adaptée non plus pour distinguer les produits et services du Requérant de ceux de l’Opposante, compte tenu de la réputation de l’Opposante au Canada dans la marque de commerce et le nom commercial CURALEAF, ainsi que dans les noms commerciaux CURALEAF, LLC, CURALEAF HOLDINGS, INC et CURALEAF INC.
[59] La date pertinente pour évaluer ce motif d’opposition est la date de dépôt de l’opposition, à savoir le 21 septembre 2022.
[60] Pour s’acquitter de son fardeau de preuve dans le cadre de ce motif, un opposant doit démontrer qu’à la date pertinente, sa marque de commerce (ou son nom commercial) était devenue connue dans une certaine mesure au Canada et avait au Canada une réputation « importante, significative ou suffisante » qui permet de faire perdre à la marque contestée son caractère distinctif. Lorsque la réputation d’un opposant est limitée à une région particulière du Canada, l’opposant peut s’acquitter de son fardeau de la preuve si sa marque de commerce (ou son nom commercial) est bien connue dans cette région particulière du Canada [voir Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657 aux para 33 et 34; et Association dentaire canadienne c Ontario Dental Assistants Association, 2013 CF 266 au para 42, conf par 2013 CAF 279].
[61] L’Opposante soutient que la preuve de la couverture médiatique présentée dans l’Affidavit Tucker démontre le niveau de réputation requis au Canada. Pour soutenir sa position, l’Opposante s’appuie sur une décision du registraire qui a conclu qu’un opposant avait satisfait à son fardeau de motif fondé sur l’absence de caractère distinctif sur la base de « dizaines d’articles » dans lesquels la marque de commerce de cet opposant avait été mentionnée [Krauss-Maffei Wegmann GmbH & Co KG c Rheinmetall Defence Electronics GmbH, 2017 COMC 50 au para 32].
[62] Je suis d’accord avec l’Opposante que ni l’emploi ni la [traduction] « révélation » au sens des articles 4 et 5 de la Loi ne sont strictement nécessaires pour satisfaire au fardeau de preuve de l’Opposante en vertu de ce motif. En effet, son attaque fondée sur l’absence de caractère distinctif peut être basée sur la connaissance ou la réputation « acquise par le bouche-à-oreille et […] la preuve d’une notoriété et d’une renommée obtenues par voie d’articles de journaux ou de magazines plutôt que par de la publicité » [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 à la p 59, 1981 CanLII 5072; voir aussi Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657 au para 29].
[63] Cependant, la question de l’absence de caractère distinctif n’est pas hypothétique; elle implique une analyse fortement fondée sur les faits et la preuve, et je ne suis pas d’accord pour dire que les conclusions concernant la réputation dans Krauss-Maffei peuvent être appliquées de la même manière en l’espèce. Spécifiquement, l’opposant dans Krauss-Maffei a développé et fabriqué des véhicules blindés militaires. Sa marque de commerce LEOPARD a été mentionnée dans les nouvelles dans le contexte de questions d’importance nationale, telles que l’achat de chars LEOPARD par l’armée canadienne, le transport de chars LEOPARD vers et depuis des zones d’action militaire, et la valeur stratégique de ces chars pour les troupes canadiennes sur le terrain.
[64] L’Opposante en l’espèce opère dans l’industrie du cannabis, et les articles de presse prouvés concernent la valeur d’investissement de l’entreprise ou des développements qui pourraient affecter le prix de l’action :
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La société américaine de cannabis Curaleaf fait ses débuts à CSE avec une valorisation de 6 milliards de dollars (BNN Bloomberg, 29 octobre 2018 : [traduction] « […] a déclaré le PDG de Curaleaf, Joseph Lusardi, dans une mise en production. Nous restons déterminés à faire croître notre entreprise grâce à une croissance organique agressive et le […] »
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Ces 13 actions devraient figurer sur la liste de courses de tout chasseur d’aubaines, Ottawa Citizen, 27 novembre 2018 : [traduction] « Holdings figure également sur la liste de BPF, ils sont plus optimistes concernant Curaleaf car elle étend ses opérations aux États-Unis. »
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Un projet de loi américain visant à ouvrir le système financier aux entreprises de cannabis pourrait être une mauvaise nouvelle pour le secteur du pot au Canada, Financial Post, 26 mars 2019 : [traduction] « Les opérateurs multi-états américains comme Acreage (Holdings Inc.) et Curaleaf sont beaucoup plus grands que la plupart des entreprises canadiennes de cannabis. »
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Curaleaf cherche à consolider son statut aux États-Unis; Acquiert GR Companies pour 825 M$ US, National Post, 18 juillet 2019 : [traduction] « Cela marque la deuxième entente transformative pour Curaleaf en 2019 et, à notre avis, c’est la plus significative dans l’industrie du cannabis cette année […] »
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Curaleaf lance des comprimés de cannabis médical en Floride, Yahoo Finance, 17 septembre 2019 : [traduction] « […] Curaleaf Holdings, (CSE : CURA) (OTCQX : CURLF) lance des comprimés de cannabis médical en Floride.
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La légalisation du cannabis aux États-Unis reçoit un accueil glacial, National Post, 21 juillet 2021 : [traduction] « […] les meilleures actions américaines restent les grands opérateurs multétatiques comme Curaleaf Holdings Inc., Green Thumb Industries, Inc., Trulieve Cannabis […] ».
[65] Bien que j’accepte que certains Canadiens aient été exposés à des articles prouvés par l’Opposante, je ne suis pas convaincu que leur portée et leur impact soient aussi significatifs que la couverture médiatique prouvée dans Krauss-Maffei. À mon avis, les nouvelles commerciales concernant l’industrie du cannabis sont pertinentes pour moins de Canadiens que les nouvelles sur les opérations militaires des Forces armées canadiennes et les dépenses gouvernementales en approvisionnement de défense, sans parler du fait que les chars militaires et les entreprises qui les fournissent sont de loin moins courants que les produits et entreprises liés au cannabis.
[66] À la lumière de ce qui précède, bien que j’accepte que la marque de commerce et les noms commerciaux de l’Opposante étaient connus dans une certaine mesure au Canada à la date pertinente, je ne suis pas convaincu que l’Opposante a démontré que l’un d’eux était suffisamment connu, ou alternativement qu’ils étaient bien connus dans une région spécifique du Canada, de façon à annuler le caractère distinctif de la Marque de commerce.
[67] L’Opposante n’a donc pas réussi à s’acquitter de son fardeau de preuve. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)d) est rejeté.
Produits non conformes aux termes ordinaires
[68] En vertu de l’article 38(2)a) de la Loi, l’Opposante fait valoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(2)a) de la Loi et de l’article 29 du Règlement sur les marques de commerce, en ce sens que les produits [traduction] « Antinauséeux », [traduction] « suppléments végétaux pour la santé et le bien-être en général » et [traduction] « suppléments nutritifs pour la santé et le bien-être en général » ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce.
[69] La date pertinente pour évaluer ce motif d’opposition est la date de production de la demande.
[70] Le fardeau de preuve initial d’un opposant en vertu de l’article 30a) de la Loi est léger. Un opposant peut s’acquitter de son fardeau en faisant en sorte que le registraire prenne connaissance de manière judiciaire, sur la base d’arguments, de pourquoi ou comment chaque bien ou service particulier n’est pas un terme ordinaire du commerce [voir McDonald’s Corporation et McDonald’s Restaurants of Canada Ltd c MA Comacho-Saldana International Trading Ltd carrying on business as Macs International (1984), 1 CPR (3d) 101 à la p 104, 1984 CanLII 5841 (COMC)].
[71] L’Opposante soutient essentiellement que ces descriptions sont trop larges et ne sont pas suffisamment claires. Selon l’Opposante, chacun des termes identifiés [traduction] « s’applique à des types de produits très différents qui pourraient être utilisés différemment et circuler par des canaux de commerce distincts » [observations écrites de l’Opposante au para 35]. Par exemple, l’Opposante soutient que le terme [traduction] « antinauséeux » pourrait faire référence à des produits pharmaceutiques ou à des dispositifs médicaux (p. ex. des bracelets antinausée). En ce qui concerne les suppléments botaniques et nutritionnels, l’Opposante soutient que [traduction] « la santé et le bien-être en général » est [traduction] « si vaste qu’il couvre une grande variété de produits destinés à soutenir la santé de différentes manières », et que de tels suppléments pourraient être offerts sous diverses formes [id. au para 37, voir aussi, en général, para 31 à 39].
[72] Même si je considérais que l’Opposante avait satisfait à son exigence initiale en vertu de ce motif, j’estimerait néanmoins que les descriptions contestées répondent aux exigences de l’article 30(2)a) de la Loi. De plus, je note que les termes contestés sont actifs dans le Manuel des produits et services de l’OPIC et ont été inclus bien avant la date pertinente [concernant le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le Manuel, voir, par exemple, Effigi Inc c ZAM Urban Dynamics Inc, 2010 COMC 214 au para 67; et Johnson & Johnson c Integra Lifesciences Corp, 2011 COMC 234 au para 29].
[73] Le Requérant a donc satisfait à son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de l’article 30(2)a) de la Loi. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)a) est rejeté.
Décision
[74] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.
Eve Heafey
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Manon Duchesne
Annexe A
Demande no 1938007 pour la marque de commerce CURALEAF
[traduction]
Produits
5 (1) Antinauséeux; suppléments végétaux pour la santé et le bien-être en général; marijuana médicinale pour le soulagement temporaire des crises épileptiques; marijuana médicinale pour le soulagement de la nausée causée par la chimiothérapie; marijuana médicinale pour le soulagement de la douleur névralgique; marijuana médicinale pour le traitement des spasmes musculaires causés par la sclérose en plaques; suppléments nutritifs pour la santé et le bien-être en général; hémostatiques à usage médical.
5 (2) Capsules de cannabis pour la santé et le bien-être en général; cannabis à usage médical; huile de cannabis pour la santé et le bien-être en général; huile de cannabis à usage médicinal; boissons infusées au cannabis à usage médical; suppléments alimentaires pour animaux contenant des dérivés de cannabis à usage médicinal; suppléments alimentaires pour animaux contenant du cannabis à des fins médicinales; suppléments alimentaires pour humains contenant des dérivés du cannabis à des fins médicinales; suppléments alimentaires pour les humains contenant du cannabis à usage médicinal; aliments et substances diététiques à usage médical et vétérinaire contenant du cannabis; cannabis médicinal; nutraceutiques contenant du cannabis pour la santé et le bien-être en général; supplément[s] nutritionnels contenant des dérivés du cannabis à des fins médicinales; suppléments alimentaires contenant du cannabis ou à des fins médicinales.
7 (3) Appareils de scellement sous vide, nommément ensacheuses rechargeables.
9 (4) Haut-parleurs sans fil; casques d’écoute; habillages de téléphone mobile; housses d’ordinateur portatif.
14 (5) Chaînes porte-clés.
16 (6) Publications, comme ce qui suit : livres, magazines, dépliants, brochures, cartes postales, autocollants, affiches, fiches de recettes, calendriers, sacs-cadeaux en papier, sacs de rangement en papier, sacs à compost en papier, papier d’emballage et cartes pour occasions spéciales; sacs de rangement en plastique refermables pouvant être mis sous vide à usage domestique.
18 (7) Sacs à dos; sacs de transport.
21 (8) Contenants de rangement en plastique à usage domestique et sacs à lunch isothermes, sauf, dans le cas de chaque produit susmentionné, ceux qui sont conçus pour être utilisés avec des produits de boulangerie-pâtisserie.
25 (9) Pantalons molletonnés pour adultes; casquettes de baseball; chapeaux de baseball; vêtements de plage; ceintures; chemises à col boutonné; vêtements tout-aller; manteaux pour hommes et femmes; vêtements habillés; sous-vêtements pour femmes; sous-vêtements pour hommes; ceintures porte-monnaie; cravates; sandales; vestons d’intérieur; chaussettes; vêtements de sport, vêtements tout-aller et de sport; chandails molletonnés, tee-shirts; chemisiers à boutons; chandails; chandails molletonnés à capuchon; vestes; débardeurs; pantalons; pantalons molletonnés; shorts; leggings; chapeaux; casquettes; chaussettes; sous-vêtements; soutiensgorge; pour hommes et femmes vêtements, comme les tee-shirts à manches courtes, les teeshirts à manches longues, les débardeurs, les bustiers tubulaires, les chemises à col à boutonner, les chandails, les chandails à capuchon et à fermeture à glissière, les vêtements de nuit, les vêtements d’extérieur, les vestes, les chapeaux, les bandanas, les couvre-chefs, les tuques, les foulards, les cache-cous, les gants, les mitaines et les chaussettes.
28 (10) Planches de planche à roulettes.
29 (11) Beurre; huiles et résines alimentaires dérivées du cannabis.
30 (12) Condiments, bonbons et grignotines, comme ce qui suit : chocolat, bonbons gélifiés, bonbons durs, menthes, réglisses, caramels anglais, caramels, nougatines, biscuits, gâteaux, tartes, fudge, barres granola.
30 (13) Gâteaux contenant du cannabis; bonbons contenant du cannabis; chocolat contenant du cannabis; chocolat contenant des dérivés de cannabis; café; café et thé; boissons à base de café contenant du cannabis; boissons à base de café contenant des dérivés de cannabis; biscuits contenant du cannabis; grignotines à base de granola contenant du cannabis; grignotines à base de granola contenant des dérivés de cannabis; confiseries au sucre contenant du cannabis; confiseries au sucre contenant des dérivés de cannabis; thé; thés infusés au cannabis.
31 (14) Plants de cannabis vivants, plantes et fleurs naturelles, graines de plantes, truffes naturelles.
32 (15) Boissons énergisantes, soda, boissons gazeuses et non gazeuses aromatisées aux fruits.
32 (16) Eau embouteillée contenant du cannabis; eau embouteillée contenant des dérivés de cannabis; eau potable; boissons énergisantes contenant du cannabis; boissons énergisantes contenant des dérivés de cannabis; boissons énergisantes contenant de l’huile de cannabis; jus de fruits; boissons aromatisées aux fruits contenant du cannabis; eaux minérales et gazeuses contenant du cannabis; eaux minérales et gazeuses contenant des dérivés de cannabis.
34 (17) Cendriers; cahiers de papier à cigarettes; étuis pour cigarettes électroniques; boîtes à cigares; humidificateurs à cigares; boîtes à cigarettes; porte-briquets à cigarettes; briquets à cigarettes; papier à cigarettes; machines à rouler les cigarettes; cannabis séché; marijuana séchée; étuis à cigarettes électroniques; herbes à fumer; cartons d’allumettes; boîtes d’allumettes; boîtes d’allumettes; allumettes; cure-pipes; cure-pipes; pots à tabac.
34 (18) Résines et huiles dérivées du cannabis à usage récréatif, à fumer; résines et huiles dérivées du cannabis à usage récréatif, à vaporiser.
Services (classe de Nice et état déclaratif)
35 (1) Vente au détail de médicaments psychotropes ou non contenant du cannabis ou des cannabinoïdes, y compris du cannabis, des fleurs séchées à fumer, des extraits de cannabis et de cannabinoïdes, comme des produits pharmaceutiques infusés, des huiles, du haschich, de l’huile de haschich, du haschich à bulles, du kief, du CBD, du concentré de cannabis (shatter), des teintures, des concentrés d’huile de haschich extraite au butane, des distillats de THC et de CBD, de la résine pressée à chaud ou à froid et d’autres dérivés de cannabis et de cannabinoïdes; vente au détail et vente en ligne de vêtements pour hommes et pour femmes, comme des tee-shirts à manches courtes, des tee-shirts à manches longues, des débardeurs, des bustiers tubulaires, des chemises à col à boutonner, des chandails, des chandails à capuchon et à fermeture à glissière, des vêtements de nuit, des vêtements d’extérieur, des vestes, des chapeaux, des bandanas, des couvre-chefs, des tuques, des petits bonnets, des foulards, des cache-cous, des gants, des mitaines, des chaussettes et des casquettes de baseball; vente au détail et en ligne de publications écrites et numériques, comme des livres, des magazines, des dépliants, des brochures, des cartes postales, des autocollants, des affiches, des fiches de recettes, des calendriers, des chaînes porte-clés, des sacs-cadeaux en papier, des sacs de rangement en papier, des sacs à compost en papier, du papier d’emballage et des cartes pour occasions spéciales; vente au détail et en ligne de produits alimentaires comestibles contenant du cannabis et des cannabinoïdes, condiments, bonbons et grignotines, comme le beurre, le chocolat, la gomme, les bonbons gélifiés, les bonbons durs, les menthes, la réglisse, le caramel anglais, les caramels, le croquant, les biscuits, le gâteau, les tartes, le fudge, les barres granola; vente au détail et vente en ligne de dispositifs, d’outils, d’équipement, et d’appareils pour l’entreposage, l’extraction et la consommation de fleurs de cannabis, de cannabis séché, d’huiles, de haschich, d’huile de haschich, de haschich à bulles, de kief, de CBD, de concentré de cannabis (shatter), de teintures, de concentrés d’huile de haschich extraite au butane, de distillats de THC et de CBD, de résine pressée à chaud ou à froid et d’autres dérivés de cannabis et de cannabinoïdes en vente libre, comme des vaporisateurs, des vaporisateurs stylos, du papier à rouler, du papier pour blunts, des machines à rouler les cigarettes, des pipes, des bongs, des pipes électriques pour concentré de cannabis (shatter) ou extraits, des pipes, des moulins, des contenants de rangement à l’épreuve des enfants, des tapis en silicone, des contenants de rangement en silicone, des boîtes à cigares pourvues d’un humidificateur et des balances.
Comparutions et agents au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : 19 juin 2025
COMPARUTIONS
AGENTS AU DOSSIER