Contenu de la décision
Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2025 COMC 191
Date de la décision : 2025-09-24
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Partie requérante : Miller Thomson LLP
Propriétaire inscrite : Butchers & Packers Supplies (2001) Ltd.
[1] À la demande de Miller Thomson LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), le 25 juin 2024, à Butchers & Packers Supplies (2001) Ltd. (la Propriétaire). L’avis enjoignait à la Propriétaire d’indiquer si la marque de commerce B&P Logo Dessin reproduite ci-dessous (la Marque), visée par l’enregistrement no LMC563,494 (l’Enregistrement), a été employée au Canada en liaison avec chacun des produits et services visés par l’enregistrement et énumérés ci-dessous (les Produits et Services) à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis (la Période pertinente) :
La marque de commerce B&P Logo Dessin
[traduction]
Produits
Couteaux de boucher, trancheuses de viande, et épices d’assaisonnement.
Services
Services de vente en gros de fournitures de boucher.
[2] Si la Marque n’a pas été employée au Canada au cours de la période pertinente en liaison avec certains ou l’ensemble des Produits et Services et si le défaut d’emploi n’est pas attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l’Enregistrement de la Marque est susceptible d’être radié ou modifié en conséquence [article 45(3) de la Loi].
[3] Pour les raisons qui suivent, l’Enregistrement sera modifié pour supprimer les Produits.
Raisons de la décision
[4] Le but et l’objet de l’article 45 de la Loi consistent à assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort » [Black & Decker Corp c Method Law Professional Corp, 2016 CF 1109 au para 12]. La preuve dans une procédure prévue à l’article 45 n’a pas à être parfaite; en effet, un propriétaire inscrit doit uniquement établir une preuve prima facie d’emploi au sens des articles 4 et 45 de la Loi. Ce fardeau de preuve est très bas; il suffit que la preuve établisse des faits à partir desquels une conclusion d’emploi peut logiquement être inférée [Diamant Elinor Inc c 88766 Canada Inc, 2010 CF 1184 au para 9].
[5] En réponse à l’avis prévu à l’article 45, la Propriétaire a produit l’affidavit de Kim Kelly, la dirigeante principale des finances. La preuve de Mme Kelly comprend ce qui suit :
-
une description de l’entreprise de la Propriétaire comme étant une [traduction] « entreprise de vente en gros et de détail de fournitures de boucher établie à Edmonton, en Alberta » [para 5];
-
une photo de la devanture de la Propriétaire de mars 2023, présentant la Marque arborée en évidence dans la fenêtre avant et sur une affiche suspendue à l’avant de l’édifice [para 6 et Pièce A];
-
des exemples de publicités imprimées arborant la Marque qui ont été publiées au cours de la période pertinente dans le magazine Police Vision et le Alberta Guide to Hunting Regulations [para 8 et 9 et Pièces B et C];
-
un exemple de bordereau de vente fourni aux clients faisant des achats en magasin tout au long de la période pertinente, lequel présente la Marque dans la partie supérieure [para 11 et Pièce D];
-
un exemple d’un encart arborant la Marque qui est compris dans les commandes qui sont expédiées par la poste aux clients [para 12 et Pièce E].
[6] Mme Kelly fournit également quatre exemples de factures qui, selon ses indications, ont été émises aux clients de gros, dont trois sont datées à l’intérieur de la période pertinente. Mme Kelly affirme que les commandes pour lesquelles les factures ont été émises comprenaient l’encart arborant la Marque mentionné ci-dessus [para 13 et Pièces F à I].
[7] La Partie requérante soutient que la preuve de la Propriétaire ne démontre aucun emploi de la Marque en liaison avec les Produits [observations écrites de la Partie requérante, aux para 18 à 25]. Lors de l’audience, la Propriétaire était d’accord. Je suis également d’accord. L’Enregistrement sera donc modifié pour supprimer les Produits.
[8] En ce qui a trait aux Services, la Partie requérante a reconnu lors de l’audience que la preuve démontre l’emploi de la Marque en liaison avec les services, mais pas des services de vente en gros de fournitures de boucher. La Partie requérante soutient que la déclaration de Mme Kelly au paragraphe 13 de son affidavit, que la Propriétaire vend à la fois à des clients de gros et de détail, est une simple affirmation de la clientèle de la Propriétaire et qu’il n’y a aucune preuve supplémentaire qui permet au registraire de former une opinion quant à savoir si la Propriétaire a offert des services de vente en gros de fournitures de boucher. Selon l’observation de la Partie requérante, la preuve suggère que la Marque est en fait employée en liaison avec des services de vente de détail de fournitures de boucher.
[9] La Partie requérante cite la décision de la Cour fédérale dans Guido Berlucchi & C Srl’s c Brouillette Kosie Prince, 2007 CF 245 (Guido Berlucchi) pour la proposition que les affidavits dans les procédures prévues à l’article 45 ne doivent pas simplement affirmer, mais doivent démontrer l’emploi de la marque de commerce. En particulier, la Cour fédérale dans Guido Berlucchi indique ce qui suit aux paragraphes 18 et 19 (mon accentuation) :
Dans une procédure en vertu de l’article 45, le fardeau de la preuve incombe au propriétaire inscrit de la marque de commerce; il est cependant clair que ce fardeau n’est pas lourd. Le propriétaire doit simplement fournir une preuve prima facie d’emploi au sens de l’article 4 de la Loi. À cet égard, il est également clair qu’un affidavit contenant de simples allégations d’emploi reprenant les termes de la loi est insuffisant (Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc., (1980) 1980 CanLII 2739 (CAF), 53 C.P.R. (2d) 62; [1981] 1 C.F. 679 (QL)). Un affidavit ne doit pas simplement dire qu’il y a eu emploi mais le démontrer en décrivant les faits qui permettront au registraire ou à la Cour de se faire une opinion ou de déduire logiquement qu’il y a eu emploi au sens de l’article 4.
Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel fédérale dans Central Transport Inc. c. Mantha & Associés/Associates (1995), 1995 CanLII 19245 (FCA), 64 C.P.R. (3d) 354, [1995] A.C.F. no 1544 (C.A.F.) (QL) :
Dans un certain sens, toutes les déclarations contenues dans un affidavit constituent de « simples assertions »; ce que la Cour a jugé inadéquat dans les procédures engagées en vertu de l’article 45 sont les assertions portant sur l’emploi (une question de droit) par opposition aux assertions de fait démontrant l’emploi […] Il ressort clairement du résumé de la preuve rédigé par le juge que les faits démontrent l’emploi c’est-à-dire que l’appelante « a exploité son entreprise de transport au Canada en se servant de camions et de remorques portant la marque de commerce ». C’est tout ce qu’il lui était nécessaire de prouver.
[10] Selon ce qui précède, il est clair que ce qui n’est pas acceptable dans les procédures prévues à l’article 45 est des affirmations qui reprennent les termes de la loi et qui affirment, comme question de droit, qu’une marque de commerce « était employée » conformément à l’article 4 de la Loi. Autrement dit, la preuve qui émet une opinion quant à la question ultime présentée au registraire, à savoir si une marque de commerce était employée au sens de l’article 4, n’est pas acceptable.
[11] Plutôt, ce que la Propriétaire doit fournir est la preuve décrivant ou alléguant les faits qui permettent au registraire de conclure à une preuve prima facie d’emploi de la Marque, conformément à l’article 4 de la Loi. C’est exactement ce que la Propriétaire a fourni en l’espèce. La déclaration sous serment de Mme Kelly que la Propriétaire vend à la fois aux clients de gros et de détail [para 13] et l’exemple de factures qui, selon ses affirmations, sont destinées à des clients de gros [para 13 et Pièces F à I] sont la preuve du fait que la Propriétaire a vendu à des clients de gros. Selon l’admission de la Partie requérante, l’expression [traduction] « services de vente en gros de fournitures » est comprise dans les termes ordinaires du commerce comme l’approvisionnement de produits à des détaillants, lesquels revendent les produits aux consommateurs [observations écrites de la Partie requérante au para 29]. Par conséquent, les déclarations de Mme Kelly faisant référence au terme « vente en gros » ne sont pas des affirmations de conclusions juridiques, mais la preuve décrivant le fait que la Propriétaire vendait à des détaillants, lesquels revendaient les produits aux consommateurs. Aucune autre preuve de la clientèle de la Propriétaire n’est requise.
[12] En ce qui a trait à l’observation de la Partie requérante que la preuve suggère que la Propriétaire offrait en fait des services de vente de détail, je note que Mme Kelly affirme que des services de vente de détail étaient offerts, en plus des services de vente en gros. Ce n’est donc pas surprenant que des parties de la preuve de Mme Kelly suggèrent que des services de vente de détail ont été offerts. Peu importe, la déclaration sous serment de Mme Kelly que la Propriétaire offre des services de vente en gros et de détail de fournitures de boucher doit se voir accorder une crédibilité substantielle en l’absence de preuve du contraire [Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Atari Interactive, Inc, 2018 COMC 79 au para 25]. Non seulement n’y a-t-il rien dans la preuve qui est incohérent avec la déclaration de Mme Kelly que des services de vente en gros ont été offerts, l’exemple de factures de ventes en gros vise des quantités de produits qui correspondent à l’offre de services de vente en gros [voir la Pièce G, laquelle porte sur la vente de 5 boîtes d’agrafes, contenant 2 millions d’agrafes par boîte; voir également la Pièce H, laquelle porte sur la vente de centaines de boyaux pour saucisses de divers types].
[13] Bref, je suis convaincu que la Propriétaire a offert des services de vente en gros de fournitures de boucher au Canada au cours de la période pertinente pour les raisons énoncées ci-dessus. De plus, je suis convaincu que la Marque était arborée dans les publicités pour les services, au moins sur l’affichage dans les installations de la Propriétaire, et dans l’exécution des services, à tout le moins sur les encarts fournis aux clients de commandes par la poste [para 12 et 13 et Pièce E]. Tout ce qui précède établit à tout le moins une preuve prima facie d’emploi de la Marque en liaison avec les Services en vertu de l’article 4(2) de la Loi.
Décision
[14] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’Enregistrement sera modifié pour supprimer les Produits selon les dispositions de l’article 45 de la Loi. L’Enregistrement sera maintenu en ce qui a trait aux Services.
Jaimie Bordman
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
William Desroches
Manon Duchesne
Comparutions et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : 2025-08-18
COMPARUTIONS
Pour la Partie requérante : Alissa Ricioppo
Pour la Propriétaire inscrite : Nathan Woodruff
AGENTS AU DOSSIER
Pour la Partie requérante : Miller Thomson LLP
Pour la Propriétaire inscrite : Nathan Woodruff