Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A maple leaf on graph paper

Office de la propriété intellectuelle du Canada

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2025 COMC 199

Date de la décision : 2025-10-16

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE D’UNE OPPOSITION

Opposante : Saxx Sous-vêtements Co. Ltée.

Requérante : Shinesty, Inc.

Demandes : 2067923 et 2173371 pour HAMAC À BOULE et HAMACS À BOULE

Introduction

[1] Il s’agit d’une décision concernant deux oppositions par Saxx Underwear Co. Ltd. à l’égard des demandes nos 2067923 et 2173371 (les Demandes) déposées par Shinesty, Inc. (la Requérente) pour les marques de commerce BALL HAMMOCK et BALL HAMMOCKS (collectivement, les Marques de la Requérente).

[2] La marque de commerce BALL HAMMOCK est enregistrée en liaison avec les produits suivants :

[traduction]

Vêtements tout-aller; vêtements de sport; vêtements pour enfants; vêtements pour bébés; vêtements d’extérieur pour l’hiver; vêtements imperméables; pyjamas; vêtements d’exercice; vêtements de sport; vêtements pour le ski; vêtements de bain; sous-vêtements de maintien, nommément sous-vêtements; vêtements, nommément kimonos; vêtements, nommément couvre-visages à usage autre que médical; chapeaux, casquettes, tuques, casquettes de baseball, petits bonnets et bandanas; tenues de détente, costumes pour hommes et tailleurs pour femmes; tenues habillées

[3] La marque de commerce BALL HAMMOCKS trademark est enregistrée en liaison avec :

[traduction]

Shorts; sous-vêtements; slips de type boxer; caleçons de type boxer; sous-vêtements pour hommes; maillots de bain pour hommes

[4] La question principale soulevée dans ces oppositions est de savoir si l’une ou les deux Marques de la Requérante donnent une description claire ou donnent une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des produits liés.

[5] Pour les raisons qui suivent, je rejette chacune des oppositions.

Le dossier

[6] La Requérante a déposé sa demande d’enregistrement de la marque BALL HAMMOCK le 2 décembre 2020 et de la marque BALL HAMMOCKS le 7 février 2022. Les deux marques de la Requérante ont été publiées dans le Journal des marques de commerce le 26 juillet 2023.

[7] Le 8 septembre 2023, l’Opposante a déposé une déclaration d’opposition contre chaque marque de commerce en vertu de l’article 38 de la Loi. Les motifs d’opposition dans chaque cas concernent l’enregistrabilité en vertu des articles 38(2)b) et 12(1)b), et le caractère distinctif en vertu des articles 38(2)d) et 2 de la Loi.

[8] La Requérante a déposé une contre-déclaration contestant les motifs de l’opposition.

[9] À l’appui de ses oppositions, l’Opposante a déposé les affidavits de Shawna Olsten et Jeannine Summers. Aucune des deux témoins de l’Opposante n’a été contre-interrogée.

[10] À l’appui des demandes, la Requérante a déposé les affidavits de Laura Sanchez et Amy L. Jobson. Mme Sanchez a été contre-interrogée sur son affidavit. La transcription de son contre-interrogatoire fait partie du dossier.

[11] À titre de contre-preuve, l’Opposante a présenté l’affidavit d’Alexandria Giesbrecht. Dans une lettre datée du 9 octobre 2024, la Requérante a contesté la recevabilité de la contre-preuve de l’Opposante, affirmant qu’il ne s’agissait pas d’une contre-preuve valable. Cette objection sera examinée plus en détail ci-dessous.

[12] Les deux parties ont produit des observations écrites. Seule la Requérante était représentée à l’audience.

Aperçu de la preuve

[13] Un bref résumé des éléments de preuve versés au dossier est présenté ci-dessous. Les éléments clés sont examinés plus en détail dans l’analyse des motifs d’opposition.

La preuve de l’Opposante

[14] Mme Olsten est vice-présidente de la marque pour l’Opposante. Elle explique que Saxx Apparel Ltd. a été constituée en société en Colombie-Britannique en 2007. En janvier 2019, Saxx Apparel Ltd. a fusionné avec Saxx Holdings Inc., puis a fait l’objet d’une série de fusions et de changements de nom qui ont abouti à la création de Saxx Underwear Co. Ltd., l’Opposante en l’espèce. Le reste de son témoignage est résumé comme suit :

· L’Opposante s’est forgé une réputation en tant que fabricant et distributeur de vêtements techniques.

· Le prédécesseur de l’Opposante a lancé un sous-vêtement technique révolutionnaire doté d’une poche ergonomique confortable pour les parties génitales, qui a ensuite été décliné en shorts, collants et bas de pyjama (Affidavit Olsten, paragraphes 4 et 5).

· L’Opposante a utilisé les termes « hammock » (hamac), ou « hammock » et « balls » (testicules), ou « hammock for the package » (hamac pour le paquet) pour décrire les caractéristiques techniques de la poche (Affidavit Olsten, paragraphe 6).

· Le prédécesseur de l’Opposante a utilisé pour la première fois le terme « hammock » dans une émission de télévision en direct en 2010, décrivant les caractéristiques du produit comme « Like a VIP Room for the boys, a hammock for the package » (une salle VIP pour les couilles, un hamac pour le paquet) (Affidavit Olsten, paragraphe 7, Pièce A).

· Depuis au moins 2016, l’Opposante a utilisé plus fréquemment le terme « hammock » pour décrire les caractéristiques spéciales des sous-vêtements, notamment sur l’emballage du produit, sur les réseaux sociaux, dans les catalogues de produits, dans les courriels promotionnels et sur les pages Web (Affidavit Olsten, paragraphes 8, 9, 10 et 12, Pièces B, C, D et E).

· L’Opposante a utilisé l’expression « hammock that separated his balls » (hamac qui séparait ses testicules) pour décrire les caractéristiques techniques de ses produits dans ses catalogues de vente et sur son site Web (Aaffidavit Olsten, paragraphes 11 et 14, Pièces D et G).

· Les fabricants et les consommateurs ont utilisé les termes « hammock » et « balls » pour décrire les sous-vêtements (Affidavit Olsten, paragraphes 17 à 20, Pièces H, I et J).

[15] Le 30 janvier 2024, Mme Summers, parajuriste au sein du cabinet de l’Opposante, a effectué des recherches sur Google à l’aide des termes « ball hammock » (hamac pour les testicules), « hammock underwear » (sous-vêtements hamac) et « hammock for your balls » (hamac pour vos testicules), dont les résultats sont joints à sa déclaration sous serment en tant que Pièces A à C. Un échantillon des impressions des pages Web des résultats de recherche Google qui composent les Pièces A, B et C est joint à son affidavit en tant que Pièce D. Les résultats des recherches sur les termes « ball hammock » et « Shinesty », « ball hammock » et « brief or underwear », ainsi que « brief or underwear » et « hammock for your balls » ont été joints à son affidavit en tant que Pièces E à G.

La preuve de la Requérante

[16] Mme Sanchez déclare dans son affidavit que la Requérante a été fondée en 2014 et utilise les Marques en liaison avec ses produits depuis au moins 2017. D’autres éléments importants de son témoignage comprennent les éléments suivants :

· Les Marques sont affichées de manière bien visible en liaison avec les produits de la Requérante sur le site Web de celle-ci, qui se trouve à l’adresse URL Shinesty.com et qui enregistre un trafic canadien élevé.

· Les Marques sont affichées de manière bien visible en liaison avec les produits de la Requérante de manière constante depuis 2017 jusqu’à aujourd’hui.

· Les Marques sont affichées de manière bien visible sur les produits de la Requérante eux-mêmes ainsi que sur leur emballage et leur étiquetage, et par des détaillants tiers sur les sites Web amazon.ca et Walmart.ca.

· La Requérante a tiré des revenus annuels substantiels de la vente de ses produits portant les Marques au Canada et dans le monde entier.

· La Requérante a largement fait de la publicité et assuré la promotion et fait largement de la publicité et assure la promotion des produits de l’Opposante en liaison avec les Marques au Canada, et ces publicités et promotions ont reçu un nombre élevé d’impressions.

· Les Marques sont et ont été mises en évidence depuis au moins 2017 dans les courriels de marketing de la Requérente, auxquels plus de 66 000 contacts se sont abonnés.

· La Requérante et ses Marques ont été largement reconnues dans les médias, notamment dans les publications renommées Men’s Journal et Forbes.

[17] Mme Jobson est employée comme parajuriste par le cabinet de la Requérante. Son affidavit a permis d’examiner de plus près certains des sites Web mentionnés dans l’Affidavit Summers.

Fardeau ultime et fardeau de preuve

[18] L’Opposante doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie les allégations plaidées dans sa déclaration d’opposition [John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 1990 CanLII 11059 (CF), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst)]. Cela signifie que, pour que les questions soulevées par l’Opposante soient examinées, il doit exister une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.

[19] En ce qui concerne les allégations à l’égard desquelles l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, comme il est allégué dans la déclaration d’opposition. L’imposition d’un fardeau ultime à la Requérante signifie que, s’il est impossible d’arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été examinée, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante.

Questions préliminaires

Admissibilité et poids à accorder à la preuve Sanchez

[20] L’Opposante soutient que l’Affidavit Sanchez contient généralement des preuves par ouï-dire inadmissibles, car Mme Sanchez a admis lors du contre-interrogatoire que les pièces et les renseignements contenus dans l’affidavit avaient été préparés par des tiers, plus précisément par des employés ou des avocats de la Requérante. À l’appui de cette position, l’Opposante cite l’article 81 des Règles des Cours fédérales et renvoie à la décision rendue dans Indigo Books & Music, Inc c Preferred One Inc, 2010 COMC 100, qui a jugé que les déclarations faites sur la base de renseignements et de convictions dans un affidavit sont, à première vue, des ouï-dire inadmissibles.

[21] En réponse, la Requérante fait valoir que Mme Sanchez, en raison de son poste de directrice de l’exploitation de la Requérante depuis 2018, a connaissance des faits particuliers mentionnés dans son affidavit, qu’elle ait été ou non personnellement chargée de prendre certaines photographies ou d’enregistrer des captures d’écran des preuves qui y sont contenues. Mme Sanchez a expressément déclaré dans son affidavit qu’en raison de son poste au sein de la Requérante, elle a accès aux dossiers relatifs aux questions soulevées dans ces oppositions. Mme Sanchez a également déclaré dans son affidavit que la Requérante tient des dossiers relatifs aux questions énoncées dans son affidavit dans le cadre normal et habituel de ses activités.

[22] Je reproduis ci-dessous la déclaration suivante faite par le juge O’Keefe dans Scott Paper Limited c Georgia-Pacific Consumer Products LP (2010), 2010 CF 478 (CanLII), 83 CPR (4th) 273 (CF) au para 35 : « L’auteur d’un affidavit peut témoigner de faits dont il a une connaissance personnelle (voir l’article 81 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106). La Cour a admis que le poste occupé par l’auteur d’un affidavit peut à l’évidence lui permettre d’avoir une connaissance personnelle des faits dont il témoigne, sans être nécessairement un témoin direct de tel ou tel événement (voir la décision Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd., [1987] A.C.F. n° 26, 1987 CanLII 9726 (FC), 13 C.P.R. (3d) 289). » Je suis d’accord avec la Requérante pour dire que Mme Sanchez, en raison de son poste de directrice de l’exploitation de la Requérante, était manifestement en mesure, du point de vue de sa fonction et de son expérience, de [traduction] « savoir ce dont elle témoignait ».

[23] L’Opposante a également souligné les déclarations faites lors du contre-interrogatoire de Mme Sanchez où elle n’était pas certaine de la réponse, comme preuve de son manque de connaissances sur cette question. Il n’y a aucune raison de supposer que Mme Sanchez n’aurait pas été en mesure de fournir des preuves contextuelles à l’appui des déclarations faites dans son affidavit, si l’Opposante avait demandé à ce qu’elle les produise. Comme l’a noté la Requérante, lorsqu’elle n’était pas sûre d’une réponse, elle a proposé de faire un suivi ou de vérifier. De plus, l’Opposante n’a demandé aucun engagement.

[24] Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’Affidavit Sanchez est recevable et je lui accorde tout son poids.

L’Affidavit Giesbrecht constitue-t-il une réponse appropriée?

[25] L’Opposante a déposé l’affidavit de Mme Giesbrecht, stagiaire chez l’agent de l’Opposante, le 16 septembre 2024, à titre de contre-preuve. Dans une lettre adressée à la Commission d’opposition en date du 9 octobre 2024 et dans ses observations écrites, la Requérante demande que l’Affidavit Giesbrecht soit exclu au motif qu’il ne constitue pas une preuve en réponse appropriée.

[26] Comme mentionné ci-dessus, une partie des preuves présentées par l’Opposante comprenait l’affidavit de Mme Summers, qui a effectué des recherches sur Google à l’aide de divers termes, notamment « ball hammock », « hammock underwear » et « hammock for your balls ». Les résultats du moteur de recherche Google faisaient référence aux sites Web omffiby.com et Harrislyn.com, mais ne comprenaient pas de copies imprimées de ces sites. La Requérante, Mme Jobson, a examiné le site Web www.omffiby.com et a déclaré sous serment que les termes « BALL HAMMOCK » et « BALL HAMMOCKS » ne semblaient pas être utilisés sur ce site Web. Elle a également déclaré qu’elle n’avait pas pu accéder au site Web www.Harrislyn.com.

[27] L’Opposante fait valoir que l’Affidavit Giesbrecht répond directement à une question soulevée dans l’Affidavit Jobson, à savoir que les pages Web www.omffiby.com et www.harrislyn.com ne montraient pas l’utilisation du terme « ball hammock » La Requérante, quant à elle, fait valoir que l’Affidavit Giesbrecht comprend les résultats des recherches effectuées à l’aide de Wayback Machine sur les pages Web www.omffiby.com et www.Harrislyn.com, qui auraient clairement été accessibles à l’Opposante dans le cadre des recherches initiales de Mme Summers.

[28] Je suis d’accord avec les arguments de la Requérante sur cette question. Une contre-preuve appropriée est une contre-preuve qui répond directement aux points soulevés dans la preuve d’un requérant qui ne sont pas anticipés; elle ne vise pas à corriger ou à compléter la preuve antérieure d’un opposant et ne permet pas à une partie de partage l’affaire [voir Halford c Seed Hawk Inc, 2003 CFPI 141]. Dans ce cas, je suis d’accord avec la Requérente que les recherches dans la Wayback Machine des pages Web www.omffiby.com et www.Harrislyn.com auraient clairement été accessibles à l’Opposante dans le cadre de la recherche initiale de Mme Summers.

[29] Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’affidavit de Mme Giesbrecht constitue une contre-preuve inappropriée et je n’accorderai donc aucun poids à celui-ci.

Analyse des motifs d’opposition

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b)

[30] L’Opposante a plaidé que la Marque n’est pas enregistrable puisque sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des produits avec lesquels elle est employée, ou en liaison avec lesquels on projette de l’employer.

[31] L’Opposante fait valoir que « ball hommock » est descriptif de la structure de soutien qui est une partie intégrante des sous-vêtements ou des shorts pour hommes. Si les produits de la Requérente ne présentent pas une telle caractéristique, les marques de la Requérente sont trompeusement mal descriptives du caractère des biens.

Évaluation d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b)

[32] L’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)b) doit être évaluée en date de la production des demandes, qui, en l’espèce, est le 2 décembre 2020, pour BALL HAMMOCK et le 7 février 2022, pour BALL HAMMOCKS [Fiesta Barbeques Ltd c General Housewares Corp, 2003 CF 1021, 28 CPR (4th) 60].

[33] Lorsqu’il s’agit de déterminer si une marque de commerce est clairement descriptive, certains des principes directeurs clés qui devraient être appliqués incluent les suivants :

· La marque de commerce doit être considérée comme une question de première impression du point de vue de l’acheteur moyen des produits liés [John Labatt Ltd c. Carling Breweries Ltd (1974), 1974 CanLII 2796 (CF), 18 CPR (2d) 15 à la p 19 (CF 1re inst); Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Canada (Procureur général), 2012 CAF 60].

· Pour donner une description [traduction] « claire », la signification de la marque doit être [traduction] « facile à comprendre, évidente ou simple » [Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C de l’É) à la p 34].

· Pour qu’un mot soit clairement descriptif, il doit être matériel à la composition des produits [Canada (Registrar of Trade Marks) c Provenzano (1977), 37 CPR (2d) 189 (CF 1re inst) à la p 189].

· Lorsqu’il s’agit de déterminer si une marque de commerce est enregistrable en vertu de l’article 12(1)b) de la Loi, le registraire ne doit pas seulement examiner la preuve, mais aussi appliquer son sens commun [Neptune SA c Procureur général du Canada (2003) 2003 CFPI 715 (CanLII), 29 CPR (4th) 497 (CF 1re inst)].

· L’interdiction prévue à l’article 12(1)b) de la Loi vise à empêcher un commerçant unique de monopoliser un terme qui donne une description claire ou qui est usuelle dans le commerce et de placer ainsi des commerçants légitimes dans une position désavantageuse [Canadian Parking Equipment c Canada (Registrar of Trade Marks), 1990 CanLII 13740 (FC), 1990 CarswellNat 834 (CF 1re inst)]; e-Funds Ltd c Banque Toronto-Dominion (2007), 61 CPR (4th) 475 au para 15].

· Les tribunaux ont reconnu que les mots descriptifs appartiennent à tous et ne peuvent être appropriés par une personne pour son usage exclusif [General Motors Corp c Bellows (1949), 1949 CanLII 47 (SCC), 10 CPR 101 (CSC) aux p 112 et 113].

Analyse

L’Opposante s’est-elle acquittée de son fardeau de preuve?

[34] La position de l’Opposante par rapport à l’article 12(1)b) est essentiellement double. Tout d’abord, l’Opposante soutient que la Marque en liaison avec des sous-vêtements ou des shorts pour hommes décrit clairement une caractéristique et une caractéristique intrinsèque des produits, à savoir qu’ils ont une poche en forme de hamac pour soutenir les organes génitaux masculins. Deuxièmement, l’Opposante soutient que ses preuves démontrent que les mots « ball » et « hammock » sont courants dans le commerce et sont utilisés par les fabricants, les commerçants ou les consommateurs pour décrire ou faire référence à une caractéristique technique particulière des produits.

[35] En ce qui concerne le premier point de l’Opposante, l’Opposante n’a pas fourni de définitions de dictionnaire spécifiques pour les termes « ball » ou « hammock ». Je suis donc prête à exercer mon pouvoir discrétionnaire et prendre connaissance d’office des définitions du dictionnaire de « ball » – une définition étant « a man’s testicles » (les testicules d’un homme) – et « hammock » – défini comme [traduction] « un morceau de tissu ou de filet résistant, suspendu entre deux supports et utilisé comme lit », selon le dictionnaire en ligne Collins [voir Tradall S.A. c Devil’s Martini Inc., 2011 COMC 65 au para 29]. Étant donné ces définitions, je suis d’accord avec l’Opposante que, à lui seul, le mot « ball » pourrait être utilisé individuellement pour décrire une caractéristique ou un trait des sous-vêtements pour hommes, étant donné sa définition signifiant un testicule masculin. Cependant, il n’en va pas de même en ce qui concerne le mot « hammock » pour les raisons qui seront expliquées plus bas.

[36] Bien que le sens des mots est important, la construction linguistique des mots peut également jouer un rôle dans la détermination de la clarté descriptive ou de la tromperie trompeuse d’une marque de commerce [Clarkson Gordon c. Registrar of Trade Marks (1985), 1985 CanLII 6456 (CF), 5 CPR (3d) 252 (CF 1re inst) – AUDITCOMPUTER; Pizza Pizza Ltd c Registrar of Trade Marks (1982), 1982 CanLII 5595 (CF), 67 CPR (2d) 202 (CF 1re inst) – PIZZA PIZZA]. La considération que les tribunaux ont faite en ce qui concerne les constructions linguistiques nouvelles est essentiellement que, en créant une nouvelle construction linguistique, le demandeur ou le propriétaire de la marque n’a pas retiré des mots du vocabulaire des autres offrant des produits comparables.

[37] La Requérente fait valoir que la combinaison des mots « ball » et « hammock » ou « hammocks » en BALL HAMMOCK ou BALL HAMMOCKS constitue des constructions linguistiques inhabituelles dont le sens peut ne pas être clair ou évident pour le consommateur moyen de sous-vêtements pour hommes. Je reproduis ci-dessous les représentations écrites de la Requérente au paragraphe 101 à l’appui de cet argument :

[traduction]

Bien que les mots « ball » et « hammock(s) » sont des mots anglais ordinaires qui pourraient être quelque peu suggestifs dans le contexte des produits de lingerie, leur combinaison et leur agencement suggèrent des significations différentes, dont aucune n’est clairement descriptive du caractère ou de la qualité des biens associés. Par exemple, qu’est-ce qu’un « ball hammock »? S’agit-il d’un hamac contenant des balles? Est-ce un hamac composé de balles? Est-ce un hamac fait pour des balles?

Compte tenu des diverses significations qui peuvent être attribuées à « ball hammock » ou « ball hammocks », je n’estime pas que l’une ou l’autre marque dans son ensemble soit évidente ou claire dans le contexte des produits de la Requérente, en particulier en tant que question de première impression. Bien qu’un hamac composé de balles n’est pas un sens plausible, les deux autres exemples fournis par la Requérente sont sans doute suggestifs, mais pas clairement descriptifs. À mon avis, il n’est pas clair si « hammock » ou « hammocks » est destiné à signifier que la poche dans le sous-vêtement est façonnée comme un hamac ou offre le confort d’un hamac, ce qui en soi est un concept nébuleux. De plus, les consommateurs des produits de la Requérente peuvent se demander comment une pochette peut être façonnée comme un hamac pour contenir simplement les testicules, par opposition au pénis lui-même (comme il est plus évident dans le terme d’argot « banana hammock » (hamac banane)).

[38] Pour soutenir son deuxième point, l’Opposante a fourni un certain nombre d’exemples d’utilisations par lui-même et par des tiers des mots « ball » et/ou « hammock » ou « hammocks » en association avec des sous-vêtements ou des shorts pour hommes. Par exemple, les documents aux Pièces A à G de l’Affidavit Olsten sont des exemples représentatifs de la manière dont l’Opposante a utilisé « hammock » et « balls » au fil des ans pour promouvoir la technologie derrière les articles de vêtements SAXX de l’Opposante. L’Opposante a également utilisé l’expression « hammock that separated his balls » pour décrire la caractéristique technique de ses produits dans ses catalogues de vente et sur son site Web (Affidavit Olsten, paragraphes 11 et 14, Pièces D et G).

[39] L’Opposante a également fait valoir que les courriels promotionnels et les messages numériques distribués aux clients canadiens de l’Opposante comprenaient également des références à « hammock » et utilisaient « hammock » et « balls » dans le même contexte, y compris ce qui suit :

« Designed to keep your balls in place, our hammock-shape tech… » (Conçu pour maintenir vos testicules en place, notre technologie en forme de hamac…)

« Designed to keep everything in place, our hammock-shaped tech… » (Conçu pour maintenir tout en place, notre technologie en forme de hamac…)

« the BallPark Pouch is shaped like a hammock so your balls won’t feel… » (le BallPark Pouch est conçu comme un hamac pour que vos testicules ne se sentent pas…)

« Cradle his jewels in our hammock-shaped pouch » (Bercez ses bijoux dans notre pochette en forme de hamac)

« Our hammock-shaped pouch keeps everything in place so you can enjoy chafe-free comfort to your ball’s content » (Notre pochette en forme de hamac garde tout en place afin que vous puissiez profiter d’un confort sans frottement à votre guise)

« it’s like a luxurious hammock for your balls » (c’est comme un hamac luxueux pour tes testicules)

[40] Utiliser deux mots qui composent une marque déposée [traduction] « dans le même contexte » n’est cependant pas la même chose que d’utiliser les deux mots qui composent une marque déposée [traduction] « dans leur ensemble ». Comme l’Opposante n’a pas prouvé qu’il utilise l’une ou l’autre des expressions « ball hammock » ou « ball hammocks » dans leur ensemble, cette preuve à elle seule n’est donc pas suffisante pour démontrer que l’une ou l’autre des Marques est clairement descriptive de leurs produits liés.

[41] La preuve de l’Opposante selon laquelle « ball hammock » ou « ball hammocks » a été couramment utilisé par d’autres commerçants pour désigner une caractéristique technique spéciale des sous-vêtements, comme en témoigne l’Affidavit Summers, est également déficiente à plusieurs égards. Comme résumé au paragraphe 28 des représentations écrites de la Requérente (et tel qu’indiqué à l’Annexe A des représentations écrites de la Requérente), sur environ 27 exemples d’utilisations descriptives alléguées des termes « ball hammock », « hammock », « ball » ou « balls » pour des sous-vêtements soumis par l’Opposante :

· Plusieurs exemples proviennent de sites Web qui, au 6 juin 2024, ne contenaient en réalité pas les termes « ball hammock » ou « ball hammocks », comme l’a confirmé la déposante de la Requérente, Mme Jobson.

· Certaines références sont celles de la Requérente.

· D’autres références concernent l’équipement sportif, les fournitures pour animaux de compagnie ou les articles pour la maison – pas les sous-vêtements ou les vêtements liés.

· Certains exemples sont liés au même tiers.

· De nombreuses références n’utilisent pas « ball hammock » ou « ball hammocks » ensemble comme une seule expression.

· Plusieurs références étaient datées après les dates du matériel pertinent.

· La plupart des références sont inadmissibles, car elles n’apparaissent que sur les pages de résultats de recherche Google sans aucune preuve attestant leur fiabilité [Blistex Inc c Smiths Medical ASD, Inc, 2012 COMC 184 au para 17].

[42] Bien que la Requérente a également contesté ces références dans les Summers qui provenaient de l’extérieur du Canada, je note que cela ne les rend pas en soi non pertinentes en vertu du motif de l’article 12(1)b). Comme noté dans Wonder Brands Inc. et Poppy Industries Canada Inc., 2023 COMC 158 au para 17 : « la question n’est pas de savoir si le terme a été employé de façon à donner une description claire au Canada, mais plutôt de savoir si le terme donne une description claire en français ou en anglais [voir Canadian Inovatech Inc c Burnbrae Farms Ltd (2003), 2003 CanLII 85823 (CA COMC), 31 CPR (4th) 151 (COMC), au para 13; Guess? Inc c Slide Sportswear Inc (2005), 2005 CanLII 78306 (CA COMC), 44 CPR (4th) 380 (COMC)]. » Quoiqu’il en soit, ni les preuves dans l’Affidavit Olsten ni dans l’Affidavit Summers ne me persuadent que les marques sont clairement descriptives pour les raisons suivantes.

[43] Tout d’abord, comme l’a noté la Requérente, le test est de savoir si l’un ou l’autre des Marques dans leur ensemble, lorsqu’elles sont considérées comme une première impression, est clairement descriptif. L’utilisation par l’Opposante et d’autres tiers des mots « ball » et « hammock » séparément ne montre pas que les Marques BALL HAMMOCK ou BALL HAMMOCKS sont clairement descriptives dans leur ensemble.

[44] Deuxièmement, après avoir exclu une grande partie des preuves pour les raisons déclarées précédemment, les résultats restants se composent des références suivantes :

· Sous-vêtements en filet respirant avec support pour testicules en paquet de 4 – [Pièce D, p 393 – Versaley.com]

· Sous-vêtements pour hommes avec poche en hamac pour les testicules – [Pièce D, p 54 à 57– Amazon.ca]

· Commencez à emballer – Boxers en hamac à testicules [Pièce D, p 58 à 65; p 515 – Bierstick.com]

· Poche séparée pour les testicules, caleçons pour hommes [Pièce D, p 495 – Versaley.com]

· Article intitulé « Ball Hammock Underwear » [Pièce D, p 500 – Smuggsunderwear.com.au]

[45] À mon avis, au mieux pour l’Opposante, cela constitue la preuve de quatre commerçants utilisant le terme. Cette preuve n’est pas exhaustive et est insuffisante pour montrer que les commerçants sur le marché utilisent « ball hammock » ou « ball hammocks » pour décrire une caractéristique technique de leurs sous-vêtements.

[46] En fin de compte, bien que « ball » et « hammock » ou « hammocks » peuvent bien évoquer une caractéristique ou une particularité des sous-vêtements ou des shorts pour hommes, je ne considère pas que l’un ou l’autre d’entre eux transmette un sens évident aux consommateurs en association avec ces produits, ni les preuves au dossier ne me persuadent que leur enregistrement interdirait à d’autres commerçants d’utiliser des termes descriptifs appropriés. Ainsi, je ne considère aucun des Marques comme étant clairement descriptif au sens de l’article 12(1)b) de la Loi. De plus, comme je ne considère pas avoir de preuves suggérant que l’un ou l’autre des Marques est susceptible de tromper les consommateurs quant à une caractéristique ou un trait inhérent des produits de la Requérente, j’estime également que les Marques ne sont pas trompeusement descriptives. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)b) est rejeté dans chaque cas.

Motif d’opposition fondé sur l’article 38(2)d)

[47] Le motif d’opposition de l’article 38(2)d) de l’Opposante, qui est identique dans les deux procédures sauf pour la marque de commerce mentionnée, est reproduit ci-dessous :

[traduction]

La Marque contestée n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce, en ce qu’elle ne distingue pas véritablement, n’est pas adaptée pour distinguer et n’est pas capable de distinguer les produits de la Requérante tels que décrits dans la Demande des produits de l’Opposante ou des produits d’autres personnes. En particulier, bien avant que la Requérente n’adopte ou ne dépose une demande de marque de commerce pour BALL HAMMOCK/BALL HAMMOCKS, l’Opposante et d’autres ont utilisé au Canada l’expression « ball hammock », « hammock for your boys » (hamac pour vos couilles) ou « hammock for your balls », ou séparément les termes « ball », « balls » et « hammock » en relation avec des sous-vêtements et des shorts afin de décrire une caractéristique des produits. En raison de telles utilisations, la marque contestée n’est pas capable de fonctionner comme un indicateur de source et de distinguer les produits de la Requérente de ceux de l’Opposante ou d’autres.

[48] Je comprends que la position de l’Opposante est que le consommateur ordinaire de sous-vêtements pour hommes percevrait les Marques comme une référence à la présence de « ball hammock(s) » dans les produits de la Requérente plutôt que comme un identifiant de source pour les produits de la Requérente. Par conséquent, en voyant les marques, les consommateurs ne les percevraient pas comme des indicateurs de source, mais plutôt comme une référence à une caractéristique technique des sous-vêtements de la Requérente.

[49] La date pertinente pour un motif d’opposition fondé sur l’absence du caractère distinctif est la date de production de la déclaration d’opposition, à savoir le 8 septembre 2023 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[50] Comme discuté ci-dessus en ce qui concerne le motif de l’article 12(1)b), j’estime que la marque n’est pas clairement descriptive ni trompeusement descriptive, et donc ce fondement du motif d’opposition de l’Opposante en vertu de l’article 2 échoue.

[51] Cependant, le fait qu’une marque de commerce ne soit pas jugée contraire à l’article 12(1)b) ne signifie pas nécessairement que la marque de commerce est distinctive au sens de l’article 2 de la Loi [voir Conseil canadien des ingénieurs professionels c APA - Engineered Wood Assn (2000), 2000 CanLII 15543 (CF), 7 CPR (4th) 239 (CF) au para 49]. Ainsi, j’ai considéré si les preuves de l’Opposante remettent en question la distinctivité de la Marque en dehors des critères utilisés pour déterminer si une marque est clairement descriptive ou trompeusement descriptive.

[52] En particulier, l’Opposante soutient qu’elle-même et d’autres ont utilisé les expressions « ball hammoc », « hammock for your boys », « hammock for your balls », ou séparément les termes « ball », « balls » et « hammock » en relation avec des sous-vêtements et des shorts afin de décrire une caractéristique de ces produits. Je n’estime pas que la position de l’Opposante sur ce point soit convaincante. À cet égard, je ne considère pas avoir suffisamment de preuves avant la date matérielle que de tels produits de tiers ont en fait été vendus en quantités au Canada, ou étaient autrement connus des Canadiens, suffisamment pour nier le caractère distinctif de l’une ou l’autre des marques, ce qui est une considération critique en vertu d’un motif d’opposition de l’article 2 [voir Rothmans, Benson & Hedges, Inc c Imperial Tobacco Products Ltd, 2012 COMC 226, conf par (2014), 118 CPR (4th) (CF), conf par 2015 CAF 111, 132 CPR (4th)]. En effet, comme discuté ci-dessus, en ce qui concerne l’expression BALL HAMMOCK ou BALL HAMMOCKS, les preuves de l’Opposante semblent révéler quatre commerçants affichant ce terme. En conséquence, je ne considère pas que la preuve de l’Opposante satisfait au fardeau de preuve initial de l’Opposante en vertu de l’article 2 sur la question de savoir si l’une ou l’autre des Marques est déjà utilisée par plusieurs commerçants au Canada.

[53] Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’article 2 est rejeté.

Décision

[54] Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette les oppositions selon les dispositions de l’article 38(12) de la Loi.

 

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Manon Duchesne


 

Comparutions et agents inscrits au dossier

DATE DE L’AUDIENCE : 2025-09-17

COMPARUTIONS

Pour l’Opposante : Aucune comparution au nom de l’Opposante.

Pour la Requérante : Claire Stempian et Karen MacDonald

AGENTS AU DOSSIER

Pour l’Opposante : Oyen Wiggs Green & Mutala LLP

Pour la Requérante : Cassels Brock et Blackwell S.E.N.C.R.L.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.