Contenu de la décision
Office de la propriété intellectuelle du Canada
LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
Référence : 2025 COMC 195
Date de la décision : 2025-09-25
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Introduction
[1] La présente décision porte sur une opposition mise de l’avant par Assurant, Inc. (l’Opposante) concernant la demande d’enregistrement no 2,090,578 (la Demande) produite par Alcor&Mizar Stratégies inc. (la Requérante) pour la marque de commerce ASSUR&MAT (la Marque) en liaison avec des services d’assurances et connexes, de production de vidéos et de transmission de séquences vidéo à la demande. L’état déclaratif des services pour la Demande est reproduit à l’Annexe A ci-dessous.
[2] L’opposition est principalement fondée sur des allégations de probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce et nom commercial formés d’ASSURANT de l’Opposante. Les détails des marques de commerce de l’Opposante, tels que plaidés dans la déclaration d’opposition, sont reproduits à l’Annexe B ci-dessous (ci-après, collectivement, les Marques de commerce déposées de l’Opposante).
[3] Pour les raisons qui suivent, l’opposition est rejetée.
Aperçu de la procédure
[4] La demande a été produite le 10 mars 2021 et a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 8 février 2023.
[5] Le 8 août 2023, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi) qui soulève des motifs fondés sur la mauvaise foi de la Requérante en vertu de l’article 38(2)a.1) de la Loi, la non-enregistrabilité de la Marque en vertu des articles 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, l’absence du droit à l’enregistrement de la Requérante en vertu des articles 38(2)c) et 16(1)a) et c) de la Loi, l’absence de caractère distinctif de la Marque en vertu des articles 38(2)d) et 2 de la Loi, l’absence d’emploi et d’emploi projeté de la Marque en vertu de l’article 38(2)e) de la Loi et l’absence de droit à l’emploi de la Marque par la Requérante en vertu de l’article 38(2)f) de la Loi.
[6] La Requérante a produit une contre-déclaration niant les motifs d’opposition et les allégations de l’Opposante.
[7] Les deux parties ont produit des preuves qui sont résumées ci-dessous et examinées plus en détail dans l’analyse des motifs d’opposition. Les deux parties ont également produit des observations écrites et participé à une audience.
Aperçu de la preuve
[8] À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Paul Cosgrove, souscrit le 1er février 2024, accompagné des Pièces A à J. M. Crosgrove est le président et directeur d’Assurant Services Canada Inc. et l’agent en chef des bureaux canadiens d’American Bankers Life Assurance Company of Florida et d’American Bankers Insurance Company of Florida, des filiales de l’Opposante. Il fournit des renseignements et des détails sur le genre de l’entreprise de l’Opposante et sur l’emploi et la promotion des Marques de commerce déposées de l’Opposante au Canada.
[9] À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit d’Anne Martel, souscrit le 30 mai 2024, accompagné de la Pièce AM-1, et l’affidavit de Julie Dallaire, souscrit le 31 mai 2024, accompagné des Pièces JD-01 à JD-47.
[10] Mme Martel est la présidente de la Requérante. Elle établit son historique professionnel et son expérience dans le domaine de l’assurance et inclut des observations quant au fait que les entreprises exploitées dans l’industrie de l’assurance au Canada emploient le terme « ASSUR » comme marque ou nom. Elle fournit également une explication de l’inspiration pour formuler la Marque, indiquant qu’il s’agit d’une référence combinée à l’assurance et à son nom de famille « Martel », lequel, selon ses affirmations, est bien connu dans le domaine de l’assurance, ainsi qu’un jeu de mots sur une expression française associée aux échecs. Enfin, elle note que la Requérante a créé et se prépare à publier des vidéos d’information pour la vente dans le domaine de l’assurance pour des particuliers et des entreprises en liaison avec la Marque (je note cependant qu’un tel emploi, en effet, ne semble pas avoir eu lieu).
[11] Mme Dallaire, pour sa part, est une adjointe juridique au sein de la société représentant la Requérante et introduit la preuve de l’état du registre sous la forme d’une recherche de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes pour les marques de commerce contenant « ASSUR » dans la classe 36, accompagnée de captures d’écran de sites Web pour une sélection d’entreprises dont les marques ont été trouvées dans la recherche, ainsi que la définition du mot « assure » du dictionnaire en ligne Merriam-Webster et les résultats de recherche Google pour « Protec » et « Assure », « clicassure » et « assurart ».
[12] Les déposants des parties n’ont pas été contre-interrogés au sujet de leur affidavit.
Fardeau de preuve incombant à chacune des parties
[13] L’Opposante a le fardeau de preuve initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition. Lorsque l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau, la Requérante doit alors s’acquitter du fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun motif d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Christian Dior, SA c Dion Neckwear Ltd (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].
Analyse des motifs d’opposition
Motifs fondés sur la confusion – Articles 12(1)d), 16(1)a) et c) et 2
Plaidoyers de l’Opposante et principale question
[14] Je commencerai par souligner que l’Opposante a présenté des observations seulement à l’égard des motifs d’opposition fondés sur la non-enregistrabilité, l’absence de droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif. Comme il est indiqué ci-dessus, ceux-ci sont tous fondés sur une probabilité alléguée de confusion entre la Maque et les marques de commerce et nom commercial formés d’ASSURANT invoqués par l’Opposante. Plus particulièrement, l’Opposante allègue ce qui suit :
· La Marque n’est pas enregistrable à la lumière de l’article 12(1)d) de la Loi, puisqu’elle crée de la confusion avec les Marques de commerce déposées de l’Opposante.
· La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque compte tenu de l’article 16(1) de la Loi puisque, à la date de production, la Marque créait de la confusion avec les Marques de commerce déposées de l’Opposante et le nom commercial ASSURANT précédemment employés par l’Opposante.
· La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi parce qu’elle n’est pas adaptée pour distinguer les services de la Requérante des services des autres, y compris ceux de l’Opposante. Dans ce contexte, j’estime que ce plaidoyer fait référence et se limite aux services couverts par les Marques de commerce déposées de l’Opposante.
Dates pertinentes
[15] Les dates pertinentes pour évaluer la question de la confusion sont la date de cette décision en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité; la date de production de la Demande, soit le 10 mars 2021, en ce qui a trait aux motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement; et la date de l’opposition, soit le 8 août 2023, en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.
L’Opposante s’est acquittée de son fardeau à l’égard de tous les motifs fondés sur la confusion
[16] Pour les raisons qui suivent, l’Opposante s’acquitte de son fardeau de preuve à l’égard de tous les motifs fondés sur la confusion.
[17] En ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), j’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre et je note que l’ensemble des enregistrements de l’Opposante énumérés à l’Annexe B sont en règle à la date de cette décision.
[18] En ce qui a trait aux motifs d’opposition fondés sur l’article 16(1), la preuve de l’Opposante que ses marques de commerce et son nom commercial figuraient sur des documents comme des brochures et des formulaires de demandes fournis aux clients, ainsi que sur les sites Web de l’Opposante et de ses licenciés (dont les détails quant au nombre de visites canadiennes sont également fournis, ainsi que des exemples représentatifs de la façon dont les Marques de commerce déposées de l’Opposante sont et étaient présentées sur ceux-ci) est suffisante pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve initial [voir, par exemple, l’affidavit Cosgrove, aux para 15 à 19 et les Pièces D à G].
[19] En ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’article 2, la preuve de revenus annuels dérivés des services de l’Opposante offerts au Canada ne liaison avec la marque de commerce et le nom commercial ASSURANT (et les Marques de commerce déposées de l’Opposante de façon plus générale) ont augmenté pour atteindre plus de 500 millions de dollars en 2023 [affidavit Cosgrove, para 14] et la preuve de la présentation et de la promotion de grande envergure de la marque de commerce et du nom commercial ASSURANT sur des sites Web appartenant à l’Opposante et à son licencié [voir, par exemple, l’affidavit Cosgrove aux para 16 et 17, Pièces E à G] sont également suffisant pour lui permettre de s’acquitter de son fardeau de preuve initial. Je devrais mentionner, à ce stade, que je considère que la preuve de l’Opposante concernant l’emploi et la promotion de la marque de commerce figurative ASSURANT constitue également une preuve d’emploi et de promotion de la marque nominale ASSURANT. L’Opposante a donc démontré que ses marques de commerce et son nom commercial étaient connus au Canada et que leur réputation était importante, significative ou suffisante [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].
[20] Par conséquent, la Requérante doit maintenant démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et l’une des marques de commerce invoquées par l’Opposante ou son nom commercial. Les dates pertinentes en l’espèce n’exercent pas d’influence importante sur mes conclusions dans le cadre de l’article 6(5), donc j’évaluerai l’ensemble des motifs fondés sur la confusion ensemble. À cet égard, je porterai mon analyse sur la marque de commerce ASSURANT (LMC594,423 et LMC695,395), puisqu’elle représente le meilleur argument de l’Opposante.
Test en matière de confusion
[21] Le test à appliquer pour trancher la question de la confusion est énoncé à l’article 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.
[22] Par conséquent, l’article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais la confusion entre des produits ou services d’une source qui sont considérés comme provenant d’une autre source.
[23] Dans l’application du test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques ont été en usage; le genre de services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.
[24] Ces critères ou facteurs ne sont pas exhaustifs et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22]. Il a également été jugé que le degré de ressemblance entre les marques de commerce est souvent le facteur susceptible de revêtir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion [Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 au para 49].
Caractère distinctif inhérent
[25] Même si le caractère distinctif inhérent est atténué puisqu’il commence avec un élément qui a un lien aux services visés par la demande, il n’en demeure pas moins que la Marque dans son ensemble possède un degré de caractère distinctif inhérent appréciable puisqu’elle est une phrase inventée ou fantaisiste sans signification littérale.
[26] En revanche, la marque ASSURANT de l’Opposante possède un degré beaucoup plus faible de caractère distinctif inhérent puisqu’elle suggère (en anglais) ou décrit (en français) les services d’assurances et associés à l’assurance de l’Opposante [voir Assurant, Inc c Assurancia, Inc, 2018 CF 121 au para 57, où la Cour a confirmé qu’une marque de commerce qui est un mot inventé dans les deux langues officielles possède un plus grand caractère distinctif que celle qui est un mot inventé en anglais, mais un mot réel en français].
[27] Par conséquent, le caractère distinctif inhérent des marques de commerce favorise la Requérante.
Période d’emploi et mesure dans laquelle les marques sont devenues connues
[28] La mesure dans laquelle les marques de commerce sont connues et la période pendant laquelle elles ont été employées favorisent l’Opposante.
[29] L’Opposante fait valoir que la preuve établit que ses marques ont été employées continuellement et de façon répandue au Canada depuis au moins aussi tôt que septembre 1999 (dans le cas de la marque de commerce ASSURANT) et depuis au moins aussi tôt que mars 2004 (dans le cas des autres Marques de commerce déposées de l’Opposante). L’affidavit Cosgrove contient en effet des déclarations à cet effet; je note toutefois que la preuve documentaire la plus antérieure concernant l’emploi date de 2019 [Pièce D]. Malgré tout, en revanche, la Requérante n’a fourni aucune preuve d’emploi de la Marque.
[30] La marque de commerce ASSURANT de l’Opposante possède également un degré de caractère distinctif acquis plus élevé. À cet égard, je note que, par exemple, M. Cosgrove souligne les revenus annuels au Canada qui ont augmenté de plus de 200 millions de dollars en 2004 à plus de 500 millions de dollars en 2023 [para 14]; la marque de commerce ASSURANT qui figure sur divers documents de divulgation des produits et services, document d’inscription, brochures, certificats d’assurance, modalités, lettres aux clients et formulaires de demande fournis à des clients canadiens, les sites Web de l’Opposante et ses licenciés et les médias sociaux [para 15 à 20; Pièces D à I]; et le site Web de l’Opposant recevant à lui seul plus de 99 000 visites du Canada en 2023 et plus de 19 500 000 sessions entre le 4 janvier 2007 et le 31 décembre 2020 [para 15]. En revanche, en ce qui concerne la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue, la Requérante n’a présenté aucune preuve.
Genre des services ou entreprises, et nature du commerce
[31] Les services des parties sont grandement similaires, voire identiques, ou se chevauchent. Voir, par exemple, les services de souscription d’assurances couverts par l’enregistrement no LMC594,423 et les services d’assurances couverts par l’enregistrement no LMC695,395, lesquels sont essentiellement identiques aux services d’agence d’assurance et d’assurances visés par la Demande. Il semble également, selon la preuve de la Requérante, que ses services de transmission et de production de vidéos chevauchent les services de l’Opposante puisqu’ils cibleraient les consommateurs dans l’industrie de l’assurance (comme moyen de communiquer des renseignements à l’égard de l’assurance et des produits ou services connexes). À la lumière de ce fait et en l’absence de preuve du contraire, mes attentes sont que les services des parties transigeraient par les mêmes voies de commercialisation. Par conséquent, ces facteurs favorisent l’Opposante.
Degré de ressemblance
[32] L’Opposante fait valoir que les marques de commerce sont excessivement similaires dans le son, puisque : elles contiennent toutes deux la partie initiale « assur »; se concluent par un son « t » dur; la partie de la perluète de la Marque serait probablement, particulièrement en anglais, prononcée par « and »; sont suivies par l’élément terminal « mat » rendant la prononciation difficile et compliquée en anglais compte tenu de l’association inhabituelle d’un son « d » dur adjacent à un son « m »; compte tenu de cette difficulté, la perluète serait facilement prononcée par « an »; et la Marque, par conséquent, serait probablement prononcée « assur-an-mat ».
[33] L’Opposante fait également valoir que la présentation des marques de commerce est grandement similaire puisque : les deux marques contiennent le premier élément « assur »; partie de la perluète de la Marque rappelle la lettre « A »; la Marque contient sept des huit lettres contenues dans la marque ASSURANT de l’Opposante dans essentiellement le même ordre; et les marques de commerce diffèrent seulement de deux lettres et du symbole de perluète.
[34] En termes des idées suggérées, l’Opposante fait essentiellement valoir que, en raison de la partie commune « assur », les deux marques de commerce suggèrent et évoquent la même idée de sécurité et de certitude.
[35] La Requérante en revanche fait valoir, et je suis d’accord, que tout élément commun qui existe entre les marques de commerce en question découle de leur préfixe qui suggère ou décrit des services d’assurances et leurs suffixes respectifs « ant » et « &mat » sont plus que suffisants pour les distinguer. À cet égard, la Requérante invoque la décision dans Assurancia, ci-dessus, où la Cour a conclu que les petites différences, c’est-à-dire les suffixes « t » et « cia », étaient suffisantes pour distinguer les marques de commerce ASSURANT et ASSURANCIA des parties, les deux pour l’emploi en liaison avec des services associés aux assurances.
[36] Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, il faut examiner dans leur ensemble les marques de commerce et non scruter séparément chacun de leurs éléments constitutifs. Le test approprié n’est pas une comparaison côte à côte, mais un vague souvenir dans l’esprit d’un consommateur de la marque de commerce de l’opposant [Veuve Clicquot, précité au para 20]. Il est préférable de se demander d’abord si les marques de commerce présentent un aspect particulièrement frappant ou unique [Masterpiece, précité au para 64].
[37] J’estime que l’aspect frappant des marques de commerce ASSURANT et ASSUR&MAT des parties sont les marques de commerce dans leur ensemble, respectivement. Il existe nécessairement une ressemblance entre elles dans la mesure que leur préfixe est le même. Cependant, un tel préfixe est en effet suggestif des assurances (quoique davantage en français), diminuant son importance aux fins de la distinction. Donc, malgré l’inclusion de « ASSUR », j’estime que les marques de commerce des parties sont plus différentes que semblables sur le plan visuel et phonétique.
[38] J’estime également que, même si les idées qu’elles suggèrent se chevauchent, de telles idées diffèrent en bout de compte. En français, la marque de commerce de l’Opposante communique principalement l’idée d’assurer, puisqu’elle est le participe présent du verbe « assurer ». En anglais, elle peut en effet suggérer l’idée de sécurité ou de certitude. Dans la mesure qu’elle puisse être perçue comme une référence aux mots anglais « assurer » ou « assuror », cela accorderait également une signification directement associée au domaine de l’assurance, soit quelqu’un qui vend des assurances [comme il a été conclu dans Assurancia, ci-dessus, au para 59].
[39] D’autre part, en français la Marque sera en effet probablement perçue comme un type de jeu de mots entre « assurance » et l’expression « échec et mat ». En anglais, dans la mesure qu’il est nécessaire de tenir compte de l’idée suggérée au-delà du mot lui-même, la signification de la Marque visée par la demande dans son ensemble est quelque peu vague.
[40] En bout de compte, lorsque les trois aspects de ce facteur sont examinés, j’estime que la ressemblance entre les marques de commerce des parties est faible. Par conséquent, ce facteur favorise la Requérante.
Circonstance de l’espèce – État du registre et du marché
[41] La preuve de l’état du registre favorise un requérant lorsqu’il peut être démontré que la présence d’un élément commun dans les marques inciterait les consommateurs à porter une plus grande attention aux autres caractéristiques et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres caractéristiques [Mcdowell c Laverana Gmbh & Co KG, 2017 CF 327 au para 42]. Des conclusions concernant l’état du marché peuvent être tirées de cette preuve lorsqu’un grand nombre d’enregistrements pertinents sont trouvés ou lorsqu’il y a preuve d’emploi commun dans le marché des marques d’une tierce partie pertinente [Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF); McDowell, ci-dessus, aux para 41 à 46; et Cie Gervais Danone c Astro Dairy Products Ltd (1999), 87 CPR (3d) 262 (CF)]. Parmi les marques de commerce pertinentes, on compte celles qui sont enregistrées, celles qui concernent des services similaires à ceux des marques en cause et celles qui incluent l’élément visé en tant qu’élément important [Sobeys West Inc c Schwan’s IP, LLC, 2015 COMC 197 au para 38, conf par 2017 CF 38].
[42] Comme il est indiqué ci-dessus, la preuve de Mme Dallaire comprend les résultats d’une recherche dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes et de la common law menée pour « ASSSUR », ainsi que les détails de certains enregistrements et des captures d’écran de sites Web de divers tiers.
[43] Dans ses observations écrites, la Requérante fait notamment valoir que parmi les 57 marques de commerce formées d’ASSUR trouvées par la recherche dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes en liaison avec les assurances ou les services relatifs aux assurances, 40 sont enregistrées par 26 différentes entités et qu’il y a une preuve d’emploi pour 27 de ces marques de commerce comme le démontrent les sites Web. La Requérante fait également valoir que sept autres marques de commerce semblent être employées au Canada selon les recherches Google de Mme Dallaire. Enfin, lors de l’audience, la Requérante a fait valoir que quatre des marques de commerce sans enregistrement trouvées par la recherche dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes ont depuis atteint le stade de l’enregistrement, portant le total du nombre d’enregistrements existants pertinents à 44.
[44] Compte tenu de ma conclusion générale concernant la probabilité de confusion ci-dessous, je ne crois pas qu’il est nécessaire d’entreprendre un examen détaillé de la preuve de Mme Dallaire et j’estime que cette circonstance de l’espèce favorise la Requérante.
Conclusion concernant la confusion
[45] Après avoir appliqué le test en matière de confusion comme étant une question de première impression et du souvenir imparfait et gardant à l’esprit que l’on doit accorder un certain crédit aux consommateurs, je conclus que la Requérante dans ce cas-ci s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la marque de commerce ASSURANT de l’Opposante et la Marque. Autrement dit, un consommateur ordinaire confronté à la Marque en liaison avec les services visés par la demande ne serait pas confus et ne croirait pas qu’ils proviennent de l’Opposante ou sont autrement associés à celles-ci.
[46] J’arrive à cette conclusion principalement alors que j’estime qu’il n’existe aucun degré important de ressemblance entre les marques de commerce. Autrement dit, j’estime que le facteur du degré de ressemblance favorise la Requérante de façon à l’emporter sur tous les autres facteurs pertinents qui favorisent l’Opposante, à savoir le caractère distinctif acquis de sa marque de commerce ASSURANT, sa période d’emploi, le chevauchement à l’égard des services des parties et le potentiel de chevauchement dans leurs voies de commercialisation.
[47] Les motifs d’opposition fondés sur la non-enregistrabilité, l’absence de droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif sont donc rejetés.
Les autres motifs d’opposition sont rejetés sommairement – Articles 38(2)a.1), e) et f)
[48] En ce qui a trait à son motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)a.1), l’Opposante allègue que la Requérante connaissait pleinement, ou aurait dû pleinement connaître, les droits antérieurs de l’Opposante dans les marques de commerce et le nom commercial de l’Opposante, précédemment employés ou révélés au Canada, et que la tentative de la Requérante d’enregistrer la Marque représente une tentative de profiter de la réputation acquise et de l’achalandage développé par l’Opposante et de tromper les consommateurs en leur faisant croire que les services de la Requérante sont liés dans une certaine mesure à l’Opposante, ou sont approuvés par cette dernière, ce qui n’est pas le cas.
[49] En ce qui a trait à son motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)e), l’Opposante allègue que la Requérante n’employait pas et ne projetait pas d’employer la Marque au Canada, telle que visée par la demande d’enregistrement, à titre de marque de commerce ou en liaison avec les services de la Requérante.
[50] Comme il a été mentionné ci-dessus, l’Opposante n’a produit aucune preuve ou présenté aucune observation pour appuyer ces motifs d’opposition.
[51] En ce qui a trait à son motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)f), l’Opposante allègue que la Requérante n’avait pas le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les services visés par la demande pour les raisons suivantes :
i. la Requérante connaissait, ou aurait dû connaître, les marques de commerce et le nom commercial de l’Opposante précédemment employés, visés par une demande et enregistrés au Canada en liaison avec les services de l’Opposante;
ii. les allégations établies […] ci-dessus;
iii. le faire irait à l’encontre des dispositions en matière de commercialisation trompeuse établies à l’article 7 de la Loi et de la common law;
iv. le faire irait à l’encontre des dispositions établies à l’article 20 de la Loi;
v. le faire aurait pour effet de diminuer la valeur de l’achalandage attaché aux marques de commerce et au nom commercial de l’Opposante, en contravention à l’article 22 de la Loi.
[52] De nouveau, l’Opposante n’a présenté aucune observation à l’appui de ce motif.
[53] Il n’est pas nécessaire d’entreprendre une analyse détaillée des autres motifs d’opposition qui sont ainsi rejetés pour, à tout le moins, la raison que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial. Il va sans dire à cet égard que, même si je devais accepter que l’ensemble des plaidoyers ci-dessus sont suffisants, il n’existe ni preuve ni fondement en l’espèce pour justifier une conclusion de mauvaise foi de la part de la Requérante, qu’elle ne projetait pas d’employer la Marque ou qu’elle n’avait pas le droit d’employer la Marque à la date de production de la Demande.
Décision
[54] Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.
Iana Alexova
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Office de la propriété intellectuelle du Canada
Traduction certifiée conforme
William Desroches
Manon Duchesne
Annexe A
État déclaratif des services de la Demande
[traduction]
Cl 36 (1) Agence d’assurance; assurances; calcul des taux de prime en assurance; conseils et information sur l’assurance; courtage en assurances; diffusion d’information sur l’assurance
Cl 38 (2) Transmission de séquences vidéo à la demande
Cl 41 (3) Production de vidéos
Annexe B
Marques de commerce déposées de l’Opposante
Comparut et agents inscrits au dossier
DATE DE L’AUDIENCE : 2025-05-01
COMPARUTIONS
AGENTS AU DOSSIER