Contenu de la décision
Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2025 COMC 190
Date de la décision : 2025-09-23
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION
Opposante : Sobeys Capital Incorporated
Requérante : CCP Produits, S.A.P.I. de C.V.
Demande : 2144339 pour VUALA
Introduction
[1] Sobeys Capital Incorporated (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce VUALA (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 2144339 (la Demande), au nom de CCP Productos, S.A.P.I. de C.V. (la Requérante), en liaison avec les produtis suivants :
[traduction]
Pain; biscuits; confiseries glacées; pâtisseries.
(Collectivement, les Produits).
[2] La principale question dans la présente procédure est de savoir s’il existe une probabilité de confusion entre la Marque et une ou plusieurs des marques de commerce enregistrées de l’Opposante, VOILA, prétendument utilisée auparavant au Canada en liaison avec, entre autres, un service de commande et de livraison d’épicerie en ligne. Les détails complets des enregistrements invoqués de l’Opposante sont établis à l’Annexe A de la présente décision.
[3] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est accueillie.
Le dossier
[4] La demande a été produite le 1er novembre 2021 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 18 octobre 2023.
[5] Le 16 février 2024, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi).
[6] Les motifs d’opposition actuellement soulevés par l’Opposante sont fondés sur la non-enregistrabilité de la Marque en vertu des articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi; l’absence de droit à l’enregistrement en vertu des articles 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi; l’absence de caractère distinctif de la Marque en vertu des articles 38(2)d) et 2 de la Loi; et l’absence de droit à l’emploi de la Marque en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi [conformément à la décision interlocutoire du registraire du 26 avril 2024, telle que corrigée du 1er mai 2024].
[7] La Requérante a produit une contre-déclaration niant les motifs d’opposition.
[8] Seule l’Opposante a produit des preuves et des observations écrites, et seule l’Opposante a été représentée lors d’une audience.
Fardeau de preuve incombant à chacune des parties
[9] L’Opposante a le fardeau de preuve initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau de preuve initial, la Requérante doit s’acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, 1990 CanLII 11059 (CF), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155].
Aperçu de la preuve
[10] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit trois affidavits, qui sont brièvement résumés ci-dessous. Les déposants n’ont pas été contre-interrogés au sujet de leurs affidavits.
L’affidavit d’Emily Demeo, souscrit le 23 août 2024 (l’Affidavit Demeo)
[11] Emily Demeo est la directrice du commerce électronique, du marketing et de l’expérience numérique pour l’Opposante. L’Affidavit Demeo fournit des renseignements contextuels sur l’historique et l’entreprise de l’Opposante, y compris en ce qui a trait à l’adoption, à l’utilisation et à la promotion du service de commande et de livraison d’épicerie en ligne au Canada de VOILA.
L’affidavit de Sharon Chernyak, souscrit le 28 août 2024 (l’Affidavit Chernyak)
[12] Mme Chernyak est une stagiaire en droit employée par les agents de marque de commerce de l’Opposante. L’Affidavit Chernyak fournit des définitions de dictionnaire pour le terme VUALA, des captures d’écran de pages Web (en espagnol) du site Web de la Requérante (www.vuala.mx), des copies de vidéos (en espagnol) trouvées sur les pages de médias sociaux de la Requérante, et des copies de vidéos (en espagnol, sauf deux en anglais) publiées par des consommateurs non identifiés sur la plateforme YouTube concernant les produits de la Requérante vendus en liaison avec la Marque.
L’affidavit d’Angelica Sales, souscrit le 16 août 2024 (l’Affidavit Sales)
[13] Mme Sales est une recherchiste en marques de commerce employée par les agents de marques de commerce de l’Opposante. L’Affidavit Sales fournit des détails sur les marques de commerce VOILA enregistrées de l’Opposant énumérées à l’Annexe A.
Analyse des motifs d’opposition
Non-enregistrabilité de la Marque vertu de l’article 12(1)d) de la Loi
[14] L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas enregistrable, puisqu’elle crée de la confusion avec une ou plusieurs de ses marques de commerce enregistrées VOILA.
[15] J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et confirmé que tous les enregistrements invoqués par l’Opposante sont en règle à la date de la présente décision, qui est la date pertinente pour évaluer un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) [Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].
[16] Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’un ou l’autre des enregistrements invoqués par l’Opposante.
Le critère en matière de confusion
[17] Le critère en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice. Ainsi, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que les produits ou les services provenant d’une source proviennent d’une autre source.
[18] Dans l’application du critère en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées spécifiquement à l’article 6(5) de la Loi. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun des facteurs peut varier selon les circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 pour une discussion exhaustive des principes généraux qui gouvernent le critère en matière de confusion]. Ces facteurs sont examinés ci-dessous.
[19] Dans Masterpiece, précité, au paragraphe 49, la Cour suprême du Canada a discuté de l’importance du facteur de l’article 6(5)e) dans l’analyse de la probabilité de confusion entre les marques de commerce des parties conformément à l’article 6 de la Loi :
[…] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) […] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires […] En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion.
[20] À moins d’indication contraire, je, comme l’Opposante dans ses représentations, concentrerai mon analyse ci-dessous sur l’enregistrement no LMC1132518 pour la marque de commerce nominale VOILA, car cela représente la meilleure chance de succès pour l’Opposante en ce qui concerne la question de la confusion.
Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent
[21] Dans ses observations, l’Opposante fait valoir que :
[traduction]
68. Dans ce cas, basé à la fois sur le bon sens et sur la preuve disponible montrant comment la Requérante elle-même et les consommateurs anglophones prononcent la marque de commerce VUALA, la marque de commerce VUALA se prononce VWAA-LAA (ce qui est phonétiquement très similaire ou identique aux termes français/anglais VOILA / VOILÀ).
69. Cela entraîne nécessairement un haut degré de ressemblance globale en ce sens que les marques sont phonétiquement très similaires, voire identiques. De même, les marques des parties sont très similaires en apparence en tant que question de première impression et de souvenir imparfait. En effet, les marques des deux parties commencent par la lettre « V », se terminent par la lettre « A » et ne diffèrent que par la combinaison de deux voyelles au milieu de leur section (« UA » dans la marque visée par la demande contre « OI » dans la marque de commerce VOILA [de l’Opposante]. Les marques des parties sont par ailleurs identiques en composition, chacune comprenant cinq lettres et deux syllabes.
70. Les marques des parties sont également très similaires en raison du fait qu’elles suggèrent les mêmes idées ou des idées similaires. Spécifiquement, la marque visée par la demande est un mot espagnol qui se traduit par la marque VOILA de [l’Opposante], une interjection anglaise et française signifiant « voilà! » : Affidavit Chernyak, au para 3 et Pièces 1 à 4.
71. En conséquence, à titre d’exemple, les marques de commerce des deux parties pourraient suggérer une apparition soudaine des produits et services des parties.
72. Peu importe la signification particulière qui pourrait être attribuée par un consommateur canadien donné, toutes les idées suggérées par les marques des deux parties considérées en liaison avec les produits et services de l’épicerie respectifs des parties sont finalement les mêmes ou très similaires étant donné qu’elles seraient prononcées de la même manière, et les consommateurs, même s’ils ne sont pas familiers avec le terme espagnol « VUALA », percevraient ce terme comme une dérivation ou une orthographe fantaisiste du terme bien connu en anglais et en français VOILA / VOILÀ.
[22] Je suis d’accord en partie avec les observations de l’Opposante.
[23] Lorsqu’on examine le degré de ressemblance entre les marques de commerce, on doit les considérer dans leur totalité; il n’est pas exact de les placer côte à côte et de comparer et d’observer des ressemblances ou des différences entre les éléments ou les composantes des marques de commerce [Veuve Clicquot, supra au para 20].
[24] Dans Masterpiece, supra au paragraphe 64, la Cour a également indiqué que, même si dans certains cas, le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce est l’élément le plus important aux fins de la distinction, il est préférable, lorsqu’on examiner la ressemblance, « de se demander d’abord si l’un des aspects de celle-ci est particulièrement frappant ou unique ».
[25] En l’espèce, je considère chacun des mots VOILA et VUALA comme l’aspect dominant unique des marques de commerce respectives des parties.
[26] En l’absence de preuve ou d’observations contraires, je conviens que la marque de commerce de l’Opposante VOILA et la Marque sont phonétiquement similaires, voire identiques, surtout du point de vue d’un anglophone unilingue ou d’un consommateur bilingue.
[27] Cependant, il n’y a aucune preuve que le consommateur canadien moyen comprendrait que la marque est un mot espagnol qui se traduit en anglais et en français par « voila »/« voilà ». Ainsi, il m’est difficile d’estimer avec certitude comment la Marque serait perçue en termes de l’idée suggérée par le consommateur moyen. Serait-ce, comme l’Opposante le fait valoir, une dérivation ou une orthographe fantaisiste du mot du dictionnaire anglais et français « voila »/« voilà », ou plutôt un terme inventé n’ayant aucun sens apparent en relation avec les produits de la Requérante?
[28] Enfin, comme les marques de commerce des parties consistent toutes deux en un mot de deux syllabes commençant par la lettre « V » et se terminant par les lettres « LA », je suis prêt à accepter qu’elles partagent sans doute certaines similitudes d’apparence.
[29] Dans l’ensemble, lorsque les trois aspects de la ressemblance sont examinés ensemble, j’estime que les marques de commerce des parties sont probablement légèrement plus semblables que différentes.
Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues
[30] Dans ses observations, l’Opposante fait valoir que :
[traduction]
75. Comme mentionné ci-dessus en ce qui concerne le facteur de degré de ressemblance, les marques de commerce phonétiquement identiques partagent nécessairement un fort degré de ressemblance globale en apparence et transmettent les mêmes idées, peu importe ce que cela peut être. Aucune des marques de commerce des parties n’est descriptive des produits ou services associés, et donc le facteur de distinctivité inhérente est relativement neutre dans l’analyse de confusion.
76. En tout état de cause, comme discuté ci-dessous, les marques de commerce VOILA enregistrées sont devenues des marques de commerce beaucoup plus fortes dans l’ensemble en raison de leur utilisation et de leur promotion extensives au fil du temps et de leur distinctivité acquise au Canada, ce qui doit se refléter dans l’étendue de la protection qui leur sera accordée : Mattel U.S.A. Inc. c 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22; GSW Ltd. c Great West Steel Industries Ltd. (1975), 22 CPR (2d) 154 (CF) au para 51; Gemological Institute of America c. Gemology Headquarters International, 2014 CF 1153 aux paras 126 et 127.
77. En conséquence, il ne s’agit pas d’un cas où deux marques de force égale (basées sur la distinctivité inhérente et acquise) sont comparées. Les Marques de commerce VOILA possèdent une distinctivité inhérente ainsi qu’une distinctivité acquise significative et ont donc droit à un large éventail de protection – en particulier en ce qui concerne les marques phonétiquement identiques en association avec des produits et services qui se chevauchent ou qui sont au moins étroitement liés […]
[31] Je suis, en général, d’accord avec l’Opposante.
[32] La Requérante n’a établi aucune utilisation ni réputation de la Marque au Canada. En revanche, l’Affidavit Demeo établit une utilisation extensive du service de commande et de livraison d’épicerie en ligne VOILA de l’Opposante, comme décrit ci-dessous.
L’Affidavit Demeo
[33] Comme le résume, en général, par l’Opposante dans ses observations écrites, Mme Demeo atteste de ce qui suit dans son affidavit :
-
·L’Opposante est l’un des plus grands détaillants alimentaires du Canada, qui exploite des épiceries à travers le Canada sous plusieurs bannières bien connues, y compris FreshCo, Sobeys, Safeway, IGA, Rachelle Béry, Marché Bonichoix et Les Marchés Tradition [para 4].
-
·L’une des marques les plus populaires de l’Opposante est son service de commande et de livraison d’épicerie en ligne VOILA. La plateforme VOILA permet aux clients de faire leurs courses en ligne pour une gamme complète de produits d’épicerie, de produits de boulangerie, de confiseries, de produits ménagers et de produits de pharmacie/de soins personnels et de faire livrer ces produits à leur domicile à un moment convenu [para 8].
-
·Tout au long de l’ensemble de l’expérience client, la marque de commerce VOILA est constamment présente et proéminente. La marque apparaît bien en vue en haut de la page Web du site VOILA et reste présente pendant que les clients font leurs courses, examinent les produits et les ingrédients des produits, passent commande dans la section boulangerie du site VOILA, recherchent des recettes ou font des achats de confiseries saisonnières. La marque VOILA apparaît bien en vue sur la confirmation par courriel qu’un client reçoit à la fin de la commande et sur les camions de livraison VOILA conduits par des assistants de livraison portant des vêtements de marque VOILA qui livrent des sacs d’épicerie de marque VOILA à la porte du client [para 34].
-
·La plateforme VOILA a fonctionné en liaison avec une famille de marques de commerce VOILA enregistrées et non enregistrées (les « Marques de commerce VOILA ») [para 27].
-
·En plus d’être mises en évidence et présentées aux clients de l’Opposante à chaque étape de leur expérience d’utilisation de la plateforme VOILA, les Marques de commerce VOILA sont mises en évidence sur la signalisation en magasin dans les points de vente au détail exploités sous les diverses bannières de vente au détail de l’Opposante, et à travers un large éventail d’autres activités publicitaires et promotionnelles, y compris la radio, la télévision, la publicité imprimée et numérique, les dépliants, les envois de courriels, la publicité en ligne, les sites Web et les comptes de médias sociaux, et la publicité hors du domicile, le tout dans le but de faire de la publicité, de promouvoir et de vendre les produits et services de l’Opposante en liaison avec les Marques de commerce VOILA [para 35 et 39].
-
·L’application mobile VOILA a été téléchargée plus de 117 000 fois depuis l’Apple Store et plus de 99 000 fois depuis le Google Play store depuis son lancement en juin 2020 [para 52].
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·Les revenus de ventes au Canada dérivés des commandes passées par l’intermédiaire de la plateforme VOILA chaque année depuis son lancement ont été très significatifs. Bien que les revenus de ventes précis sont considérés comme des renseignements confidentiels par l’Opposante, Mme Demeo confirme que ces revenus de ventes ont totalisé des centaines de millions de dollars durant la période allant du lancement de la plateforme VOILA en 2020 jusqu’au moment de son affidavit, sans détails fournis concernant les ventes dans un cadre temporel particulier au sein de cette période [para 56].
-
·Le nombre de commandes passées par le site Web VOILA et l’application VOILA au Canada au fil des ans a également été très significatif. Bien que des chiffres précis sont considérés comme des renseignements confidentiels par l’Opposante, Mme Demeo confirme que des millions de commandes ont été passées par le biais du site Web VOILA et de l’application VOILA pendant la période allant du lancement de la plateforme VOILA en 2020 jusqu’au moment de son affidavit, représentant des centaines de milliers à plus d’un million de commandes au cours de certaines de ces années [para 57].
-
·Le grand nombre de commandes individuelles passées par le site Web VOILA et l’application VOILA correspond à un nombre significatif de clients uniques. Bien que des chiffres précis sont considérés comme des renseignements confidentiels par l’Opposante, Mme Demeo confirme que plus d’un demi-million de clients uniques ont créé un compte pour utiliser le site web VOILA ou l’application VOILA et ont passé au moins une commande via la plateforme VOILA depuis le lancement de la plateforme VOILA en 2020 jusqu’au moment de son affidavit [para 58].
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·Tout comme les revenus des ventes, les dépenses réelles de l’Opposante en matière de publicité, de promotion et de marketing au Canada concernant la plateforme VOILA et les Marques de commerce VOILA sont confidentielles. Cependant, Mme Demeo confirme que ces dépenses de marketing variaient entre 8 et 10 millions de dollars canadiens par an chaque année depuis le lancement de la marque VOILA en 2020 jusqu’au moment de son affidavit, représentant des dépenses de marketing dans chacun des marchés à travers le Canada où l’Opposante a offert la plateforme VOILA et les services connexes pendant ces périodes [para 59].
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·Bien que les métriques de trafic Web précises pour le site VOILA sont considérées comme des renseignements confidentiels par l’Opposante, Mme Demeo confirme que, durant la période de 2020 à 2024 seulement, les utilisateurs canadiens d’Internet ont participé à plus de 53,2 millions de séances avec le site VOILA (connexions uniques entre l’appareil d’un utilisateur et le site VOILA) [para 64].
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·Depuis l’annonce de la plateforme VOILA en 2019, la plateforme VOILA de l’Opposante a également fait l’objet d’une couverture significative dans les journaux canadiens et d’autres médias grand public au Canada [para 68].
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·L’Opposante et la plateforme VOILA ont également reçu divers prix et reconnaissances de la part des consommateurs et de l’industrie au fil des ans [para 69].
[34] Pour soutenir ses affirmations d’utilisation et de publicité des Marques de commerce VOILA, Mme Demeo fournit de nombreux exemples représentatifs montrant comment les Marques de commerce VOILA sont mises en évidence sur le site Web VOILA, l’application VOILA, les camions de livraison VOILA, le personnel de livraison et les sacs de magasinage, ainsi que sur les matériaux de campagne marketing distribués à travers le Canada. Mme Demeo fournit également un échantillon représentatif de la couverture médiatique, y compris des articles du The Globe and Mail, du Toronto Star et du Financial Post, ainsi que des détails sur certains des prix et reconnaissances reçus par l’Opposante et la plateforme VOILA.
[35] Après examen de ces pièces, je note que la grande majorité d’entre elles affichent la version figurative suivante de la marque de commerce VOILA (des exemples supplémentaires sont reproduits à l’Annexe B jointe de la présente décision) :
[36] Je n’ai aucune difficulté à conclure que cet emploi équivaut à l’emploi de la marque de commerce VOILA, laquelle, à mon avis, préserve son identité et demeure somme toute reconnaissable dans le contexte de son emploi [selon le Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, 1985 CanLII 5537 (CAF), 4 CPR (3d) 523; et Nightingale Interloc c Prodesign (1984), 1984 CanLII 5914 (CA TMOB), 2 CPR (3d) 535 (COMC)].
[37] En résumé, j’estime que l’évaluation globale du facteur de l’article 6(5)a), qui est une combinaison de caractère distinctif inhérent et acquis, favorise sans équivoque l’Opposante, du moins en ce qui a trait à la marque de commerce VOILA.
La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage
[38] Compte tenu de mes commentaires ci-dessus, ce facteur favorise également l’Opposante, du moins en ce qui a trait à la marque de commerce VOILA.
Le genre des produits, services ou entreprises; et la nature du commerce
[39] Pour évaluer le genre des produits, des services ou de l’entreprise et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits de la Requérante avec l’état déclaratif des services dans les enregistrements invoqués par l’Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. Toutefois, ces états déclaratifs doivent être lus de manière à déterminer le genre probable de l’entreprise ou la nature probable du commerce envisagé par les commerces des parties plutôt que tous les commerces possibles qui pourraient être visés par le libellé. Une preuve établissant la nature réelle du commerce des parties est utile à cet égard [Mcdonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].
[40] Dans ses observations, l’Opposante fait valoir que :
[traduction]
89. Les produits avec lesquels la Requérante cherche à enregistrer la marque de commerce VUALA sont des produits alimentaires et d’épicerie, à savoir, « Pain; biscuits; confiseries glacées; pâtisseries », que l’on s’attendrait à voir vendus par le biais de canaux de commerce, y compris les épiceries de détail (comme celles exploitées par [l’Opposante]).
90. Pour sa part, les Marques de commerce VOILA de [l’Opposante] sont enregistrées pour une utilisation en liaison avec l’exploitation d’épiceries au détail et des services connexes. Plus particulièrement, le no d’enregistrement LMC1132518 de l’Opposante est enregistré en liaison avec les services :
[Voir l’Annexe A]
91. En ce qui concerne les services de magasin d’épicerie enregistrés de [l’Opposante], dans des affaires antérieures, la Commission des oppositions a reconnu que les services de magasin d’épicerie d’une part, et les produits alimentaires et les produits d’épicerie d’autre part, sont « intimement liés, voire identiques » : voir par exemple Tops Markets, LLC c G. D. Foods Manufacturing (Inde) Pvt. Ltd., 2021 COMC 54 au para 48].
92. Même si les services de magasin d’épicerie enregistrés de [l’Opposante] n’étaient pas directement superposés aux produits demandés, ils sont néanmoins très similaires et étroitement liés en ce sens que les Produits de marque VUALA de la Requérante seraient censés être vendus par le biais du type de services de livraison d’épicerie au détail exploités par [l’Opposante] sous ses Marques de commerce VOILA.
93. Dans de tels cas, où les produits ou services en question sont de telle nature qu’ils sont souvent utilisés ensemble, sont d’une certaine manière complémentaires, ou qu’il existe autrement un lien fort entre eux, cela favorisera une probabilité de confusion : Tokai of Canada Ltd. c Kingsford Products Company, LLC, 2021 CF 782 au para 87; Garmin Switzerland GmbH c VIVO MOBILE COMMUNICATION CO., LTD, 2021 COMC 34 au para 20, conf par 2022 CF 1410 aux para 56 à 58; Garmin Switzerland GmbH et Vivo Mobile Communications Ltd, 2023 COMC 172 au para 38.
94. En effet, l’article 6(2) de la Loi prévoit une probabilité de confusion même si les produits ou services des parties ne sont pas identiques ni même de la même catégorie générale : Mattel U.S.A. Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22 au para 65.
95. Enl’espèce, les produits et services respectifs des parties sont donc complémentaires ou fortement liés les uns aux autres, ce qui plaide en faveur d’une probabilité de confusion.
96. En ce qui concerne les voies de commercialisation, il n’y a aucune restriction dans la demande concernant les voies de commercialisation des produits de la Requérante. Il est probable, compte tenu de la nature des produits de la Requérante, qu’ils seraient vendus par les mêmes types de canaux de vente au détail de produits d’épicerie exploités par [l’Opposante] en association avec ses Marques de commerce VOILA. Il n’y a aucune preuve pour démontrer que les voies de commercialisation des parties au Canada seraient différentes ou distinctes.
97. La clientèle pertinente fait partie de l’analyse de la « nature du commerce », en tenant compte de l’endroit où les produits ou services circulent et de la classe de clients ciblée par les parties : Loblaws Inc. c. Columbia Insurance Company, 2021 CAF 29 au para 13.
98. Ici, les clients susceptibles d’acheter par l’entremise des services de livraison d’épicerie VOILA [de l’Opposante] seraient les mêmes personnes susceptibles d’acheter les divers produits alimentaires de marque VUALA de la Requérante.
99. Par conséquent, il est clair que les voies de commercialisation et les clients des produits et services des parties se chevaucheraient.
[41] Je suis, en général, d’accord avec l’Opposante.
[42] En l’absence de toute observation de la Requérante, j’estime que ces facteurs favorisent l’Opposante.
Conclusion concernant la probabilité de confusion
[43] Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire « plutôt pressé » la vue de la Marque en liaison avec les Produits à un moment où il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce nominale VOILA de l’Opposante et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur [Veuve Clicquot, supra au para 20].
[44] Après avoir examiné toutes les circonstances pertinentes, je doute toujours qu’un consommateur rencontrant la Marque pour la première fois serait en mesure de distinguer entre la Marque et la marque de commerce nominale de l’Opposante, VOILA. J’estime qu’au mieux pour la Requérante, la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce nominale VOILA de l’Opposante est équilibrée équitablement entre une conclusion de confusion et une conclusion d’absence de confusion. Étant donné qu’il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce nominale VOILA de l’Opposante, je dois donc trancher à l’encontre de la Requérante.
[45] Pour arriver à cette conclusion, j’ai tenu compte de la mesure dans laquelle la marque de commerce VOILA de l’Opposante est devenue connue et de la période pendant laquelle celle-ci a été en usage, ainsi que du fait qu’il existe un certain lien ou une relation entre les produits/services respectifs des parties et un potentiel de chevauchement dans leurs voies de commercialisation. Bien que je reconnais que le degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties n’est pas élevé, je ne considère pas que les différences existantes entre elles sont suffisantes pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante.
[46] En conséquence, le motif de l’article 12(1)d) est retenu, du moins en ce qui concerne la marque de commerce nominale de l’Opposante VOILA.
Autres motifs d’opposition
[47] Puisque le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi est déjà accueilli, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition.
Décision
[48] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette la Demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.
_______________________________
Annie Robitaille
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
Manon Duchesne
Annexe A
Détails des enregistrements de marques de commerce invoqués par l’Opposante
Marque de commerce |
No d’enreg. |
Date d’enreg. |
Services |
VOILA |
LMC1132518 |
2022-06-27 |
[traduction] 35 (1) Exploitation d'épiceries et de supermarchés; services de supermarché et d'épicerie de détail; administration de programmes de fidélisation de la clientèle; services de commande en ligne informatisés dans les domaines des aliments, des épiceries et des supermarchés; services de commande en ligne informatisés de produits d'épicerie; services de supermarché et d'épicerie de détail en ligne; vente en ligne de produits d'épicerie; offre d'information dans les domaines des produits d'épicerie, de la commande en ligne de produits d'épicerie, de la livraison de produits d'épicerie, des programmes de fidélisation de la clientèle et des produits alimentaires à partir d'un site Web. 39 (2) Livraison d'aliments par des épiceries et des supermarchés. 42 (3) Hébergement d'un site Web permettant aux utilisateurs inscrits d'une communauté en ligne de prendre part à des discussions et de créer des communautés virtuelles pour faire du réseautage social dans les domaines des produits d'épicerie, de la livraison de produits d'épicerie et de la commande de produits d'épicerie. |
VOILÀ |
LMC1132525 |
2022-06-27 |
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VOILÀ PAR SOBEYS |
LMC1132526 |
2022-06-27 |
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VOILA BY SOBEYS |
LMC1132519 |
2022-06-27 |
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VOILA POWERED BY SOBEYS |
LMC1132521 |
2022-06-27 |
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VOILÀ ALIMENTÉ PAR SOBEYS |
LMC1132527 |
2022-06-27 |
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VOILA BY FRESHCO |
LMC1132522 |
2022-06-27 |
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VOILA BY FOODLAND |
LMC1132523 |
2022-06-27 |
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VOILA POWERED BY FRESHCO |
LMC1133602 |
2022-07-11 |
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VOILA POWERED BY FOODLAND |
LMC1132524 |
2022-06-27 |
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LMC1186886 |
2023-06-22 |
[traduction] 35 (1) Exploitation d'épiceries et de supermarchés; services d'épicerie et de supermarché de détail; administration de programmes de fidélisation de la clientèle; services de commande en ligne informatisés dans les domaines des aliments, des produits d'épicerie et des produits de supermarché; services de commande en ligne informatisés de produits d'épicerie; services d'épicerie et de supermarché de détail en ligne; vente en ligne de produits d'épicerie. 38 (2) Offre d'accès à un site Web permettant aux utilisateurs inscrits d'une communauté en ligne de prendre part à des discussions et de créer des communautés virtuelles pour participer à des services de réseautage social dans les domaines des produits d'épicerie, de la livraison de produits d'épicerie et de la commande de produits d'épicerie. 39 (3) Livraison de nourriture par les épiceries et les supermarchés. 43 (4) Offre d'information dans les domaines des produits d'épicerie, de la commande en ligne de produits d'épicerie, de la livraison de produits d'épicerie, des programmes de fidélisation de la clientèle et des produits alimentaires à partir d'un site Web. |
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VOILA – FRESH OR IT’S FREE |
LMC1187018 |
2023-06-28 |
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VOILA. WE’VE GOT YOU. |
LMC1184658 |
2023-06-14 |
Annexe B
Exemples supplémentaires de l’affichage de la marque de commerce VOILA par l’Opposante
Comparutions et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : 2025-09-16
COMPARUTIONS
Pour l’Opposante : James Green
Pour la Requérante : Aucune comparution
AGENTS AU DOSSIER
Pour l’Opposante : Gowling WLG (Canada) LLP
Pour la Requérante : Robic Agence PI S.E.C./Robic IP Agency LP