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Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2025 COMC 189
Date de la décision : 2025-09-19
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Opposante : Loaded Pierogi Franchising Inc.
Requérante : 2198515 Ontario Ltd.
Demande : 2,110,673 pour PEROGIES & POUTINE et Dessin
Introduction
[1] 2198515 Ontario Ltd. (la Requérante) a produit la demande d’enregistrement pour la marque de commerce PEROGIES & POUTINE et Dessin (la Marque) reproduite ci-dessous :
[2] La demande d’enregistrement de la Marque est en liaison avec les services suivants (collectivement, les Services de la Requérante) :
Services (classe de Nice et état déclaratif)
[traduction]
35(1) Assistance technique dans l’établissement et l’opération de franchises de restaurants
43(2) Services de bars et restaurants; services de traiteur; services proposant des aliments prêts à manger à emporter
45(3) octroi de licences de concepts de franchise
[3] Loaded Pierogi Franchising Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la Marque. L’opposition est principalement fondée sur des allégations selon lesquelles la Marque crée de la confusion avec quatre de ses marques de commerce « LOADED PIEROGI » (collectivement, les Marques de l’Opposante) enregistrées ou visées par une demande d’enregistrement en liaison avec un certain nombre de produits et services, y compris des produits d’alimentation et des services de restaurant, tels qu’énoncés à l’annexe A de la présente décision, et incluant la marque figurative reproduite ci-dessous :
[4] Pour les raisons qui suivent, la demande est rejetée.
Le dossier
[5] La demande a été produite le 31 mai 2021. La Demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 21 septembre 2022. Le 21 novembre 2022, l’Opposante s’est opposée à la demande en produisant une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi).
[6] Les motifs d’opposition sont résumés ci-dessous :
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Contrairement aux articles 30i) et 38(2)a.1) de la Loi, la demande a été produite de mauvaise foi puisque la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer ou d’enregistrer la Marque au Canada en liaison avec les Services de la Requérante en raison de l’emploi antérieur par l’Opposante des Marques de l’Opposante.
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Contrairement aux articles 38(2)b) et 12(1)b) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire de la nature ou de la qualité des Services de la Requérante.
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Contrairement aux articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les Marques de l’Opposante.
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Contrairement aux articles 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que la Marque crée de la confusion avec les Marques de l’Opposante.
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Contrairement aux articles 38(2)c) et 16(1)b) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que la Marque crée de la confusion avec les Marques de l’Opposante, à l’égard desquelles une demande a été produite antérieurement par l’Opposante.
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Contrairement aux articles 38(2)d) et 2 de la Loi, la Marque n’est pas distinctive de la Requérante parce qu’elle ne distingue pas, et n’est pas adaptée pour distinguer, les Services de la Requérante des produits et services de l’Opposante, car elle crée de la confusion avec les Marques de l’Opposante.
[7] Je note que l’Opposante a également invoqué un motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) de la Loi, toutefois, puisqu’il n’y a aucun article de cette sorte dans la Loi actuelle, ce plaidoyer ne constitue pas un motif d’opposition valide et, peu importe, semble être redondant à la lumière des deux autres motifs fondés sur le droit à l’emploi et à l’enregistrement.
[8] Le 2 février 2023, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration. Les deux parties ont produit une preuve et des observations écrites; aucune audience n’a été tenue.
Preuve
Preuve de l’Opposante
[9] Comme preuve dans la présente procédure, l’Opposante a produit l’affidavit de Bryan Burke, le directeur de l’Opposante, souscrit le 2 juin 2023.
[10] L’affidavit de M. Burke contient ce qui suit :
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Des renseignements au sujet de l’Opposante et de son entreprise, y compris le fait que, depuis 2014, 15 franchises Loaded Pierogi ont été ouvertes Canada et utilisent, ou utilisaient, les Marques de l’Opposante assujetties à une licence qui est jointe à titre de Pièce D.
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Des captures d’écran du site Web de l’Opposante prises à l’aide de l’archive en ligne Wayback Machine illustrant la façon dont le site Web était présenté à divers points entre 2015 et 2023 (Pièces I et J). Je note que les Marques de l’Opposante, y compris les marques figuratives, figurent dans chacune des captures d’écran de la Pièce I, toutefois seule la marque nominale figure dans les captures d’écran de la Pièce J. Des captures d’écran des plateformes Door Dash, Uber Eats et Skip The Dishes affichant les produits alimentaires offerts par l’Opposante, arborant la marque nominale, mais pas la marque figurative, sont jointes à titre de Pièce E. Des captures d’écran du site Web de la Requérante sont jointes à titre de Pièce F.
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Les chiffres de ventes brutes pour chacune des franchises de l’Opposante pour les périodes pendant lesquelles ces franchises étaient actives, remontant aussi tôt qu’au 1er janvier 2015. Les ventes brutes pour chaque emplacement comptent pour des centaines de milliers ou des millions de dollars par franchise. Des exemples de factures sont joints à titre de Pièce K.
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Des renseignements concernant les activités promotionnelles de l’Opposante, y compris un échantillon du matériel promotionnel daté de 2014 à 2023 (Pièce L), des captures d’écran de médias sociaux (Pièces M et N), un billet du site Web BlogTO du 13 novembre 2014 (Pièce O) et du site Web Daily Hive du 23 novembre 2018 (Pièce P) et d’autres articles (Pièce Q). La marque nominale est arborée dans l’ensemble de ces documents; la marque figurative est présente dans les billets datés d’aussi tôt que septembre 2014 et d’aussi tard que décembre 2022.
[11] M. Burke n’a pas été contre0interrogé au sujet de son affidavit.
Preuve de la Requérante
[12] À titre de preuve dans cette procédure, la Requérante a produit l’affidavit de Bill Argo, le vice-président de la Requérante, souscrit le 2 octobre 2023.
[13] L’affidavit de M. Argo contient ce qui suit :
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Des renseignements contextuels portant sur le fait que M. Argo est un directeur de The Symposium Cafe Inc., le franchiseur en chef de la chaîne de restaurants Symposium Cafe (Chaîne Symposium), créée par M. Argo et son frère, Terry Argo.
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Des renseignements portant sur le fait que les frères Argo possèdent six [traduction] « concepts de restaurant virtuel », lesquels sont un modèle d’affaires qui emploie les cuisines et les employés d’un restaurant d’une tierce marque, plutôt que de maintenir leurs propres installations arborant leur marque, et offre ses services exclusivement au moyen de repas à emporter et de livraisons par l’entremise de plateformes comme Door Dash, Skip The Dishes et Uber Eats. Perogies & Poutine est l’un de ces « concept[s] » de restaurant virtuel; M. Argo affirme que le concept appartient à une entreprise affiliée, Crest Kitchens Corp. (Crest), et est licencié à la Chaîne Symposium.
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Des renseignements portant sur le fait que Perogies & Poutine est disponible dans le sud de l’Ontario depuis l’automne 2020 et continue d’être disponible. À titre de Pièce B, M. Argo joint des captures d’écran du site Web Perogies & Poutine, lequel, selon ses affirmations, a été exploité sans interruption depuis octobre 2020.
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Les détails de marque de commerce pour un certain nombre de marques de commerce contenant les mots « perogy », « perogies », « perog », « pierogi » et « pierog ».
[14] M. Argo a été contre-interrogé au sujet de son affidavit, comme il en sera question de façon plus détaillée ci-dessous.
Question préliminaire : Lacunes alléguées dans la preuve de la Requérante
[15] L’Opposante fait valoir que, à la lumière du fait que l’affidavit Argo a été rédigé par avocat et souscrit par M. Argo [transcription du contre-interrogatoire Argo, Q156 à 166] et à la lumière d’un certain nombre de lacunes alléguées dans l’affidavit Argo, y compris un manque de renseignements concernant la relation entre la Requérante, la Chaîne Symposium et Crest, ainsi que le refus de M. Argo de répondre à certaines questions lors de son contre-interrogatoire, une conclusion négative doit être tirée à l’égard des faits établis dans l’affidavit Argo et aucun poids ne devrait leur être accordé.
[16] Je ne suis pas prêt à accorder à l’affidavit Argo un poids réduit simplement parce qu’il a été rédigé par avocat. Il n’y a aucune exigence que le texte d’un affidavit soit rédigé par l’auteur de l’affidavit personnellement; plutôt, un auteur d’affidavit doit attester de la véracité du contenu de l’affidavit [Onward Multi-Corp Inc c Empire Comfort Systems, Inc, 2021 COMC 297, au para 35], ce que M. Argo a fait en l’espèce. Même si je suis d’accord avec l’Opposante que certaines parties de l’affidavit Argo sont davantage de la nature d’un argument juridique que d’un énoncé de fait, y compris la discussion des marques de commerce de l’Opposante débutant au paragraphe 14, je suis malgré tout prêt à accepter prima facie les énoncés de fait dans son affidavit à l’égard des activités de la Chaîne Symposium, de Crest et de Perogies & Poutine.
[17] De plus, même si la façon dont ces entités sont associées à la Requérante n’est pas claire dans l’affidavit, M. Argo a expliqué qu’il est à la fois le vice-président de la Requérante et un directeur de la Chaîne Symposium [Affidavit Argo, para 2] et que cette dernière à un contrat de licence pour vendre ses articles au menu en liaison avec la Marque [affidavit Argo, Q45]. Lorsqu’un particulier est un administrateur ou un dirigeant du propriétaire inscrit et du titulaire de licence allégué, une conclusion peut être tirée que le contrôle requis existe en vertu de l’article 50 de la Loi [voir Petro-Canada c 2946661 Canada Inc (1998), 83 CPR (3d) 129 (CF 1re inst); Lindy c Canada (Registraire des marques de commerce), [1999] ACF no 682 (CAF)].
Motif d’opposition : Article 12(1)d)
[18] L’Opposante allègue que, en contravention à l’article 12(1)d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable en raison des enregistrements de l’Opposante pour les marques de commerce déposées de l’Opposante Marque figurative LOADED PIEROGI, enregistrement no LMC968,011; et LOADED PIEROGI, enregistrement no LMC968,010. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour consulter le registre et confirmer que ces enregistrements existent toujours [selon Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d).
[19] Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de ce motif d’opposition, je dois déterminer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque de la Requérante et les enregistrements susmentionnés de l’Opposante. La date pertinente en ce qui a trait à la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de la présente décision [Simmons Ltd c A to Z Comfort Beddings Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].
[20] Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre des produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids égal à ces facteurs énumérés [voir, en général, Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 (Masterpiece)].
[21] Enfin, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais la confusion entre des produits ou des services provenant d’une source qui sont considérés comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question posée par l’article 6(2) est de savoir s’il y aurait confusion quant à la source des Services de la Requérante offerts en liaison avec la Marque, de telle sorte qu’ils seraient considérés comme provenant de l’Opposante.
[22] Dans l’exécution de l’analyse de la confusion, je me concentrerai sur la Marque figurative LOADED PIEROGI de l’Opposante, numéro de demande 1719654, enregistrement no LMC968,011 (la Marque 011), puisqu’elle représente le meilleur argument de l’Opposante en ce qui concerne la question de la confusion.
Degré de ressemblance
[23] L’Opposante fait valoir que les marques de commerce sont fortement similaires. À cet égard, l’Opposante fait valoir que la différence mineure d’orthographe entre perogies et pierogi n’atténue pas le degré de ressemble, puisque les mots sont interchangeables et indistinguables sur le plan phonétique. En ce qui a trait à l’élément figuratif, l’Opposante note que la Marque 011 et la Marque contiennent toutes deux les descriptions du Code de Vienne suivantes :
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25.1.6 Banderoles, cartouches
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24.3.1 Sceaux ou cachets
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A 24.3.9 Sceaux ou cachets présentant une autre forme
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A 24.3.17 Sceaux ou cachets avec la représentation de figures ou de corps géométriques
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A 24.3.18 Sceaux ou cachets avec des inscriptions
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A 24.3.19 Sceaux ou cachets avec d’autres éléments figuratifs
[24] L’Opposante note que les mots figurent à des emplacements semblables dans la partie supérieure du dessin et sur la bannière et le sceau porte la même bordure festonnée.
[25] La Requérante fait valoir que les marques de commerce des parties ne sont ni identiques ni très similaires, puisque la Marque partage un seul mot orthographié différemment, au pluriel plutôt qu’au singulier, et est dans une position non dominante comparativement à la Marque 011. La Requérante note que la Marque emploie d’autres mots, lettres et symboles qui ne sont pas présents dans la Marque 011, y compris l’élément dominant « P&P » et le mot « Poutine », dans des polices différentes de celles présentes dans la Marque 011, et ne comporte pas le mot « Loaded ». La Requérante fait également valoir que les seules ressemblances sont la forme festonnée circulaire et la bannière intérieure, laquelle est décrite par la Requérante comme des caractéristiques figuratives génériques qui sont extrêmement courantes. À l’appui, la Requérante fait référence à un certain nombre de marques de commerce partageant des caractéristiques figuratives semblables, toutefois je note qu’aucune de ces marques de commerce n’a été versée de façon appropriée dans la preuve.
[26] De plus, la Requérante fait valoir que sa Marque comprend 23 éléments figuratifs particuliers comparativement aux 14 inclus dans la Marque 011, dont seulement 6 sont partagés avec la Marque. Parmi les éléments figuratifs intégrés dans la Marque, mais pas la Marque 011, figurent le dessin de dièse intérieur comparativement à une couleur intérieure solide, une bannière droite avec des extrémités indentées comparativement à une bannière courbée avec des extrémités plates, des mots encadrés par des lignes horizontales comparativement à des étoiles, un anneau intérieur épais contenant des mots comparativement à des lignes minces ne comportant aucune écriture et l’absence des images de pierogi et de rouleau à pâte.
[27] Lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, la loi est claire : il faut tenir compte des marques de commerce dans leur totalité; il n’est pas approprié de les placer côte à côte, et de comparer et de relever les ressemblances ou les différences entre leurs éléments constitutifs. Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a indiqué que, lorsqu’on compare des marques de commerce, il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de celles-ci est particulièrement frappant ou unique. Je note également que, à l’égard des observations des parties sur les ressemblances et les différences entre les descriptions du Code de Vienne associées aux marques, les renseignements employés par le registraire à des fins d’indexation ne sont pas pertinents aux fins de l’évaluation du degré de ressemblance entre les marques de commerce [Levi Strauss & Co c 167081 Canada Inc (2009), 76 CPR (4th) 228, au para 31].
[28] En l’espèce, j’estime que l’aspect le plus frappant des deux marques de commerce est l’effet combiné des éléments figuratifs et nominaux. L’impression générale des marques de commerce émane donc de la combinaison du dessin circulaire festonné, de la bannière et du texte sur chaque marque de commerce, lequel fait référence aux pierogis dans les deux cas. Les marques de commerce partagent certaines ressemblances dans le son et en termes d’idées suggérées, puisqu’elles comportent toutes deux le mot perogies/pierogi. Sur le plan visuel, il y a un certain nombre de différences entre les marques de commerce; les initiales de grande taille et la perluète par rapport à l’arrière-plan échiqueté entouré d’un cercle de couleur pâle contenant du texte dans la Marque ne figurent pas dans la Marque 011 et les éléments graphiques de pierogi et de rouleau à pâte sur un arrière-plan solide de couleur foncée sont absents de la Marque. Malgré tout, j’estime que se concentrer trop lourdement sur ces détails secondaires mènerait au type d’analyse côte à côte jugée inadmissible par la Cour suprême. En appliquant le test de la première impression formulé par la Cour suprême [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au para 20], j’estime que les marques en question se ressemblent dans un degré appréciable.
[29] Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.
Caractère distinctif inhérent et acquis
[30] Puisque les deux marques de commerce sont composées d’éléments figuratifs circulaires avec des bannières et du texte qui est quelque peu descriptif des produits ou services respectifs des parties, j’estime qu’elles possèdent un degré de caractère distinctif inhérent généralement équivalent.
[31] En ce qui a trait au caractère distinctif acquis, l’Opposante a fourni la preuve de millions de dollars en revenus bruts depuis 2015, ainsi que des exemples de ses activités promotionnelles. La Requérante n’a fourni aucun chiffre de vente et ses exemples d’activités promotionnelles se limitent à une entrevue accordée à Franchise Canada Online, toutefois aucun renseignement admissible n’est fourni quant à la mesure dans laquelle cette entrevue, ou le site Web de la Requérante, a été consultée par les Canadiens à un quelconque moment. La Requérante fait valoir que, en raison de la fermeture d’approximativement le tiers des restaurants de l’Opposante en date de 2022, même si approximativement vingt-deux « concepts » Perogies & Poutine sont présentement exploités dans le sud de l’Ontario, on peut conclure que [traduction] « l’entreprise de la Requérante est prospère alors que l’entreprise de l’Opposante se contracte ». Cependant, puisque l’Opposante exploite des restaurants physiques alors que les produits de la Requérante sont seulement disponibles comme repas à emporter et pour la livraison, et en l’absence de tout renseignement concernant les chiffres de ventes ou les dépenses publicitaires de la Requérante, je n’estime pas qu’il s’agisse d’une comparaison utile.
[32] Compte tenu de la preuve de l’Opposante de ses chiffres de ventes depuis 2015, j’estime que la Marque 011 de l’Opposante a acquis un caractère distinctif plus important que celui de la Marque.
[33] Dans l’ensemble, ce facteur favorise l’Opposante.
Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage
[34] L’Opposante a offert des services en liaison avec sa marque de commerce depuis 2014, alors que la Requérante offre des services en liaison avec la Marque depuis 2020. À cet égard, la Requérante fait valoir que, compte tenu de l’étendue de l’emploi de sa marque de commerce et de la trajectoire des entreprises des parties, y compris le fait qu’un certain nombre de restaurants de l’Opposante semblent avoir été fermés, ce facteur doit favoriser la Requérante. Cependant, même si l’étendue de l’emploi ou la « trajectoire » des entreprises étaient pertinentes pour ce facteur, je ne suis pas prêt à arriver à des conclusions quant à l’étendue de l’emploi de la Marque de la Requérante seulement à partir du fait qu’approximativement vingt-deux des « concepts » Perogies & Poutine de la Requérante sont présentement exploités dans le sud de l’Ontario.
[35] Par conséquent, ce facteur favorise l’Opposante.
Genre des produits, services ou entreprises, et nature du commerce
[36] Lorsqu’on examine les articles 6(5)c) et d) de la Loi, c’est l’état déclaratif des produits et services, tel que défini dans l’enregistrement no LMC968,011 de l’Opposante, et l’état déclaratif actuel des services figurant dans la demande d’enregistrement de la Marque qui régissent l’évaluation de la probabilité de confusion en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Cependant, étant donné que chaque état déclaratif doit être lu dans l’optique de déterminer le type probable d’entreprise envisagé, une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile [voir Mcdonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd, 1996 CanLII 3963 (CAF); Mcdonald’s Corp c Silcorp Ltd (1989), 55 CPR (2d) 207 (CF 1re inst), conf par (1992), 41 CPR (3d) 67 (CAF)].
[37] En l’espèce, les services des parties comprennent des services de restaurant et des services de franchisage et, par conséquent, se chevauchent directement. En ce qui a trait aux voies de commercialisation, même si la preuve indique que l’Opposante offre ses services de restaurant à des établissements traditionnels alors que les services d’alimentation de la Requérante sont offerts par livraison en ligne et par repas pour emporter seulement, j’estime qu’il existe malgré tout une probabilité de chevauchement des voies de commercialisation, compte tenu du genre semblable des services et des offres des parties. À cet égard, je note que l’Opposante semble offrir ses services par l’entremise des mêmes applications de livraison en ligne que la Requérante, y compris Uber Eats, DoorDash et Skip The Dishes.
[38] Par conséquent, les deux facteurs favorisent l’Opposante.
Autres circonstances de l’espèce : Aucun cas de confusion réelle
[39] Aucune preuve de cas de confusion réelle n’est requise pour démontrer l’existence d’une probabilité de confusion. Cependant, une inférence négative peut être tirée de l’absence de cette preuve, mais seulement lorsque les marques de commerce des deux parties ont été employées de façon simultanée de manière étendue [voir Christian Dior, SA c Dion Neckwear Ltd, 2002 CAF 29, 20 CPR (4 th) 155 (CAF), au para 19; voir également Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. En l’espèce, comme il est souligné ci-dessus, le simple fait que Perogies & Poutine est disponible dans le sud de l’Ontario depuis l’automne 2020, avec approximativement vingt-deux « concepts » Perogies & Poutine présentement exploités, est insuffisant pour conclure que l’emploi de la Marque est étendu.
[40] Par conséquent, il ne s’agit pas d’une autre circonstance de l’espèce qui appuie la Requérante.
Autres circonstances de l’espèce : état du marché
[41] L’affidavit Argo comprend, à titre de Pièce C, les détails pour un certain nombre de marques de commerce formées de perogy et de pierogi, dont environ dix qui semblent exister dans le registre et appartenir à d’autres parties que l’Opposante. À la lumière de ces marques de commerce, M. Argo fait valoir que, à son avis, [traduction] « le grand public consommateur est suffisamment sophistiqué pour distinguer » les marques de commerce en question. Cependant, dans la mesure que ces marques de commerce de tiers visent à former la preuve quant à l’état du marché, la Cour d’appel fédérale a confirmé que les conclusions fondées sur le registre ne devraient être tirées que lorsqu’il y a un grand nombre d’enregistrements pertinents et un emploi réel [Tweak-D Inc c Canada (Procureur général), 2023 CAF 238, au para 14]. Je ne suis pas prêt à tirer une quelconque conclusion quant à l’état du marché seulement à partir de l’existence de ces marques de commerce dans le registre.
[42] Par conséquent, il ne s’agit pas d’une autre circonstance de l’espèce qui appuie la Requérante.
Conclusion
[43] Dans l’application du test en matière de confusion, je l’ai examiné comme une question de première impression et de souvenir imparfait et j’ai tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce. Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce est le facteur le plus important pour trancher la question de la confusion [Masterpiece; Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 (CF 1re inst), à la p 149, conf par 60 CPR (2d) 70 (CAF)]. En outre, l’article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais plutôt sur la confusion quant à la source des produits ou services.
[44] En l’espèce, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau d’établir qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la Marque 011 de l’Opposante. J’arrive à cette conclusion compte tenu du degré élevé de ressemblance entre les marques de commerce, le chevauchement entre les services des parties, ainsi que la période plus grande d’emploi et le caractère distinctif acquis de la Marque 011 de l’Opposante. Par conséquent, j’estime qu’il existe une possibilité raisonnable qu’un consommateur pressé qui rencontre la Marque et a un souvenir imparfait de la Marque 011 arrive à la conclusion erronée que les services offerts en liaison avec la Marque proviennent de l’Opposante.
[45] Ainsi, ce motif d’opposition est accueilli.
Motif d’opposition : Article 16(1)a)
[46] En vertu des articles 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, l’Opposante plaide que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que la Marque crée de la confusion avec les Marques de l’Opposante.
[47] La preuve de la Requérante indique que cette dernière emploie la Marque depuis l’automne 2020 en liaison avec des services de restaurant ou des services de restauration rapide à emporter. Ainsi, afin de s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer qu’au moins une de ses marques de commerce a été employée avant cette date et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande (le 21 septembre 2022). Même si la date précise de premier emploi de la Marque n’est pas claire dans la preuve de la Requérante, la preuve de l’Opposante démontre l’emploi de ses marques de commerce nominales et figuratives entre septembre 2014 et décembre 2022 dans le contexte de l’annonce de ses services de restaurant et je suis convaincu, selon l’intégralité de la preuve incluant des chiffres de ventes et des dépenses publicitaires, que les publicités ont été vues par des consommateurs et que de tels services ont été offerts par l’Opposante aux dates pertinentes. Ainsi, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau à l’égard de ce motif d’opposition.
[48] J’arrive aux mêmes conclusions dans l’analyse relative à la confusion que celles tirées relativement au motif fondé sur l’article 12(1)d), puisque la différence dans les dates pertinentes fait peu de différence dans l’analyse relative à la confusion.
[49] Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.
Dernier motif d’opposition
[50] Étant donné que l’Opposante a déjà eu gain de cause à l’égard de deux motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition.
Décision
[51] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.
___________________________
G.M. Melchin
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
William Desroches
Hamza Essamir
Comparutions et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : Aucune audience tenue
AGENTS AU DOSSIER
Pour l’Opposante : Elizabeth S. Dipchand (Dipchand LLP)
Pour la Requérante : John Yiokaris (Sotos LLP)
Annexe A
Marque figurative LOADED PIEROGI, numéro de demande 1719654, enregistrement no LMC968,011
Produits (classe de Nice et état déclaratif)
[traduction]
(1) Plats préparés, nommément pierogis; plats préparés à base de pierogis.
(2) Boissons non gazeuses, nommément boissons aux fruits et jus de fruits, jus de légumes, thé et boissons à base de thé, café et boissons à base de café.
(3) Boissons gazeuses, nommément boissons gazéifiées, eau gazeuse, boissons gazeuses aromatisées aux fruits.
(4) Boissons alcoolisées, nommément bière et cocktails à base de bière, vin et boissons à base de vin, cocktails alcoolisés; liqueurs; spiritueux, nommément whisky et boissons à base de whisky ou contenant du whisky, vodka et boissons à base de vodka ou contenant de la vodka, gin et boissons à base de gin ou contenant du gin, rhum et à boissons à base de rhum ou contenant du rhum, brandy et boissons à base de brandy ou contenant du brandy.
Services (classe de Nice et état déclaratif)
[traduction]
(1) Services de restaurant, nommément préparation et service d’aliments et de boissons dans des restaurants.
(2) Services de restaurant, nommément préparation et service d’aliments et de boissons pour emporter à partir de restaurants.
(3) Services de restaurant, nommément préparation et service d’aliments et de boissons pour la livraison à partir de restaurants.
(4) Services de franchisage concernant des restaurants, des restaurants avec services de livraison, des restaurants avec comptoir de mets à emporter servant des aliments et des boissons et des restaurants avec service au volant, nommément offre de conseils concernant la sélection d’emplacements ainsi que la construction et l’aménagement d’une franchise, inspection sur place de franchises, offre de formation sur l’exploitation d’une franchise et fourniture des produits nécessaires à l’exploitation d’une franchise.
(5) Services de publicité, de marketing et de promotion pour des tiers, nommément publicité, marketing et promotion des produits et des services de restaurants, de restaurants offrant des services de livraison et de plats à emporter franchisés par l’administration et le décaissement de fonds à des fins publicitaires et promotionnelles.
MARQUE FIGURATIVE LOADED PIEROGI, numéro de demande 2111944
Produits (classe de Nice et état déclaratif)
[traduction]
29(1) Salades de légumes; poutine; plats principaux composés principalement de pommes de terre frites; plats principaux composés principalement de pommes de terre frites et de porc; plats principaux composés principalement de pommes de terre frites et de bœuf; plats principaux composés principalement de pommes de terre frites et de poulet; grignotines à base de légumes; grignotines à base de fromage; trempettes pour grignotines; plats préparés à base de légumes; plats préparés à base de fromage; plats principaux composés principalement de macaronis au fromage; plats principaux composés principalement de macaronis au fromage et de porc; plats principaux composés principalement de macaronis au fromage et de bœuf; plats principaux composés principalement de macaronis au fromage et de poulet.
30(2) Carrés au chocolat.
30(3) Plats préparés composés principalement de pâtes alimentaires; macaronis au fromage; plats préparés à base de macaronis.
LOADED PIEROGI, numéro de demande 1719653, enregistrement no LMC968,010
Produits (classe de Nice et état déclaratif)
[traduction]
(1) Plats préparés, nommément pierogis; plats préparés à base de pierogis.
(2) Boissons non gazeuses, nommément boissons aux fruits et jus de fruits, jus de légumes, thé et boissons à base de thé, café et boissons à base de café.
(3) Boissons gazeuses, nommément boissons gazéifiées, eau gazeuse, boissons gazeuses aromatisées aux fruits.
(4) Boissons alcoolisées, nommément bière et cocktails à base de bière, vin et boissons à base de vin, cocktails alcoolisés; liqueurs; spiritueux, nommément whisky et boissons à base de whisky ou contenant du whisky, vodka et boissons à base de vodka ou contenant de la vodka, gin et boissons à base de gin ou contenant du gin, rhum et à boissons à base de rhum ou contenant du rhum, brandy et boissons à base de brandy ou contenant du brandy.
Services (classe de Nice et état déclaratif)
[traduction]
(1) Services de restaurant, nommément préparation et service d’aliments et de boissons dans des restaurants.
(2) Services de restaurant, nommément préparation et service d’aliments et de boissons pour emporter à partir de restaurants.
(3) Services de restaurant, nommément préparation et service d’aliments et de boissons pour la livraison à partir de restaurants.
(4) Services de franchisage concernant des restaurants, des restaurants avec services de livraison, des restaurants avec comptoir de mets à emporter servant des aliments et des boissons et des restaurants avec service au volant, nommément offre de conseils concernant la sélection d’emplacements ainsi que la construction et l’aménagement d’une franchise, inspection sur place de franchises, offre de formation sur l’exploitation d’une franchise et fourniture des produits nécessaires à l’exploitation d’une franchise.
(5) Services de publicité, de marketing et de promotion pour des tiers, nommément publicité, marketing et promotion des produits et des services de restaurants, de restaurants offrant des services de livraison et de plats à emporter franchisés par l’administration et le décaissement de fonds à des fins publicitaires et promotionnelles.
LOADED PIEROGI, demande numéro 2111943
Produits (classe de Nice et état déclaratif)
[traduction]
29(1) Salades de légumes; poutine; plats principaux composés principalement de pommes de terre frites; plats principaux composés principalement de pommes de terre frites et de porc; plats principaux composés principalement de pommes de terre frites et de bœuf; plats principaux composés principalement de pommes de terre frites et de poulet; grignotines à base de légumes; grignotines à base de fromage; trempettes pour grignotines; plats préparés à base de légumes; plats préparés à base de fromage; plats principaux composés principalement de macaronis au fromage; plats principaux composés principalement de macaronis au fromage et de porc; plats principaux composés principalement de macaronis au fromage et de bœuf; plats principaux composés principalement de macaronis au fromage et de poulet.
30(2) Carrés au chocolat.
30(3) Plats préparés composés principalement de pâtes alimentaires; macaronis au fromage; plats préparés à base de macaronis.